10-07-2022
Vanoise
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Quelques jours avant le camp, Junior me branche sur la voie Desmaison dans la face nord de l'aiguille de la Vanoise.
 
"6b, quand-même !" qu' j'y dis.
"5c/A0" qu'y m'dit.
J'y dis "Bon."
 
Le matin du départ, je me fais encore surprendre par le loustic qui, sur les coups de 6h30 et sans signe avant-coureur, surgit de sa tanière tout équipé alors que je suis encore attablé, trempant tartine et corde dans ma bassine de café. Ni une ni deux, je bondis dans mon sac, enfile chaussures et tente et lui emboîte le pas.
 
Avantage de cette course, la marche d'approche est quasi-nulle, le sentier démarrant à 80 m de la tente mess !
Certains diront que les 930 premiers mètres de dénivelés ne font pas partie de la voie. Pas moi.
 
Quelques hectomètres avant les Barmettes, nous nous faisons dépasser par deux types en 4x4. Je suggère, pour la blague, de faire du stop. Puriste, Junior ne considère même pas l'éventualité et descend quelques dents pour durcir le rythme. C'est qu'il est pressé d'en finir avec cette première longueur de marche, sans doute pour attaquer la partie escalade, le bougre. Sous le lac des vaches, je dois même tempérer son ardeur à vouloir tirer à droite vers la face raide et austère de l'aiguille, à peine l'a-t-on en vue.
Par un pierrier commode, nous rejoignons le socle rocheux, signalé par un cairn et de façon encore plus évidente, quoique prosaïque et éphémère, par un type occupé à déféquer, face caméra.
 
"Bonjour !"
 
La cordée, ainsi que nous l'apprendrons grâce au subtil interrogatoire de Julien au pied de la voie, est composée d'un aimable guide et de son soulagé client et part pour la Desmaison. Comme nous.
Ils ont escamoté la première partie en 4x4 mais nous ne leur en tenons pas rigueur et, beaux joueurs, nous les laissons ouvrir la marche. Notre proposition de stratégie consistant à leur laisser prendre un peu d'avance dans les premières longueurs afin que nous ne nous gênions point fera long feu, vu le rapport de vélocité entre nos deux cordées, largement en faveur de l'attelage guidé.
 
La suite est relativement bien décrite dans le topo : une belle voie d'artif entrecoupée de quelques passages où l'on peut grimper en libre.
(Je parle pour moi qui ai une certaine éthique de la montagne ; pas pour ce filou de Juju qui aurait torché la voie en deux heures en free-solo si il ne s'était pas bêtement handicapé d'un boulet au bout d'une corde ! )
Le parcours est magnifique et se termine par un dièdre en rocher rouge où la pose éparse de coinceurs permet d'alléger le baudrier, avant de découvrir en franchissant l'arête sommitale qu'il fait jour de l'autre côté.
 
Pendant que je rembobine la corde au bout de laquelle Junior finit par apparaître, la cordée Zab/Noisette nous rejoint orthogonalement depuis un débouché plus oriental de la face nord.
J'avais presque oublié que Bruno voulait faire la course ; nous devons nous incliner et leur concéder la victoire.
 
Retrouvailles GAULoises au sommet, belle vue, autoportraits.
 
C'est dans la descente que le drame se produit !
 
Nos compagnons, sournoisement dotés d'un ticket aller-retour de télésiège, parviennent à convaincre Junior d'emprunter également ce moyen de transport dévoyé.
Piégé, je les accompagne, en me persuadant que l'utilisation des redescentes mécaniques permet de réaliser des économies d'énergie.
Quel repentir ?