17-06-2023
Mont Blanc
D
AL
1

Une jolie course pour débuter la saison !

 

 

Pour les infos techniques : la course est en super conditions, la rimaye passe bien. Aucune difficulté particulière. Foncez

Départ du bivouac : 1h

Rimaye : 3h

Androsace : 9h30

Epaule : 13h30-14h

Bivouac : 16h

 

 

Pour ceux qui veulent plus de détails :

 

La Küffner me faisait rêver et j’espérais une bonne âme pour m’y emmener !

Motivée pour aller vers Cham’, je propose la Forbes ou le Migot que je savais être dans mon niveau (un certain nombre de courses en tête et l’année dernière, j’avais emmené Nicolas C. faire la traversée de Sialouze…désolée, CR passé à la trappe). Après quelques rebondissements et annulation du coéquipier, un post (sur Facebook) apparaît le vendredi midi : quelqu’un cherche un partenaire pour la Küffner !!! Trop bien ! Je prends vite contact, on partage (TROP) rapidement sur nos niveaux respectifs (AL, 20 ans, me dit qu’il a fait pas mal de courses dans le niveau, le Cervin et d’autres courses avec un guide, et je pense alors qu’il est plus expérimenté que moi. En plus, il va régulièrement faire le Mont Blanc du Tacul en courant…alors que je ne suis pas acclimatée. Je le préviens) et on prévoit de se retrouver à Cluses le lendemain, nuit aux cosmiques… Je bosse, alors, pour l’aprèm, je ne peux pas faire plus.

Fin de journée, j’appelle la Chamoniarde pour faire un point conditions puis le refuge des cosmiques, tout comme Torino : complet ! Je propose le bivouac. AL n’en a jamais fait mais est quand même partant. Le sac change de forme et de poids : je prends ma petite tente décat’.

Parking : point matos. AL a apporté cordes, friends et dégaines. Je trie ce qu’on emporte.

Je regarde son sac : un duvet des années 80 entortillé dans un brin de ficelle trône sur le dessus mal roulé, un énorme tapis de sol gonflable à l’intérieur. A partir de là, je commence à, petit à petit, me rendre compte de son niveau. Je lui conseille de refaire son sac et l’aide à l’organiser.

Nous partons pour l’aiguille du midi.

Le temps est magnifique mais, tandis que nous nous équipons, j’entends parler de changement de temps pour le lendemain après-midi. Pourvu que nous rentrions à l’heure !

La descente vers le lieu de bivouac est tranquille : en bas du refuge, c’est le camping des flots bleus ! Un bon nombre de tentes sont déjà montées. Il y a même des emplacements avec un petit muret de neige encore disponibles. Il ne manque plus que le barbuc’. AL me dit que pendant l’été, il voudrait grimper les arêtes du diable, entre autres, et l’année prochaine les drus et la Walker aux grandes Jorasses. Comme ça, il aura plein de followers sur son instagram et en plus, il me montre les tarifs des guides selon les courses… (je crois que c’est comme ça qu’il choisit ce qu’il projette de faire).

On dîne puis on se couche rapidement ! Ça va piquer demain. Je médite sur notre discussion et ne suis pas rassurée. Mais je sais que je suis capable de gérer. Je suis juste furieuse d’avoir été induite en erreur. Je lui ferais bien savoir  d’ailleurs.

Réveil 00h15. Ouf, le regel est là (c’était ma hantise, sinon on aurait dû changer de plan). Départ 1h.

Je sais déjà que je ferai tout en tête : j’en ai bien conscience dès le départ.

La trace est faite et l’approche facile. Dans la nuit noire, tout autour de nous, nous apercevons des dizaines de loupiotes qui brillent dans le cirque, de Torino, du Géant, … C’est beau ! 

Nous arrivons rapidement au pied de la voie. Déjà, le couloir scintille des frontales des cordées précédentes faisant une jolie guirlande. La rimaye passe très facilement. Je m’engage …derrière moi, j’entends souffler puis me supplier de ralentir (à moi ! mdr !). Un peu de rocher, de glace, de neige mais ça passe super. Je suis quand même contente d’avoir mon piolet et un piolet technique. Arrivés sur l’arête, nous nous y engageons. Petite hésitation pour un passage expo : AL me dit que ce n’est pas grave si on s’arrête là et qu’on redescend maintenant ! Super, ça promet ! On continue corde tendue au maximum : relais quand plus de matos. La difficulté de cette course c’est le temps : arriver à l’Androsace avant le lever du soleil. Ensuite il y a des pentes expos qui chauffent. Des cordées nous suivent puis, à la place de la tête de mon coéquipier que j’attends, je les vois apparaître pour me dépasser : au relais, il m’explique qu’il s’est arrêté pour les laisser passer ! re super ! On n’est pas prêts d’arriver comme ça !!! Je le motive, ne cesse de lui rappeler les règles de bases d’alpi et de la marche corde tendue. Puis à un relais, il se trouve mal. On prend le temps de le remettre sur pied, de boire, manger … et on repart. C’est magnifique mais je suis focus sur la sécurité alors je n’en profite pas autant que je l’aurais aimé. Un petit passage en grimpe fait grogner la cordée qui nous précède. Je tente un autre passage, je me contorsionne, use de toute ma technique de grimpe en crampons et passe. J’aime bien. AL me suit en tirant sur la corde. Le temps file.

Le soleil se lève. La neige commence à transformer. J’encourage AL à avancer, à se concentrer. Repause. Il me dit être épuisé. Je fais attention à garder un certain rythme mais qui lui permette aussi de ne pas s’épuiser pour qu’on ne s’arrête pas trop souvent. Je n’ai jamais aussi fait attention à mes poses de points, coinceurs, béquets...

Une belle pente de neige bien raide et improtégeable nous attend : pas le droit à l’erreur ! Les piolets ne tiennent que peu dans la neige molle. Les crampons glissent parfois … Je suis concentrée à l’extrême sur ce que je fais mais aussi sur mon coéquipier …qui me tire régulièrement en arrière ! Restons calme !

Ouf, c’est passé. Neige, rocher, arête, corniche…Zut, encore une pause, car il est encore épuisé….parle de l’hélico du PGHM.  Je le tire, le rassure, le motive, l’encourage… Le sommet du Mont Blanc est au soleil mais j’observe toujours les nuages qui vont et viennent. Ce n’est pas le moment de ralentir ! AL me dit que c’est quand même beaucoup plus dur que le Cervin et se rend compte que les cotations grimpe et alpi, ce n’est pas la même chose ! Ah ! il  peut encore réfléchir…il a encore un brin d’énergie, profitons-en. On repart.

Le temps file…ça va être chaud pour la dernière benne !!! Je vois le dernier ressaut en mixte. Une seconde (la seule que je m’accorde), intérieurement, je flanche : plus envie. Avec la fatigue, j’ai l’impression que c’est un mur. Je me souviens des blagues d’enfance quand le nageur, épuisé, arrive au milieu de sa traversée et qui, trop fatigué, décide de retourner. Ouhala, mon niveau est bien faible, je délire : vite une barre de céréales et on se dépêche de finir ce ressaut, très facile au final. Au sommet de l’épaule (c’était sûr depuis longtemps que le Maudit nous regarderait de haut), nous nous apprêtons à redescendre. Galère : AL a des problèmes de crampons, qui se décrochent, une fois, deux fois, ... J’ai l’impression d’être à l’école en train de nouer les lacets de mes élèves. Une fois les crampons réglés, AL siffle un petit RedBull et on se lance dans la descente.

Quelques pauses plus tard, sous le grésille puis la neige, nous arrivons au bivouac. Chacun sait ce qu’il a à faire pour ne pas perdre de temps. On joue serré avec la benne ! Je lui laisse avec plaisir la tête de la cordée pour remonter à l’aiguille du Midi. Le personnel nous attend : nous sommes 3 cordées de la dernière chance ! Retour sur Cham’ au soleil, un pot d’adieu (si, si), un covoit providentiel et retour à Lyon !

J’ai tout donné dans cette course. Je suis allée au bout de beaucoup de choses : ressources techniques, patience, pédagogie, endurance, décisions, épuisement psychologique… et même abnégation quand au peu de photos prises :)

Alors un grand merci à mes super coachs (qui se reconnaîtront), mes premiers de cordée qui ont été patients quand c’était moi, AL, à tous mes coéquipiers : à chaque sortie, vous m’avez aidée à progresser pour arriver à faire cette belle course dans ce contexte particulier !!!