17-02-2019
Ecrins
1480
1513
2993
AD
8 h
2

Il paraît qu'une truffe froide, bien noire et légèrement humide est, chez le chien, un signe de bonne santé. On pourrait aussi dire qu'un museau froid, bien blanc et pas trop humide est propice à une belle sortie en montagne. Si c'est vrai, le Mourre Froid (le « Museau Froid » ou le « Visage Froid » en « bon français »), dans l'état où nous l'avons trouvé de dimanche-là, constituait un objectif idéal. Il ne fallait pas nous le dire deux fois : nous y allâmes.

Au départ, il avait Prapic. C'est un bien drôle de nom qui sent bien davantage les Balkans (on aurait presque envie d'écrire « Prápič » pour faire plus slave encore) que les Hautes Alpes. D'ailleurs, pas grand monde se risque à expliquer cette toponymie énigmatique alors que celle du chef lieu, Orcières, n'offre aucun mystère. C'est peut être pour ça que la densité de poètes est si forte pour un si petit hameau (deux, au moins, officiellement répertoriés !) : pas beaucoup de rimes en « pic » dans notre lexique.

Hé bien Prapic est un bout du monde bien sympathique pour y établir son camp de base. L'orographie étend trois bras. Vers l'Est, la basse vallée le Drac Noir, avec la route, un poil sauvage en hiver, vers Orcières (sans grand intérêt pour le ski). Vers le Nord, le Torrent de Blaisil qui ouvre la voie vers les Pinier(s), Grand et Petit, le Roc Diolon, etc. Vers le Sud, la haute vallée du Drac Noir qui conduit vers l'Homme, le Mourre Froid, le Col des Tourettes, etc., en plein Parc des Écrins dès que l'on sort du hameau. De quoi faire, non ?

Il y au moins deux options d'hébergement confortables tenues par la même famille, les Dussere-Bresson (le cimetière de Prapic en est plein, les tombes des Sarrazin complètent les intervalles) :

  • toute l'année, le gîte d'étape Bijou : http://www.hautes-alpes.net/fr/tourisme/essentiels/hebergements/gites-detape-et-de-groupe/selection/35027/fiche/gite-detape-bijou.html , en gestion autonome durant  l'hiver ;
  •  en été, la ferme-auberge de la Jabiore : https://www.bienvenue-a-la-ferme.com/paca/hautes-alpes/orcieres/ferme/ferme-auberge-la-jabiore/266441 .

Il faut savoir que cette famille Dussere-Bresson-là pratique aussi l'agriculture et plus particulièrement l'élevage de moutons et de veaux et qu'il est donc possible (ce que nous ignorions mais que nous nous sommes juré de réaliser un jour) de réserver ensemble gîte et pièces d'agneau pour le dîner (n'en déplaise aux Gaulois·es vég*).

Sous une tempête de ciel bleu (enfin, encore un peu blafard vers sept heures et quart), en route vers Sud, rive droite du Drac Noir, après un long plat, le vallon devient gorge et nous opérons un premier regroupement à la Chapelle de la Saulce. Les prières à la Vierge, c'est comme les fers à cheval selon Niels Borh : « il paraît que ça porte bonheur même à ceux qui n’y croient pas !». L'intercession de Notre Dame du Bon Secours n'est pas inutile pour se protéger nombreuses des coulées de neige humide pouvant venir de la gauche (pentes Ouest, Sud-Ouest, raides, petites cascades de glace, pas mal d'avalanches, assez anciennes, déjà tombées). Malgré elle, il vaut tout de même mieux ne pas revenir trop tard !

Ensuite cheminement plus escarpé, en dévers jusqu'au Saut du Laire  (« le saut du larron » ?!?!?) où la gorge s'ouvre sur de vastes perspectives. En été, paraît-il, marmottes garanties (vautours et, au loin, chamois, possibles), avis aux parents de marmots en bas âge…

Pour nous, c'est là qu'il faut choisir entre les différentes options du topo. Nous optons pour le Serre des Sagnes, dont l'itinéraire est en  partie tracé. Ça commence par la traversée du torrent sur une bonne passerelle munie de solides gardes-fous (ce dernier coule tout de même 30 m plus bas), une montée vers le Nord, un grand virage vers l'Est et nous attaquons les pentes assez raides qui mènent à la crête Est du Mourre Froid où nous enchaînons les conversions. Le manteau à l'air bien stable, la neige est dure, souvent gelée là où elle a pu voir le soleil des jours précédents. Le vent y a ajouté sa brouillonne touche sculpturale.

Nous nous équipons de pied en cap : les couteaux sont tirés et bientôt les cranes s'enfoncent dans les casques (nous passons au dessus de barres peu rassurantes dans ce contexte zippant…). Une dernière montée vers le Sud-Sud-Ouest et nous rallions au sommet. Congratulations (hugs, checks, au choix), tour d'horizon, casse-croûte, photos, well, you guys all know the drill…

De là, descente plein Nord depuis le sommet. La neige est assez bonne à cet endroit protégé du soleil et, en partie, du vent. Le début est bien raide (avons-nous vraiment skié la partie en S4 ? Le doute demeure…), après c'est plus maniable et il y a largement de quoi se faire bien plaisir jusqu'au retour au Saut du Laire.

L'idée est ensuite de rester le plus haut possible (attention toujours aux possibles coulées venant de la droite : elles sont à présent prioritaires !) en skiant à flanc.

Arrivé sur le plat, le plus commode paraît le repeautage, à moins d'avoir le jus (il en faut pas mal après cette bambée !) de le parcourir en pas de patineur.

À la Chapelle, derniers remerciements à qui de droit, et retour à Prapic. Là, une dernière précaution : ne pas tomber bêtement dans une des rues du hameau transformées en patinoires souvent pentues. Dans l'après midi ça va mieux mais le matin c'est vraiment casse-gueule.

Ensuite, le longuet retour, d'abord par la route Napoléon (un petit coucou, en passant Saint Firmin, au Valgaudémar, où nous sévîmes cet été) avec une arrivée d'une facilité à peine croyable sur Grenoble malgré le temps magnifique et un timing désastreux coïncidant parfaitement avec les retours de station.

Une seule conclusion : il faut y retourner ! Là même (p. ex. pour un circuit de 2 jours par le Pinier et Dormillouse) ou dans l'une des autres vallées (Champoléon, Valgaudémar…) croisées en chemin.