30-04-2018
Ecrins
1900
1700
3589
F
12
1

 

On est arrivé la veille au chalet CAF de la Berarde, sans objectif particulier. La météo annoncée est mitigée.

Le choix final s'est porté sur les Rouies. Le matin, j'hésite à prendre le casque, que j'avais emmené en cas de pente raide. Il trouve finalement sa place sur le sac. Je me sens vieux, aujourd'hui j'ai 38 ans.

Départ 4h45, on remonte le vallon du Carrelet encombré régulièrement de névés en neige dure.

La traversée vers le vallon du Chardon est problématique : pas de passerelle, un torrent large et bien fourni. On hésite... Thibault lance ses skis de l'autre côté, il faut traverser. Ce sera donc pieds nus, bien vivifiant le matin à 6h30.

On remonte le Vallon du Chardon jusque vers 2500 m où on hésite entre 2 options :
1. Emprunter un couloir pour rejoindre l'itinéraire tracé sur la carte qui mène aussi au Col de la Lavey.
2. Emprunter la voie normale qui continue sur le glacier jusqu'à 2700 m avant de remonter par des pentes soutenues sur le plateau des Rouies.
On choisit finalement l'option 1, la 2 sera pour la descente.

Le temps se dégrade, David nous abandonne vers 3100m, fatigué. On continue dans une visibilité réduite jusqu'au pentes terminales. Thibault abandonne à son tour, visiblement pas dans son assiette. Avec Antoine, nous atteignons le sommet vers 13h30. Poignet de main, photo monochrome, je mets le casque et on redescend avec Thibault.

Vingt centimètres de poudreuse permettent de faire quelques virages, l'orientation est difficile. On récupère David en passant. A partir de 2800 m la poudreuse se fait plus rare.

Vers 2700 m, je me retrouve sur une zone gelée avec aucun grip, incliné à 25° environ. J'ai du mal à tenir debout. J'examine mes possibilités :
- En-dessous de moi, une trentaine de mètres de pente de 30 à 35°, gelé, puis une rupture de pente.
- A gauche c'est pire.
- Une quinzaine de mètres derrière moi, un couloir semble s'ouvrir' j'aperçois Thibault, casque sur le sac, s'y engouffrer, puis David commencer à y aller en dérapant.

Le salut est donc derrière moi, je réalise mon plus beau virage sauté, en espérant que les carres fassent leur travail. A la réception, mes skis se dérobent, je tombe et je prends de plus en plus de vitesse. J'arrive à la rupture de pente, qui s'avère être une barre rocheuse de quarante mètres de haut. Je m'envole.

Apres un premier impact très violent, plusieurs chocs se succèdent et je finis par m'immobiliser, je suis resté conscient. Rapidement, Thibault me rejoint et, après quelques questions, m'informe qu'il va chercher du secours.

Je suis bientôt rejoint par David et Antoine, qui sont descendus sur abalakov. Commence la longue attente, je souffre du froid et de multiples douleurs.

Après deux heures de patience, je suis évacué en hélicoptère à l'hôpital de Briançon. Mon état pouvant nécessiter une neuro chirurgie d'urgence je suis finalement transféré par ambulance à l'hôpital de Grenoble.

Bilan : pneunomothorax gauche, hemothorax droit, troubles de la vision, multiples hématomes et de nombreuses fractures : poignet gauche, deux vertèbres (sans gravité), plusieurs côtes, crâne, sinus. Le casque m'a sauvé la vie.
Douze jours après, tout semble rentrer dans l'ordre, avec probablement aucune séquelle.

Merci à Antoine et David pour m'avoir tenu au chaud, au PGHM de Briançon pour leur efficacité dans des conditions délicates et aux Soignants, trésors de dévouement et îlots lumineux dans une mer de souffrance.

Et enfin un GRAND MERCI à Thibault pour son sang froid et la vitesse supersonique avec laquelle il a rejoint La Berarde pour déclencher les secours.