26-05-2023
Valais
1950
4315
F
9
Nico
1

Nico est aussi sur le projet des 4000 et il me propose d’aller faire la traversée des combins en ski et en splitboard pour cette fin de saison. Même si je les ai déjà gravis à pied l’année dernière par le refuge de Valsorey, comment refuser cette belle proposition. Cette fois-ci, ce sera au départ de la cabane  de Panossière via l’impressionnante face Nord glaciaire que notre ascension se déroulera.

Un levé à 4h30 du matin aujourd’hui pour aller chercher Nico vers Chambé. Nos retrouvailles sont franches et joyeuses depuis notre traversée de l’année dernière. Après 3h de route et un bon nombre de sujets de conversations balayés, nous voilà posés sur un tout petit parking gratuit.

C’est à noter car en Suisse, ce n’est pas monnaie courante. Il fait chaud ce matin, le soleil est déjà haut dans le ciel. Une fois les lattes vissées sur notre sac, on débute notre randonnée estivale pour aller chercher les premiers névés moyennant quelques 800 m de D+ de portage. Nico a pris l’option de monter en baskets et porter ses chaussures, de mon côté ce sera en boots de snowboard. Et oui, il faut bien que le splitboarder ait quelques avantages, parfois.

Arrivé aux premiers névés disparates, je me charge de la trace avec les boots et Nico suit tranquille derrière en baskets. On quitte le magnifique sentier en balcon, pour aller chercher la neige un peu plus bas moyennant une traversée dans du terrain à chamois. Et hop, nous voilà enfin sur de la neige continue. Ni une, ni deux, Nico met ses lattes. De mon côté, je préfère poursuivre à pied pour passer cette traversée et ce raidillon. Mon choix est payant, je ne m’enfonce pas trop et attend Nico au sommet de la bosse. Le camarade poursuit avec ses skis et moi à pied via une petite arrête neigeuse. Mon choix est moins payant cette fois, je descends de l’arrête plus rapidement que prévu et chausse enfin mes lattes. L’itinéraire est agréable, entre pente de neige et petite moraine enneigée.

Arrivés au refuge après 1100 de D+, la vue sur les 3 combins est saisissante. Une immense face Nord glaciaire qui est aussi esthétique que dangereuse. Beaucoup de gros séracs jalonnent la face, l’exposition est réelle. Nous sommes accueillis sur un air d’accordéon joué par la gardienne. L’ambiance est paisible et détendue. Comme à nos habitudes, on s’envoie une petite omelette saucisse avec une Rivella.

Le lendemain, le réveil sonne à 1h45. Une fois le petit déj avalé, on sort avec la frontale vissée sur le casque. Il est 2h45. On avance 20 m avec la board et skis à la main, puis on chausse. Le regel est optimal, la neige est bien béton et on attaque la traversée descendante jusqu’au glacier. La board vibre, ce passage n’est pas efficace en split. Je perds ma courbe de niveau et arrive un peu plus bas qu’escompté. Ce n’est pas bien grave mais le lendemain (pour le petit combin) je chausserai un peu plus loin sur la traversée.

Je rejoins Nico, spatules aux pieds. On finit notre nuit sur ce long glacier peu raide, les conditions sont excellentes, le regel au top, la corde reste dans le sac de Nico. Un premier raidillon vient nous réveiller un peu, enfin surtout moi. Je sors déjà les couteaux. Une fois cette petite bosse passée, un long plat s’enchaine, et on retire les couteaux. Le jour se lève lentement. On arrive à une traversée, je remets les couteaux. Nico passe tranquillement, solidement ancré sur ses carres affutés.  La suite de l’itinéraire rejoint une pente de neige douce qui se raidit de plus en plus pour rejoindre le cône du couloir du gardien. Rapidement, on passe en mode piéton. Les crabes sont de sortie et les lattes sont fixées sur le sac.

Nico attaque la trace dans une neige croutée et physique. Le poids du sac et l’altitude commencent à se faire sentir. Après avoir tracé les ¾ du couloir, Nico décide de rejoindre la voie classique moyennant une traversée sous les séracs du couloir du gardien. On rejoint un groupe de 4 skieurs et on les suit tranquillement. Après être passé une seconde fois sous les séracs, nous sortons la corde. Nico tire une longueur de 30 mètres en glace. Les piolets ancrent très bien et la glace a été travaillée par les passages antérieurs. Cela déroule sans problème. La fatigue se fait sentir néanmoins, l’altitude me marque un petit peu comme à chaque fois sur la première de la saison. S’en suit une rampe de neige et hop on sort de la face Nord glaciaire et le soleil nous accueille enfin sur ce magnifique plateau sommital. Le paysage est à couper le souffle.

Les trois combins nous attendent tranquillement. Les spatules sont de retours aux pieds pour attaquer la montée dans une neige de cinéma et une trace de rêve jusqu’au premier sommet du jour, le combin de Valsorey. Arrivés à la cime, une pause contemplative s’impose. Je me revois arrivé ici même l’année dernière via l’arrête du Meitin. (qui, soit dit en passant vaut le détour !) Un coup d’eau, quelques victuailles pour recharger les batteries, quelques photos et nous voilà déjà à passer en mode descente. Aussi courte soit – elle, on enchaine quelques jolis virages pour se laisser glisser au maximum en direction du faux plat montant du combin de grafeineire, le plus haut des 3. Et hop, nous revoilà en train de peauter pour attaquer la montée du combin central.

La trace est parfaite, on poursuit jusqu’à la cime à 4315m d’altitude. Nous voilà sur le toit des combins ! Une courte pause et déjà on commence à rider la petite arrête pour venir ensuite plonger dans la face et récupérer une petite traversée jusqu’au mur de la côte. La pente y est soutenue dans une neige très variable mais l’ambiance est telle que cela nous fait presque oublier cette neige très moyenne. On enchaine par de jolis virages et une trace directe pour s’économiser des foulées sur la suite de l’itinéraire. Et ça repeaute un coup pour filer vers le 3ème et dernier combin du jour, le Tsessette !

Une jolie bosse de neige, un peu plus excentré par rapport aux deux premiers. Arrivé au sommet, un ptit bout de mars et on bascule en mode descente pour rider de la super neige transfo avant de plonger dans la descente des corridors. Le gardien nous a prévenus : cette descente est un sujet taboo pour les guides de la vallée. En effet, nombreux sont les accidents à cause des chutes de seracs qui surplombe l’ensemble de cet itinéraire. On sait qu’il ne faudra pas pique-niquer ici. La descente des corridors se fait donc dans une grande ambiance glaciaire, mieux vaut ne pas trop regarder au-dessus de sa tête ou du moins pas longtemps. Ça fait froid dans le dos mais c’est tellement beau ! Pour couronner le tout, la neige dans ces corridors est exécrable, dur béton armé en formant des vaguelettes. L’or blanc nous fait un massage thailandais profond des cuisses, c’est incroyable cette sensation ! On ne s’éternise pas et une fois ce corridor passé ; une pause salvatrice en contemplant ces immenses bloc de glace suspendus est actée.

La suite c’est de la super glisse sur le long glacier en formant de jolies courbes très agréables dans une neige parfaitement revenue. Il nous reste ensuite 100 m de dénivelé pour remonter au refuge. Nous voilà  sur la terrasse, clap de fin de cette longue journée à 4000, il est 11h45.

La traversée des combins à ski et à splitboard, c’est un long glacier à traverser, 3 sommets à plus de 4000 m d’altitude à gravir, 1950 de D+, 8 manips de peautage/dépeautage, une longueur en glace, de la ride suspendue dans tout type de neige et 9h d’effort.

En résumé, un magnifique voyage en altitude dans une face nord glaciaire aussi esthétique que dangereuse. A recommander sans hésitation, mais pas tous les week ends :)

Merci mon Nico !