24-06-2023
Mont Blanc
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AD
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« Des multiples parois du mont Blanc, la face sud-ouest est la plus secrète. Et la mieux défendue. Pour l’escalader, l’amateur d’abîme curieux des grandes pentes striées de séracs doit entreprendre un véritable voyage. Privilège des lieux retirés qui obligent à la parenthèse de vie, à l’immersion dans un autre monde. Remonter le Val Vény entre torrents et mélèzes, déambuler sur les moraines himalayennes du glacier de miage permet au corps de s’accorder aux dimensions du paysage.

Commencer par plusieurs heures de marche pour apprivoiser un paysage préservé puis venir buter sur le glacier du mont Blanc. Pas le plus flamboyant des glaciers du massif, mais rude, raide, chaotique. Barrière de glace enserrée d’arêtes déchiquetées. L’œil doit deviner, apprendre à lire les parois imbriquées, les couloirs qui n’aboutissent pas, les pentes suspendues sans accès visibles. Mais où donc se trouve la cabane du bivouac Quintino Sella ? Choisir le dédale de crevasses ou les labyrinthes de vires ? Perplexité. L’ascension commence donc maintenant. La montée à Quintino Sella, c’est de l’alpinisme !

En équilibre sur son arête exiguë, la petite bâtisse de bois et de pierre est un nid d’aigle ouvert sur l’horizon des piedmonts du val d’Aoste, et plus loin, les brumes de la plaine du Pô. L’impression de vide est de toute part. On s’y sent loin, haut et comme submergé d’un vertige. Celui de l’engagement ?

Depuis le petit refuge, il faut maintenant traverser les vires de schistes malcommodes, puis, au plus noir de la nuit, chausser les crampons et franchir la dernière défense du glacier. La pente est soutenue mais se négocie bien si elle est en neige. La face sud-ouest du mont Blanc se rapproche, enfin. L’aube enveloppe l’arrivée sur le plateau suspendu. Quelques minutes de marche presque paisible mènent – enfin – au pied de la paroi. Maintenant il faut choisir. Et se lancer dans les 1000 mètres d’escalade pour rejoindre ces petits points distingués à la limite de la neige et du ciel : les premiers arrivants du jour au sommet du mont Blanc, bien loin de nous. »

 

Les mots de François Damilano extraits du livre Mont-Blanc Lines d’Alex Buisse résonnent dans mon esprit à la sortie de l’ascension. Ils sont si bien choisis et reflètent tellement ce que l’on vit sur cette face que je ne pouvais faire un CR sans les citer !

 

Je n’ai donc pas grand-chose à rajouter car tout est exceptionnellement bien dit dans l’extrait sus-cité, si ce n’est dire que l’émotion est forte lorsque nous débouchons sur l’arête des bosses à 50 mètres du sommet du mont Blanc. Projet de longue date, l’éperon de la tournette nous animait chaque début d’été. Cette fois-ci, c’était la bonne. Alors quelle joie de déboucher là-haut, de fouler la voie normale et de retrouver un peu de quiétude après avoir passé neuf heures à garder les sens en éveil. Certaines ascensions laissent plus de traces que d’autres et celle-ci en fait partie !

 

Quelques détails pratico-pratiques :

 

  • L’accès aux vires herbeuses à la jonction entre le glacier de miage et du mont Blanc se fait très bas. On ne remonte désormais plus que la moraine (neige en début de saison) sur une centaine de mètres. Ensuite, les guides de Courmayeur ont fixé un tuyau d’arrosage en guise de corde fixe et des scellements pour surmonter la barre rocheuse et éviter d’être exposé aux chutes de pierre sur le glacier peu (plus) fréquentable du mont Blanc. La deuxième option d’accès au refuge Quintino Sella : le couloir de neige situé sur le glacier du dôme (appeler le refuge gonella pour avoir les infos sur les conditions de celui-ci).

 

  • Dans les pentes au dessus du refuge alors que la photo du topo indique de remonter rive droite, nous avons opté pour une traversée rive gauche pour remonter jusqu'à la selle neigeuse. C'est moins raide, moins expo aux chutes de pierre (et oui ça parpine même à deux heures du mat) et moins en glace.

 

  • L’ascension de l’éperon se fait actuellement quasi intégralement avec les crampons ce qui, je pense, change clairement le ressenti de la course. On les enlève après le glacier pour seulement deux longueurs au départ de l’éperon et on les remet pour ne plus les quitter jusqu’au sommet.

 

  • La cotation AD est à prendre avec des pincettes. Difficile d’ailleurs d’imaginer qu’il s’agissait d’une voie normale à l’époque ^^ C’est long, c’est haut et on peut oublier les belles terrasses pour se la couler douce en buvant un thé chaud ou un petit kawa !

 

  • Stratégie adoptée : voiture garée en France, passage du tunnel en stop, nuit au rifugio monte bianco et à Sella puis descente par les trois monts pour prendre la benne de l’aiguille.

 

  • Horaires : Rifugio monte bianco – refuge Sella => 8h ; Refuge Sella – Mont Blanc => 9h30.

 

  • Matos : 1 brin de 50m, 6 friends (micro utile), 4 sangles, 6 dégaines rallongeables.