30-08-2021
Valais
1400
2886
4221
AD
14
1

Ainsi, avant l’aube du lundi, après un petit déj pour jéjé et un thé pour moi, on part à la lueur de nos frontales sur cette moraine très agréable sur les coups de 3h30. Il fait plutôt frais ce matin, mais on se réchauffe rapidement en mettant du tempo. Après la moraine et quelques blocs, on prend pied sur le glacier où l’on met nos crampons. Piolet dans une main et bâton dans l’autre, on poursuit notre route dans la nuit noire sur ce glacier bien tracé avec un regel au top. Je diminue d’un cran le rythme pour ne pas me faire prendre par l’altitude, même si on est censé être à peu près acclimatés. On voit au loin des lueurs de frontales à nos trousses, 3 cordées de guide et une des pays de l’est. La rimaye se passe bien et on file jusqu’au pied de l’arrête. C’est tout juste le lever du jour. Le début de l’arrête semble pouvoir passer sans crampons. Jéjé préfère les mettre et je tente sans, voulant retarder le moment fatidique du crabestyle et du bruit horrible de ces lames d’acier sur le rocher. J’avance d’une manière prudente et plutôt lente. Arrivé à un petit replat, je bute sur une arrête de neige et la suite s’annonce beaucoup plus blanche. La mise des crabes s’impose et jéjé prend le lead. Le brouillard se densifie, le froid est réel. Cela donne un caractère plutôt austère à cette arrête Nord relativement plâtrée. La première difficulté est devant nous, l’épreuve du rasoir. Jéjé s’emploie un poil pour passer le pic du rasoir. C’est à mon tour, en effet ce n’est pas trivial, la main droite ne tient pas avec ce grésil sur le rocher et les pieds ne sont pas super commodes en crampons. Je tente à vouloir retirer un friend dans un équilibre précaire, les minutes passent, le vent se lève, il ne vient pas. Tant pis, on le prendra au retour. Je retrouve le camarade au relais. Il poursuit vers la seconde difficulté, le sphinx que l’on pensait plus loin, il tente de le gravir mais arrivé au sommet ça ne passe plus, il fallait le contourner par la droite via une traversée un peu expo. Cette petite demi-heure statique a laissé le froid me ronger de l’intérieur. Ils annonçaient frais aujourd’hui un genre de – 15 à minima. Le brouillard, le vent, le plâtrage me poussent à demander à jéjé s’il n’est pas préférable de faire demi-tour. Il a aussi pas mal froid mais semble bien et a envie de continuer au moins jusqu’au pied de la bosse. Ok ça roule, on poursuit et on fait un point là-bas.

Une fois repartis, le sang se remet à circuler dans mes veines, je me réchauffe rapidement. Ici il nous faut négocier cette traversée avec quelques points à demeures salvateurs. On enchaîne sur un passage dit « la bourrique », un passage aérien que l’on peut franchir à califourchon ; plutôt sympa. On arrive au pied de la bosse. Le soleil semble vouloir percer à travers cette brume épaisse, le vent se calme, on sent que le beau arrive. Jéjé est nickel, moi je vais mieux. Il repart tambour battant pour gravir cette bosse dans du mixte raide mais prisu. Arrivés au sommet de la bosse, le soleil nous accueille, il nous réchauffe, on est bien. La météo ne nous avait pas prévue ça, on a de la chance. Un bref coup d’œil dans le rétro et on voit les 3 cordées de guide plier les gaules avant le rasoir. Seule la cordée des pays de l’est est à nos trousses. Quelques pas de désescalade nous mènent au pied de l’arrête finale pour le sommet. Elle est magnifique, un petit peu ourlée, un petit peu mixte et on arrive rapidement à la cîme sous une tempête de ciel bleu. On retrouve un guide clope au bec avec sa cliente qui sont passées par le Rothongrat.

 Jéjé : Si je peux te donner un conseil, il ne faut pas gravir le sphynx mais le contourner.

Le guidos : Ecoute fils, ça fait 40 fois que je fais ce sommet donc ça devrait aller. Et d’ailleurs je vais passer devant vous.

Jéjé : J’espère qu’il a compris que je rigolais ^^

La descente demande de la vigilance entre cramponnage, désescalade avec les crabes et quelques petits rappels.

 On croise la cordée des pays de l’est au niveau du Sphynx, il leur reste encore un petit peu de chemin avant le sommet et il n’est pas si tôt. Une fois sortis des difficultés on les voit au loin sur le chemin du retour sans avoir malheureusement foulé le sommet. La descente du glacier et de la moraine se fait sans encombre jusqu’au refuge. Une petite pause, un coup d’eau et un bout de tarte et nous voilà repartis pour la longue descente jusqu’au parking. Quelques gouttes nous accompagnent, rien de méchant. Je propose au camarade un run and bike mais il préfère finir à pieds, je lui lègue mes bâtons. Et c’est en fin de journée que l’on retrouve le parking après une longue ballade. On sera la seule cordée à avoir gravit le sommet ce jour par l’arrête nord en AR. Merci à jéjé de s’être motivé pour le trip et d’avoir été solide pour filer jusqu’au sommet.  Ce fut un super week end en montagne.