07-07-2017
Ecrins
3983
AD

Meije, 3983 m, traversée

Le décor :
S'il n'en fallait qu'une seule, ce serait celle-ci. Cette immense montagne du Haut-Dauphiné réunit tous les ingrédients de l'alpinisme. Flirtant avec la barre des 4000 mètres, elle toise ses prétendants qui devront successivement approcher ces altitudes à la force du mollet, escalader une haute muraille rocheuse, cramponner sans faux pas quelques toboggans glacés et enfin jouer les funambules sur l’une des plus belles et des plus vertigineuses arêtes des Alpes.

Un peu d’histoire :
Le père Gaspard, guide de son état, son jeune fils et le fougueux Boileau de Castelnau se dressent au sommet de la « Grande Difficile » le 16 août 1877 au terme d'une belle aventure. À cette époque, il fallait bien du temps et des péripéties pour rejoindre La Bérarde, dernier hameau du Vénéon, vallée des plus sauvages et encaissées de l'Oisans. Comme le disait Gaston Rébuffat, ainsi « on entre en Meije » . Avec pour ultime horizon la muraille Sud qui, du Grand Pic au Doigt de Dieu, barre le fond des Étançons, l'alpiniste peut au cours de sa randonnée songer aux heures intenses du lendemain.

La montée au refuge du promontoire :
Jeudi 06 juillet à 9h00 nous sommes 6 en partance du camping de la Bérarde pour monter au refuge du promontoire.
Pause au refuge du Châtteleret, repérage de l’itinéraire de la course.
Arrivée au refuge du promontoire : sieste, après discussion avec des architectes en quête de recherche pour l’écriture d’un livre sur l’histoire des refuges. Puis un botaniste (venu changer ses capteurs au sommet de la Meije) nous fera partager sa passion avec une conférence sur l’évolution de la flore des montagnes (de la Meije). Soirée très sympathique, partagée autour d’un apéritif offert par le gardien afin de faire connaissance entre les différentes cordées.

La traversée de la meije :
Vendredi 07 juillet ; le jour J, le départ s'effectue au cœur de la nuit, réveil à 3h30. 3h40 au petit déjeuner :
Gilles : Salut Emeric, Tu peux aller te recoucher, il pleut.
Emeric : Ah ah, tu as de l’humour.
Gilles : Sors dehors tu verras.
Emeric : Mince alors, il pleut.
Gilles : On remet le départ à 5h00

5h00, toujours au petit déjeuner, on frappe à la fenêtre, je me retourne Emeric me fait comprendre que je dois me dépêcher. C’est encordement tartines en prime. Quèsaco ? Pour la Meije, pas une minute à perdre, certains encordent leur compagnon alors que celui-ci plonge encore avec délice sa tartine beurrée dans son café !

Le sol est quasi sec, mes cinq compagnons ont mis les grosses (chaussures d’alpi) alors je mets mes chaussons d’escalade taille haute, tout confort, slick, gomme tendre. Le rocher n’a qu’à bien se tenir. Étant le plus petit, je me retrouve avec le plus grand. Anthony fait cordée avec Minh, David avec Olivier.

La voie pour le Grand Pic débute entre le refuge et les toilettes. Il ne faut pas se tromper…

C’est parti pour 800 m d’escalade. Emeric, avec sa voix toute fluette !!, nous identifie tous les passages historiques (impossible de les rater) : le Crapaud, l'arête du Promontoire, le couloir Duhamel, la dalle Castelnau, le Dos-d'âne, la dalle des Autrichiens, le pas du Chat, on en aura terminé avec la Grande Muraille, et chausser les crampons sera indispensable pour remonter le glacier Carré.

Ah, il y a une cordée qui a raté le Pas de Chat, cher gaulois, ils vous proposeront la course l’an prochain.

L’escalade se poursuit, un léger vent frais apporte les nuages. Il fait être vigilant, certaines pierres sont instables. C’est là que l’on entend un fort boum qui raisonne proche de nous.

David, Olivier … çà va ???

Ouais, il y a une grosse pierre que je viens de faire tomber…

Bon, pas très rassurant…

Plus haut, le passage du Cheval rouge, Emeric le passe à l’ancienne dans la fissure, Anthony à la nouvelle éloigné de la fissure mais tous finissent à califourchon en vue du versant nord. Un dernier surplomb : le Chapeau du Capucin, que l'on gravit par la gauche, permet de rejoindre l'arête qui conduit facilement au sommet du grand Pic de la Meije.

Enfin nous voilà tous au sommet pour la photo magique, congratulations, la paysage est enchanteur… Les petites fleurs on les a toutes remarquées : À l’attaque de la muraille de Castelnau on découvre : La drave douteuse et le génépi noir ; puis sur les vires, avant le Dos d’Ane, puis avant la Dalle des Autrichiens : Le roi des Alpes ; à la sortie de la vire du glacier carré : La renoncule des glaciers ; enfin dans la face ouest du Grand Pic, avant Cheval rouge : La saxifrage à feuilles opposées.

Mince la barre des écrins est dans les nuages, on n’a pas encore fait la moitié de la course. On mange rapidement puis c’est reparti.

La suite est un parcours engagé qui, après un passage dans les couloirs glacés du versant nord, relit les quatre dents par les arêtes pour mener au Doigt de Dieu, point final de la course.

Cela commence par aller chercher le relais pour le rappel afin d’atteindre la brèche puis le passage du rasoir nécessite une vigilance accrue pour l’assurage. Emeric a toute confiance !! Enfin la Dent Zsigmondy qui se contourne par le bas. Les professionnels ont eu la bonne idée de mettre un câble qui assure et rassure les cordées (bon parfois le câble est encore enfoui par endroit sous la neige). Celui-ci permet de s’assurer pour descendre et traverser sous la Dent en face Nord sur de la neige pour gagner une goulotte remplie de glace qui permet de gagner l'arête à une brèche entre la Dent Zsigmondy et la Deuxième Dent. On en sort rincé.

Puis sur les arêtes qui relient les dents, c’est une succession de montée, descente jusqu’au doigt de dieu sur un rocher globalement bon et avec un peu, passionnément, beaucoup de gaz. Cependant, c’est plus facile, cela permet de se refaire la cerise.

Le Doigt de Dieu, le léger vent a poussé les nuages, le beau temps est de retour. Petite pause, c’est toujours aussi féerique. Il y a un horaire à tenir, on part chercher le rappel 100 m plus bas, atteindre la brèche. Puis les deux derniers rappels sont communs aux cordées, pour se retrouver ensemble et prendre pied sur le glacier qui nous mène jusqu’au refuge mythique de l’Aigle.

18h00 et nous arrivons chez Louis le gardien. Après une course enivrante, tout au bout des arêtes, la fatigue et le temps, nous restons pour une nuit réparatrice dans ce refuge magnifique.

Le retour :
Samedi, la descente commence par le glacier du Tabuchet puis sur des vires jusque dans la vallée (D-1800m) pour rejoindre Villard d'Arène. Petit resto, débriefing, puis retour en taxi jusqu’à la Bérarde.

Conclusion :
Les cordées ont toujours progressé à vu. Emeric à l’aide du talkie walkie (nous sommes en 2017) a prodigué quelques conseils et cela permet de rassurer les cordées et de rester sur le bon itinéraire. Cela n’empêchera pas à une cordée de rater le Pas du Chat pour la seconde fois. 2/2

Grande course en haute montagne avec des passages en neige (45°), en glace, et en mixte sur les arêtes où les crampons sont parfois nécessaires sur la totalité du parcours. Tenir un horaire est gage de sécurité indispensable dans cette course. Pour cela, il faut maîtriser la difficulté des passages en même temps qu'une bonne pratique des techniques de progression alternant longueurs de corde et progression à corde tendue.

En résumé :
M A G N I F I Q U E

La traversée de la Meije tant attendue ! Le film ici !

Anecdotes : je vous laisse compléter.