03-03-2021
Taillefer - Matheysine
1200
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2700
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  Sortir un mercredi. Quelle meilleure symétrie pour scinder en deux une semaine de télétravail ? C’est sur ces considérations que Rémi me récupère à bord d’une Yaris Citiz, et que le trajet s’engage en direction du sud grenoblois.

  Nous nous garons 2h plus tard sur la route au-dessus de La Morte, et partageons le poids du matériel avant de nous élancer sur le ruban glacé, vestige d’un enneigement plus faste, auquel la dameuse en contrebas aura permis de subsister par tassement. Nous cheminons en conversant jusqu’à dépeauter au point 1721, et filer jusqu’à la dernière côte avant les chalets de Poursollet via la route. Trois collant-pipettes nous rattrapent une fois la vingtaine de maisons traversée, et nous apprennent qu’ils ont le même objectif que nous. Comme quoi difficile d’être seul, même un mercredi. L’approche à ski se termine 200 mètres plus haut, où nous quittons les planches au profit du baudrier et des crampons, afin de passer un goulet et remonter la pente de neige qui la surplombe. Alors que nous nous équipons, un couple redescend dans un délicieux bruit de carre raclant la glace, peu inspiré par la voie arrivé au pied de celle-ci : « Refus d’obstacle » nous dit le monsieur, avant de poursuivre sa descente. Notre montée se poursuit, la pente se raidit, et mes cuissots sont meurtris : les 350m de neige, pourtant portante, contribuent à un échauffement pour le moins qualitatif.

  Au pied de la voie, les cordes sont sorties, les broches enfilées sur les porte-matériels, et Rémi se lance à l’assaut des quelques 500m qui nous séparent du col du Gran Van sur les douze coups de midi. A l’assurage, je redécouvre avec plaisir le silence entrecoupé du seul feulement caractéristique des assiettes de glace qui filent à toute vitesse au-dessus de ma tête. En bout de corde, nous progressons quelques mètres en corde tendue, avant que Rémi pose le relai et que je l’y rejoigne. Placé dans une étroiture, cet emplacement me permettra de récupérer la quasi-totalité des 683m3 de glace/neige que la cordée du dessus nous expédie, probablement soucieux de nous donner un avant-goût des conditions 80m plus haut. Rémi enchaîne sur la deuxième longueur, qui nous réserve un court ressaut en glace. Les conditions sont excellentes : hormis un soleil aux abonnés absents, la neige est compacte, et la glace sorbet. Derrière le deuxième relai, nous sommes contraints de progresser en corde tendue dans la pente de neige, qui n’est guère propice à la pose de protections, y compris sur ses flancs. Un brin expo à mon goût, dans une neige plus friable j’eus moins fait le malin. Au troisième relai, mes mollets fusillés me conduisent à décliner honteusement le passage en tête, et c’est encore Rémi qui nous mène au quatrième relai, après un court ressaut et une traversée en neige avant de s’établir au pied des 30 derniers mètres d’une agréable cascade en 3+. Ceux-ci franchis, nous rangeons le matériel et progressons sur la pente de neige finale, débonnaire mais ô combien meurtrière pour nos quadriceps éplorés. Ces quelques 200 mètres nous semblent interminables, mais enfin, nous y voici, le col !

  Il est 18h quand nous attaquons la descente sur de la neige dont il ne manquait que le gris (et les propriétés mécaniques) pour être qualifiée de béton, dans une traversée en scrrricchh mais également en scccraaach. Les reliefs s’estompent dans le crépuscule qui s’étend sur le massif, et lorsque nous arrivons au panneau du GR estival du pas de la mine (point 2454), nous constatons avec un certain déplaisir que nous surplombons alors 100m de barres. Rémi propose donc de quitter les skis, et je remarque sur Iphigénie que la trace hivernale est à flanc, quelques mètres plus haut. Nous remontons avant de traverser dans des conditions bien moins scabreuses que ce que les indices en contrebas suggéraient. L’obscurité étant désormais totale, nous terminons la descente à pied, l’une de nos lampes étant défectueuse. Nous tirons des azimuts sur la crête de Brouffier, notre trajectoire s’apparentant plus à une partie de ping-pong qu’à une randonnée. De retour sur la route, nous chaussons et glissons sur la piste verglacée, le vent dans les oreilles, entre les arbres baignés de la lumière des étoiles. Quelle journée. Quelle coupure parfaite.