Refuge Pieciu Stawow -
Nous voilà au 6e jour de cette aventure polonaise.
La lueur du jour et les douces sonorités du ronflement décousu de mon compagnon de lit superposé me réveillent graduellement. Les courbatures se font sentir, les jambes sont lourdes.
Ni une ni deux, le réveil agressif d’Emeric sonne le début des festivités. Tout le monde s’active.
Je mets mon collant ou pas ? - Je regarde par la fenêtre, devinez quoi il y a du vent !
Nous nous rejoignons autour du petit déjeuné, salé pour les uns, sucré pour les autres.
Une photo souvenir pour se rappeler que oui le matin nous avons globalement tous « la tête dans l’cul » mais que malgré tout sur un malentendu nous espérons que cela fera une belle photo que nous posterons sur Facebook.
Le plan initial est d’aller voir l’autre côté du Zawart, le col que nous n’avons raisonnablement pas passé la veille, d’en redescendre puis d’enchaîner sur le col Szpiglasowa Przelecz pour rejoindre le refuge Morskie Oko (ou l’œil de la mer ainsi appelé récemment par les visiteurs tandis que son nom d’origine signifiait Etang poissonneux).
A la sortie du refuge, nous constatons qu’il y a du vent – rien de réellement surprenant mais tout de même, cela ne s’arrête donc jamais !! – et du soleil.
Nous longeons les lacs Przendni puis Wielki puis, sans crier gare , Emeric propose d’envoyer une équipe en éclaireur directement sur le col Szpiglasowa Przelecz . La crainte étant que « si ça ne passe pas » nous allons devoir faire le tour par la vallée.
Une proposition relativement orientée pour minimiser les efforts de la journée pour les moins vaillants du groupe.
Les furieux partiront « entre couilles » voir s’il y a de la vue au Zawart tandis que les moins téméraires prendront doucement le chemin pour Szpiglasowa Przelecz.
David devant, Emeric derrière, nous remonterons jusqu’au pied du couloir, avec grande prudence.
Le ton de la voix d’Emeric a changé. Les phrases sont courtes mais efficaces et dénotent d’une certaine autorité, qui se veut toute justifiée.
Le bas du couloir est chargé et on notera que « ça mouline » un peu sur la fin.
Nous changeons d’équipement pour les 30 mètres de ce petit couloir à 35. Un couloir en très bonnes conditions. Emeric part en éclaireur et prend le temps de faire une belle vidéo pour immortaliser le moment. Tout est blanc, sauf nous !
Arrivés au col, nous nous gratifions et nous nous félicitons de cette ascension, ça fait toujours du bien.
Nous envisageons une potentielle descente à ski…ou pas. Nous n’en savons fichtre rien, tout est blanc sauf nous ! Il paraît qu’il y a des barres et la pente se laisse imaginer assez raide.
Emeric part en éclaireur ski aux pieds, puis revient avec ce même ton de voix efficace et directif.
Ok – tout est plus clair (façon de parler) – nous garderons les crampons sur les 100 premiers mètres de descente par prudence. David devant, Emeric derrière.Vous noterez la prévenance de mes compagnons de cordée.
Puis, nous finirons par chausser les skis une fois nos repères rétablis. Une cordée de polonais chargés comme des polonais (le chargement d’un alpiniste polonais est en somme tout relatif….enfin une sombre histoire de chargement et de relativité que nous n’avons pas pu nous expliquer) viennent nous demander les conditions du passage du col et de la face côté Pieciu Stawow .
De là, nous nous offrons une belle descente dans une neige poudreuse à souhait (certains diront que ce n’était pas remarquable). Je reste derrière en tant que serre fil, vous noterez ma prévenance envers mes compagnons de cordée.
La descente jusqu’au refuge est superbe, douce neige, belle ambiance, petite pente abrupte, j’ai le sourire.
Le caractère alpin des sommets avoisinants laisse penser à un goût de haute montagne et pourtant le refuge est un gros chalet tout confort accessible en calèche à 1 395m.
Les furieux nous rejoignent, nous prenons nos quartiers dans ce grand chalet tout confort.
Il ne cessera de neiger le reste de la journée. Nous débriefons et envisageons les potentiels plans de demain.
Demain c’est le dernier jour du raid… nous espérons tout de même faire quelque chose de bien avant de regagner la vallée.