21-06-2020
Ecrins
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PD
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Enfin, un weekend complet de beau temps, on ne va pas laisser filer une occasion comme celle-ci ! Après un message sur le forum, Olivier et Claire se joignent à moi. Sur une proposition d'Olivier, nous visons le pic Gény. Belle envolée au dessus de la Bérardre, celle-ci jouit de plusieurs qualités fort appréciables en cette période. Déjà, un rocher sain, une grimpe plutôt aisée mais très jolie. Un cadre grandiose, au dessus du vallon du Châtelleret, face à quelques géants comme la Meije, la Grande Ruine et les Ecrins. Un peu solitude, puisque son parcours en traversée n'est pas évident au départ d'un refuge. Bref, un tiercé gagnant!

Nous voici donc garé aux étages, ce samedi après midi. On a guetté les Gaulois partis aux Fétoules, mais sommes sans doute passé peu après eux. On commence par remonter la route jusqu'à la Bérarde, avec des sacs bien lourds puisque nous partons sur un bivouac. Ce petit échauffement passé, on s'enfonce sur les sentiers tant fantasmé ces derniers mois ... Plus haut dans le valon, notre chemin part sur le côté. Un panneau annonce son interdiction, les passerelles n'étant pas remises en place. Tant pis, on s'y engouffre quand même. Et on fait bien, car nous quittons le sentier principale un peu plus haut pour remonter une sente bien marquée. Il reste encore beaucoup de neige, alors il nous faut remonter prudemment dans des névés. Plus haut se dévoile le Pic Gény et son arête Est, l'objectif du lendemain. Vu d'ici, ça ne semble pas trop difficile, mais bien long! On s'approche de l'attaque, les premiers bivouacs croisés sont dans la neige. Mince, on a pas de pelle ... Heureusement, un peu plus haut se trouve un large bivouac confort, sec, avec vue sur le parcours du lendemain! Que demander de mieux ... Olivier se porte volontaire pour la corvée d'eau, pendant qu'avec Claire on renforce un peu les murets. Un apéro, un bon repas et au lit, dans la lumière déclinante ...

La nuit est fraiche, on ne dors pas très bien. Le ciel est parfois découvert, parfois nous sommes pris dans les nuages. Finalement, à 5h30 le réveil sonne et chacun est vite d'attaque! On petit déjeune rapidement, on remballe les affaires quand une cordée de 3 arrive à notre niveau, surement partis du Châtelleret ou de la Bérarde. Ils ont l'air d'avancer vite, on ne devrait pas nous gêner. On chausse les crampons, et remontons une petite langue de neige facile mais exposée pour rejoindre le rocher et nous équiper. Olivier prends la première longueur. Les topos disaient juste : le rocher est propre, la grimpe agréable et les protections faciles. On progresse à une allure honorable pour une cordée post-canap'confinement aux sacs chargés, mais c'est toujours trop lent pour rattraper la cordée qui nous précède, et nous mets une belle cartouche! Nous voici en haut du premier ressaut. Face à nous, l'arrête est bien marquée, avec d'un côté l'a-pic, de l'autre un mélange de gradins raides et de pentes de neiges qui traversent vers le glacier. Claire prends la tête, pendant que des nuages farceurs viennent camoufler le paysage. Un vent très désagréable s'est levé, soufflant en fortes (et froides) rafales qui manquent de nous déséquilibrer.

Plus haut, nous arrivons au pied du second ressaut. Son pied est défendu par une large dalle triangulaire, qui doit se franchir sans difficulté habituellement mais est présentement sous la neige. J'ai entre temps pris la tête et hésite sur la marche à suivre. Remonter dans la neige ou contourner au bord de la falaise, dans des rochers que je pense peu stables. J'hésite mais décide d'opter pour le contournement. Olivier reprends la tête et nous nous engageons dans ce dernier ressaut, plus raide et parfois assez aérien. On le gravit en restant proche de l'arête, sur notre gauche. Sans s'engager dans des difficultés énormes, il faut quand même grimper! Le rocher est toujours constitué d'un granit de grande qualité, loin du "rocher Oisans" cliché.

On fini par arriver au sommet vers 12h30, après avoir enchainé 5 ou 6 longueurs en corde tendue. Nous avons étés un peu plus lent qu'espéré, mais notre horaire est encore tout à fait correct. Petite pause, quelques photos et déjà, le vent nous pousse à attaquer la descente, sur le versant Ouest, au dessus du refuge du Soreiller et face à la Dibona, superbe dame qui perds de sa fière allure vue d'ici ... on suit des couloirs étroits et enneigés, tantôt en désescalade, tantôt en rappel. Arrivé à un moment, nous remontons dans une brèche. Je commence à désescalader, mais le terrain me parait fort exposé : des pentes de neige lourde, entrecoupé d'effleurement de rochers brisés où la pose de protection est très aléatoire. On repère les traces de la cordée précédente qui partent dans une autre direction. ça ne semble pas partir du bon côté, mais ce cheminement hors topo doit mener quelque part puisque nous les avons aperçu marchant en bas de la face depuis le sommet. On s'engage alors à leur poursuite. Une désescalade dans la neige qui s'avère tout aussi expo que l'autre option ... Nous tirons des longueurs descendantes, assuré par Olivier qui nous rejoint ensuite sur nos relais de fortune, prenant sur lui la majeure partie de l'exposition du moment. Finalement, les traces qui nous suivions disparaissent sur un promontoire neigeux. Autour de nos, des falaises à pic, et au loin il nous semble entendre des cris venus du refuge, que l'on interprètera plus tard comme des avertissement à notre encontre. Mince ... Plutôt que de remonter, on décide de traverser dans la neige et au dessus des barres pour rejoindre la voie de descente. Un moment de stress pour la cordée, de doute quand à nos chance de retrouver le bon itinéraire, et un peu de honte quant au piège si classique dans lequel nous sommes tombés... "ne jamais se fier à des traces" ...
On finira par arriver sans encombre sur la voie de descente, puis au pied de la face. Il doit être 17h30 ou 18h, ça y est l'horaire et finalement éclaté ... Nous sommes trempés, mais heureux de nous sortir sans encombre de ce mauvais pas. Il faut encore redescendre par le sentier jusqu'aux Etages, nous arriveront exténués sur les coups de 21h.

Qu'à cela ne tienne, voilà un weekend magnifique, avec un beau bivouac, une voie très belles dans un cadre magnifique. On a pris l'air, et des étoiles pleins les yeux, le contrat est rempli. Rappelons tout de même aux prochains que la course est longue, se déroule dans une vraie solitude et sa descente pas évidente à négocier. Autant de paramètres à prendre en compte pour en apprécier son caractère plus marqué que sa cotation "PD+" peut laisser penser.