29-12-2021
Ubaye - Parpaillon - Alpes Cozie S
750
2580
TD
Long
1

 

Après un 1er jour de repos pour cause de genou douloureux puis un 2ème jour marqué par un refus d'obstacle face au brouillard, je suis chaud bouillant en ce mercredi 29 décembre pour taper du glaçon. La veille, 3 valeureux collègues GAULois ont croisé une cordée qui revenait enchantée de la cascade La Cabriette, au fin fond du Vallon de Chabrière. L'objectif est donc tout trouvé ! 250 m de glace en V max, 1h40 d'approche, on va se régaler !

Xavier m'a prévenu qu'il était en "syndrome J3", en référence à un concept maison dont je lui ai parlé cet été : en montagne, il est très difficile d'enchaîner 3 grosses journées, le 3ème jour se transformant souvent en long calvaire. La suite de la journée validera une fois de plus ce concept universel.

Le chasse neige nous précède de peu quand nous arrivons au parking de Maurin, peu après Maljasset. 10 cm de poudre sont venus recouvrir le manteau neigeux bien peu épais de cette fin décembre.

Nous démarrons vers 8h45, pas franchement en avance... La cordée Jérôme Olivier prend rapidement de l'avance, Xavier et moi nous avançons à un train de sénateur. Je sens déjà qu'un autre concept maison va se retrouver confirmé : "En montagne, on part rarement trop tôt".

L'approche s'avère fort plate et beaucoup plus longue que les 1h40 annoncé, d'autant que la neige est lourde et s'agglutine sous nos peaux façon enclume. Si on était parti plus tôt...

Nous finissons par traverser sous de raides pentes nord-est... quand un grondement sourd retentit. Un petit amas de neige s'est détaché dans une falaise loin au-dessus de nous. "Avance, vite !!!". Notre rythme cardiaque passe instantanément au-dessus de 200 mais la frayeur est de courte durée, la quantité de neige est dérisoire... On aurait pu partir plus tôt...

Après plus de 2h45 d'effort, Xavier et moi arrivons au pied de la cascade, où Jérôme et Olivier finissent de se préparer.

Jérôme s'élance dans la première longueur... Enfin, le terme s'élancer (se lancer en avant avec force et vitesse, dixit le Petit Robert) est sans doute mal choisi. Il brasse d'abord une bonne quinzaine de mètres avant de commencer à piocher, et l'attente devient alors interminable, certains dans le groupe avanceront même qu'il broche façon "Mur de Lyon"...

Pendant ce temps-là, Xavier et moi avons joué à chifoumi pour déterminer qui attaquera la première longueur en tête et j'ai obtenu une victoire de haut vol (sans vouloir me porter malheur pour la suite...)!

(Je voudrais ici faire une parenthèse dans le récit pour développer le concept de grimpe en réversible.

Dans un itinéraire en plusieurs longueurs, les sieurs E et X (les lettres sont choisis au hasard) grimpent en réversible. E réalise la première longueur en tête, puis vient le tour de X, etc...

Il semblera sans doute évident au lecteur que E va réaliser en tête les longueurs 2n-1 (n étant un entier strictement positif) alors que X réalisera en tête les longueurs 2n. Nous y reviendrons par la suite...)

J'attaque donc cette première longueur en tête (n=1)...

Arrivé dans le premier ressaut, je trouve que la grimpe n'est pas si simple, malgré la bonne qualité de la glace, et je commence à comprendre pourquoi Jérôme a un peu traîné. Il faut dire que grimper avec des chaussures de ski insuffisamment serrées n'aident pas et que c'est la première cascade de la saison pour ma part...
Je finis malgré tout par arriver au relais après une traversée fort malcommode, non sans avoir laissé choir une broche en chemin.
Xavier me rejoint rapidement :
- "Tu as récupéré la broche ?
- Quelle broche, je n'ai rien vu"
Xavier est un gentleman, mais je sens qu'il m'en veut un peu... Devant, la fusée Olivier est déjà au relais suivant !

C'est au tour de Xavier de grimper en tête, j'admire sa technique, il est fort le bougre ! Pour repartir, je dois refaire la traversée malcommode et Xavier me tire comme un mulet malgré mes cris d'épouvante ! Bilan : une chute d'un bon mètre, mais pas de bobo. Je rejoins Xavier au relais au moment où Jérôme s'emploie en second (bizarre, non, on est sur du 2n-1, non ?)  dans une partie surplombante de L3 ! Je ne fais pas le fier au moment de m'élancer à mon tour dans cette longueur annoncée à 80/85 ° dans le topo mais elle s'avèrera finalement plutôt commode !

Xavier enchaîne rapidement la longueur L4, essentiellement en neige, et nous nous retrouvons au pied de la dernière longueur, dans une gorge resserrée qui nous dévoile un mur vertical d'une dizaine de mètres. Gloups !

Le lecteur attentif aura sans doute noté que c'est à moi de partir en tête dans cette longueur en 2n-1, mais devant tant de beauté, Xavier dégaine une mauvaise foi confondante pour réclamer un nouveau chifoumi. Magnanime, j'accepte le défi et en sors encore une fois vainqueur !
N'écoutant que mon courage, j'arrive rapidement au pied de l'impressionnant mur final, côté V dans le topo.

Mais la glace est excellente et très sculptée, si bien que je m'élève plutôt confiant sur quelques mètres... quand soudain, un piolet désancre et je me retrouve 5 bons mètres plus bas avant même d'avoir eu le temps de comprendre ce qu'il se passait. Par chance, la dernière broche et l'élasticité de la corde ont joué leur rôle : pas une rayure ! Je repars vers le haut avec un seul piolet, l'autre étant resté planté plus haut... [A froid, je pense que c'est mon inconscient qui a fait désancrer le piolet pour offrir à Xavier la joie de grimper cette longueur magnifique en tête... L'esprit de Noël, sans aucun doute]

Je finis par récupérer mon piolet mais la chute a quelque peu atteint mon mental et la suite me paraît dès lors insurmontable ! Je demande à Xavier de me redescendre et nous décidons de faire demi-tour... avant de finalement changer d'avis, sachant très bien que cela implique un retour très très tardif.

Xavier fait étalage de toute sa classe dans cette longueur en alliant la légèreté du colibri à l'agilité du chat. A sa suite, j'enchaîne honorablement la longueur (il faut dire qu'en second, ce n'est plus le même sport), mention spéciale pour un petit réta bien technique sur les derniers mètres !

A peine le temps de se vacher, on attaque les rappels qui nous permettent de rejoindre le pied de la cascade à la tombée de la nuit. Olivier et Jérôme sont déjà loin...

Comme prévu, la suite sera une longue galère. Les chaussures de Xavier sont sans doute plus adaptées pour la cascade que pour le ski. Il faut dire que les conditions sont compliquées : neige lourde, succession de montées/descentes, nombreux requins... J'ouvre la voie pour déminer le terrain. Rapidement, Xavier remet des peaux tandis que je poursuis sans (nous apprendrons plus tard qu'Olivier et Jérôme ont fait l'intégralité de la "descente" en peaux, l'une des peaux de Jérôme n'y résistera d'ailleurs pas !).

Nous rejoindrons finalement la voiture vers 19h45, bien content d'en terminer avec cette longue journée.

Dans notre antre de Larche, l'accueil des camarades GAULois sera mémorable, avec un service aux petits soins et un combo lasagne / tiramisu qui me fait encore baver lorsque j'écris ces lignes...