06-05-2022
Préalpes Bernoises
2420
2212
4048
F
12,5
1

Avec le camarade Erik ça faisait un petit bout de temps que l’on essayait d’aller se balader dans les Alpes Bernoises. Mais, un coup il y avait la météo et pas les condis et l’autre coup les condis mais pas la météo. Bref, on a dû patienter.

Cette année on a décidé de tenter notre chance en ski et en snowboard, on s’était calé 4 jours en mai mais  c’est un peu différent de l’année passée. La neige s’est faite timide. On se recale mi – Avril, pour Pâques. Pas évident d’avoir des places en last minute mais le frangin Rico, maintenant domicilié en Suisse, est sur le coup. Il appelle sans relâche les deux refuges visées, Konkordiahütte et Finsteraarhorhütte.

3 jours avant le supposé départ, il m’annonce qu’il a des places.

Sur le papier, le projet est un poil ambitieux. Après lecture des cartes et des itinéraires, nous projetons de gravir 4 sommets de plus de 4000 mètres en 3 jours, ski et snowboard aux pieds.

La semaine qui précède le départ, je me sentais fatigué. J’étais donc un peu anxieux avant le début de la ballade. Anxiété largement transmise au camarade, qui a dû bien bosser pour déployer un service d’intelligence sur les conditions et travailler ses arguments pour me décider enfin à partir pour l’aventure.

 

J1 – 4h35 le réveil sonne. 700 D+  - 12 km - 4h

Je file récupérer le camarade à la gare de Visp. C’est parti pour 3h45 de route. Erik arrive en train depuis Neuchâtel, pile à l’heure, tout commence bien.

Nous filons vers la remontée mécanique de Fiesheralp, un début en douceur pour le start de notre raide. Nous arrivons en plein milieu de la station arnachés avec baudrier corde et autres barda.  Nous rejoignons ensuite un télésiège, puis, arrivés en haut nous nous écartons de la foule pour nous diriger vers un col. De là, le glacier d’Aletsch, nous apparait de loin en contrebas. C’est le plus grand glacier d’Europe, et ça se voit ! Nous chaussons et entamons les premiers virages vers le glacier, la neige est difficile mais nous arrivons rapidement à son pied. C’est aussi impressionnant qu’esthétique, un océan blanc à perte de vue. Nous évoluons encordés sur ce glacier très tourmenté sur le début, plat (voir trèèès plat) sur sa partie centrale. Nous le remontons sur près de 12 km et 700 m de dénivelé, un bon échauffement en douceur, pour enfin apercevoir le refuge Konkordia. Il est vissé sur un éperon rocheux surplombant 150 m d’escalier métallique.

On fait un dépôt de ski et de snowboard sous un gros caillou, au pied de la falaise. Nous les récupérerons demain matin. Les marches réchauffent bien et nous arrivons au refuge. La vue y est saisissante ; des 4000 à perte de vue, le Monch, la Jungfrau, l’Aletschhorn et tant d’autres surplombant un océan blanc dans toutes les directions. La nourriture est bonne (mention spéciale au Rösti Konkordia : lardons, œuf, fleurs), les gens sympathiques et le refuge est confort. Nous avons eu de places en dernière minutes donc nous sommes logés dans le local d’hiver avec un matelas par terre mais cela nous va bien. On est contents d’être là.

  

J2 - 4h35, le réveil sonne. 1720 D+ - 16 km - 08h30

Un petit déj vite avalé et à 5h30 nous sortons du refuge, la frontale vissée sur le casque. Nous commençons à descendre les 150 m d’échelles ; les marches de l’éveil.

Nous récupérons nos lattes, puis commençons à remonter le glacier, plat au début. Rapidement, la pente se redresse et nous traversons un champ de crevasses profondes avec de la neige très dure. Les glaçons avec des reflets gris et bleutés ont des formes magnifiques. Le soleil rosit doucement les flancs de l’Aletschhorn au loin et donne des jolis spectres sur la glace bleue des crevasses. Nous sillonnons au milieu des trous, aussi beaux que dangereux. Puis rapidement, nous passons sous le Grosses Grünhorn, notre objectif du last day. Au loin, notre destination du jour apparaît, le Grosses et le Hinteres Fiescherhorner. Il nous faut avaler quelques km de distance avant d’arriver à son pied. Nous sommes surveillés de loin par la Jungfrau, le Monch et le maitre des lieux, l’Eiger. Nous avançons bon train, la trace est correcte. Nous marquons une pause à l’abri du vent avant d’entamer le dénivelé proprement dit.

Après une petite heure de conversions, nous déchaussons et fixons skis et snowboard sur le sac. La remontée d’un couloir bien raide de 300 m de dénivelé dans la face du Grosses Fiescherhorn nous attend. La trace est bonne, les conditions sont excellentes, nous évoluons efficacement mais sentons lentement les effets de l’altitude nous saisir. Au col, entre les 2 sommets, nous sommes cueillis par le vent. Il nous ronge. On fait un dépôt de ski et snowboard dans un premier temps mais à 3900 m, l’oxygène se raréfie. On décide donc de larguer aussi notre sac et de se faire ce premier sommet à l’ancienne. Hydratation rapide, crampons aux pieds, piolet en main, nous partons minimalistes pour aller chercher le Grosses Fiescherhorn.

On contourne le premier gendarme par une rampe de neige. Puis, il y a 20 mètres de mixtes raide pour prendre pieds sur l’arrête proprement dite. Je m’élance, c’est raide mais prisu et la glace est bonne. La corde se tend, Erik enchaine tout de suite, nous évoluons ensuite sur cette arrête avec des petits pas, par ci par là. Nous avançons rapidement et par chance nous ne souffrons pas énormément de l’altitude. L’arrête est très jolie ;  du rocher, de la glace, de la neige et un petit peu de gaz, le tout à 4000. Nous arrivons au bout de 40 minutes au sommet (4049 m). La vue est superbe : le Cervin, Weisshorn, Dent Blanche et tant d’autres nous saluent de loin. Nous redescendons rapidement et retournons à la petite longueur de mixte mais cette fois on passera par le fil moyennant une petite traversée exposée, puis l’arrête est plus confort et nous retrouvons rapidement le col. Nous enchaînons ensuite à pied pour aller gravir le Hinteres Fiescherhorn, une pente de neige raide au-dessus d’une rimaye avec un grand vent nous balayant le visage et nous congelant les mains. Le sommet (4025 m) est rapidement atteint. Nous profitons un court instant de ce moment, puis descendons activement retrouver nos sacs.

Skis et snowboard aux pieds, nous plongeons dans l’autre versant en direction du Walliser, un glacier raide et très tourmenté dans sa première partie. Les conditions de descente sont sévères ; la neige est très dure et nous sillonnons à travers les crevasses dont un passage où nous passons entre 2 trous sur 30 cm de large. Des crevasses, une pente relativement raide et des séracs incroyables nous surplombant, voilà le décor somptueux dans lequel nous ridons. Concentrés et alertes nous finissons par passer cette partie très tourmentée et nous débouchons sur la partie basse du glacier, qui devient large et qui plonge à perte de vue. Le vent a fait son œuvre, la neige y est restée dure. Cette partie est très agréable, nous ridons à vive allure sur cet océan entourés par de grandes montagnes. Nous arrivons au pied de la falaise du refuge de la Finsteraarhornhütte et repeautons pour encore 100 mètres de dénivelé. Et hop, un nouveau dépôt de ski/snow s’opère au pied du rocher.

J’arrive fatigué à la cabane ; l’altitude, la distance, le dénivelé, le froid, le vent et ma fatigue de la semaine commencent à peser. Accueil très sympa des gardiens mais c’est trop tard pour le rösti.

Je fais part à Erik de mes doutes sur mes capacités physiques pour pouvoir enchainer en sécurité la journée du lendemain qui s’annonce encore plus éprouvante que celle d’aujourd’hui. En effet nous projetons de gravir le Finsteraarhörn puis redescendre puis remonter 300 m de D+ pour rejoindre le col Grünhornlücke, ensuite rider 500 m de pente et enfin remonter les 150 m du fameux escalier pour retrouver la Konkordiahütte.

Le frangin Erik ne semble pas inquiet pour moi, il me propose de mettre un essai dans tous les cas, au pire on fera demi-tour suivi d’un Rösti à la cabane pour se refaire.

On poursuit la soirée tranquillement en enchainant un repas copieux, 2 parties d’échecs et hop au lit !