17-04-2022
Préalpes Bernoises
1900
3032
4273
F
11
1

J3 – 4h35 le réveil sonne.

 Je me lève et me sens toujours fatigué, les doutes me prennent. J’arrive en premier au ptit déj, Erik me rejoint et s’assoit en face de moi. Peu de mots ce matin, je vois dans son regard qu’il est prêt à en découdre. Je ne dois pas décevoir le camarade et au moins tenter le coup. Je change donc le curseur de position. En revanche, je lui laisse la corde jusqu’au glacier ce matin. Il est ok.

2 bols de thé bien sucré avalés puis je file m’équiper dans le sas. 5h30, on sort du refuge, à la lueur de la frontale.

Pendant que Erik peaute, je jette un œil sur le début de l’itinéraire, la directe ou la rampe à gauche ? Ce sera la rampe à gauche. Le début de l’ascension réveille tout de suite car c’est ski/snowboard sur le sac et crampons aux pieds que la journée débute dans la nuit. La pente au-dessus du refuge est soutenue et la neige y est très dure. Je pars piano ce matin, la journée sera sans doute assez longue. Les premiers coups de crampons dans la neige me rassurent, mes jambes répondent à l’appel et la tête fonctionne.

Nous évoluons par petits pas en suivant la langue neigeuse qui se raidit encore et encore. On sort aux premiers rayons du soleil pour rejoindre des pentes plus douces. Une longue traversée s’en suit et on se retrouve 400 m au-dessus du refuge. Ici, la trace est correcte, on passe spatule et couteaux aux pieds. Nous évoluons efficacement jusqu’à une zone de jonction (Früstükplatz, la place du petit-dej) où on doit déchausser pour pouvoir accéder au glacier fort raide du Finsterhaarhörn via un passage en rocher de qualité moyenne.

Arrivés au glacier, les crampons sont de retour à nos pieds. S’en suit une longue et physique remontée jusqu’à 4088 mètres d’altitude où nous faisons un dépôt de sac et de ski/snow au niveau du Huggisattel. La magnifique arrête rocheuse Nord nous attend pour pouvoir atteindre le sommet. Après quasiment 1000 mètres de portage (bordel !), une bonne pause de 10 minutes est de rigueur ; un peu de nourriture, hydratation au thé de course et contemplation le cul vissé sur nos sacs à dos. Puis on se remet en route, et on part minimaliste. Crampons, sangles, piolet et doudoune vachée au bodard.

L’arrête est magnifique et plutôt longue avec ses 250 m de dénivelé. Quelques petits pas de mixtes et d’escalade facile par ci par là (3 max), 6 mètres de désescalade et nous voilà au sommet du Finsterhaar, toit des alpes bernoises (4274 m). La vue y est somptueuse et nous sommes à l’abri du vent. On contemple tous les géants du Valais.

Il est temps de redescendre, la désescalade se passe sans encombre et nous arrivons à notre dépôt de ski/snow. Une petite pause avant d’entamer la descente. La pente est relativement raide (35°) et la neige y est toujours très dure. Les premiers virages nous rassurent car il y a du bon grip. On enchaîne en slalomant entre les crevasses pour arriver sur la dernière partie du glacier surplombant un champ de crevasses 200 mètres plus bas. La prudence est de mise, le virage doit être juste. On enchaîne et on s’arrête juste avant un pont de neige pour remettre les crampons et repasser la zone de jonction à patte. De l’autre côté la neige est bien revenue. C’est un régal, on enchaîne bien en prenant plaisir et on trouve un cheminement astucieux qui nous permet de rejoindre le refuge par une combinaison de langues de neige bien raides par endroit. Au top !

Rico va chercher un sac qu’il avait laissé au pied du refuge pendant que je poursuis la descente jusqu’au glacier. Il me rejoint et on se réencorde pour poursuivre notre chemin et gravir les 300 m de dénivelé restant qui nous mèneront au fameux col. Il fait chaud pour cette remontée, le soleil tape fort sur l’or blanc. Erik est en mode short t-shirt et moi en manches longues (et il en bave !). On arrive au col, la vue sur le Grosses Grünhorn est saisissante ; quelle belle montagne aussi ! On se dit secrètement que peut-être on sera sur sa cime le lendemain. Nous ridons prudemment ces 500 mètres de col car la neige est changeante et peut être piégeuse pour une fin de journée. Enfin, la remontée des 150 mètres de marches métalliques pour rejoindre le refuge est le dernier effort de la journée. Beaucoup de souffrance dans ces marches. On arrive largement trop tard pour le Rösti, 17h.

Lors du repas, un couple de skieurs alpiniste nous confirme que le Grünhorn est en parfaite condition pour l’ascension mais nous avertit que la descente se fera par contre dans de la neige exécrable. On commence à y être sensibilisés.

Cette fois les rôles s’inversent, Rico a été pas mal entamé par la journée (et les 1000 m de portage !) et présente des doutes pour remettre le couvert le lendemain. De mon côté, j’ai bien récupéré et je pense avoir l’énergie suffisante pour aller chercher ce dernier sommet de notre aventure. A la fin du repas, on se dit qu’on met, comme hier, un run dans tous les cas et que si l’un de nous ne le sent pas on pliera les gaules et ce sans regrets.