18-07-2021
Ecrins
D
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Une semaine à la météo calamiteuse nous aura valu bien des hésitations. Les cordées se sont faites, défaites et les objectifs ont dansé une valse que ne renierait pas le ballet de Vienne. Finalement, en cette fin de semaine, reste 3 Gaulois prêts à en découdre. Venga venga !

 Départ ce dimanche sur les coups de 5h20 du refuge du Chatellerêt. La nuit est claire, et partout dans le vallon de petites lucioles s’affairent. On distingue nettement des frontales à l’assaut de la Meije, d’autres qui traversent vers la pointe des aigles. Notre début de journée est bien plus modeste, composé d’une lente remonté des lacets du chemin du Replat. D’abord bien roulant, on vient buter sur une barre rocheuse qu’il nous faut contourner par un sentier qui disparait dans un mélange de ressauts et de pierriers. La progression y est pénible, mais heureusement nous arrivons rapidement sur un replat recouvert d’une neige préservée par ce début d’été tout en fraicheur. Terrain bienvenu qui simplifie largement notre progression.

 Rapidement, nous quittons le chemin de la VN du Replat pour bifurquer dans une pente en neige dure, de plus en plus raide, en direction du Col de la Selle. Face à nous, le petit matin illumine notre objectif du jour : le pilier Chèze, une belle lance qui file quasi directement au sommet du Replat. Le topo C2C décrit la voie comme courte mais raide. Vu d’ici, on devine que ce n’est pas exagéré. Au pied, on profite d’un relais de rappel flambant neuf à l’attaque de la voie « Replat c’est beau » pour nous équiper sans crainte de voir un sac faire un tour de tobogan.

Le topo C2C est très clair, aussi nous n’hésitons pas vraiment sur la direction à prendre. C’est François qui a été l’heureux élu de la tête, pendant que j’utilisais lâchement mon excuse « photo-reporter » pour me placer à la confortable place du milieu dans notre petite flèche conviviale. Dès cette première longueur, on est dans l’ambiance de la voie. Une grimpe pas trop difficile mais avec son lot de pas un peu fourbes. Le rocher est bon et on trouve pas mal de pitons, ce qui limite le rajout de matériel (il n’est tout de même pas possible de ne compter que sur l’équipement en place).

 François nous offre une belle envolée et un peu de corde tendue pour rejoindre un relais confortable dans une gorge. Après consultation du topo, on doit être un peu hors de la voie sur le côté de l’éperon, quelque part entre L2 et L3. On aperçoit là, sur le fil, un béquet sanglé qui parait correspondre à la description de R3. François repart dans sa direction, mais se rends rapidement compte de la difficulté de la traversée. Alors il se dirige vers une brèche un peu plus haut. De là, il bascule de l’autre côté dans un petit cri « ça gaaaaaze camaraaaades ! ». La corde déroule de longues minutes, avant qu’il nous semble entendre un « vaché ! ». Puis de longues minutes d’inaction. Entre la brèche et le frottement de plusieurs blocs, on devine la corde totalement coincée. Je laisse un gros tas de nouilles au relais et remonte débloquer tout ça. Arrivé à la brèche, je peu communiquer avec François et débloquer la corde. De là, je guide celle d’Erik, avant de basculer à mon tour de l’autre côté, dans une traversée qui m’offre quelques sueurs froides. Les pieds sont fuyants et bordel ce que ça gaze. Et dire qu’on est qu’au début de la voie !

 Erik me suit dans la traversée, puis on s’élance à la vertical vers François. Arrivé à son niveau, une mauvaise surprise nous attend : un relais sur deux pitons, le cul dans le vide, et à peine la place pour deux. Désolé Erik, t’est le dernier, on te vache au cab’ 3 m sous le relais. Tu es bien installé sur tes gratons camarade ? François repart, bascule encore de l’autre côté et progresse rapidement. Au-dessus de nous, on entend sa voie qui nous invite à le suivre. L’itinéraire continue de remonter l’éperon sur le fil, avec tantôt une incursion sur un flan, tantôt sur l’autre. Le rocher est absolument magnifique, un granit très dibonesque qui fait mentir une fois de plus la réputation sulfureuse de l’Oisans en matière de cailloux.

Arrivé à l’avant dernier relais, on s’installe sur le haut d’un gendarme. À cheval sur le fil, les fesses dans le vide et les couilles rasées de près. Notre leader du jour désescalade dans une brèche avant de remonter en face dans une magnifique dalle fracturée. Arrivé en haut, on l’entend s’exclamer « ho la la. C’est un hôtel ! Un palace, 5 étoiles ! ». « Et bien dépêche toi de nous faire monter couillon, je sens plus mes jambes là ! » Effectivement, une fois là haut, on aurait même la place de s’allonger pour une sieste au soleil. On aperçoit la croix qui nous nargue du sommet. En contrebas, on aperçoit une cordée qui s’est lancé dans la voie « Replat c’est beau », pas inquiète par l’horaire.

 Après un petit frichti, on repart bouffer les derniers mètres qui nous séparent du sommet. Progression facile et agréable, le rocher est toujours sain sur le fil, un peu moins plus bas. Le cadre est sublime, voilà un belvédère de grande classe. J’arrête la cordée toutes les 30 secondes pour un shooting photo improvisé. Arrivé au sommet, la corde décroche un bloc, qui en entraine d’autre et voilà une belle équipe qui part fracasser des crânes. On hurle à l’attention des collègues en contre bas, puis c’est le silence. On s’inquiète pour eux, mais en l’absence de cris, on finit par se dire que leur voie n’était pas dans l’axe. Ou alors que les cailloux étaient en mousse.

La descente s’effectue par la voie normale. Là aussi, la neige est encore bien présente, ce qui rends la progression plus agréable, en plus d’ajouter de la beauté à une course qui en débordait déjà. La descente sur le col du Replat est une formalité, alternant passages en rochers brisés et neige sur le fil. On descend sur le col du replat, encaissé entre les sommets nord et sud. Une immense congère y forme une drôle de formation, et la brèche dans la muraille forme une toute petite lucarne. Par celle-ci, on bascule par une rapide désescalade sur le Chatelleret, avant de rejoindre des pentes de neiges débonnaires et un long retour d’abord dans les pierriers puis sur un sentier bien roulant.

Arrivé au refuge, on retrouve Claire qui a profité d’une belle journée ensoleillée pour se promener dans le vallon et lire sur un rocher. Et c’est un ballet de pintes, crêpes, omelettes et tutti quanti qui vient clôturer une belle journée en montagne.

Ce pilier Chèze, c’est d’la balle. L’accès un peu long peut paraitre rédhibitoire pour une voie aussi courte (5 à 7 longueurs selon la stratégie adoptée), mais ce serait passer à côté d’un superbe itinéraire. Le niveau d’escalade est assez modeste, et le rocher absolument magnifique. Le tout avec dans gaz à couper le souffle.