18-06-2022
Mont Blanc
AD
Raph'
1

Après avoir résolu la veille le mystère de la pyramide, une bonne nuit nous a été nécessaire. Nuit étoilée au cosmiques pour une thématique astrale assumée. Le réveil est tardif, la fatigue de la veille couplée à un mal des montagnes n'auront eu aucun mal à nous convaincre de bousculer nos programmes, pour une rediffusion d'un classique mainte fois oscarisé : la sortie à l'Aiguille du midi par l'arête des Cosmiques. Hé oui, il y a des courses où on sent qu'on va inscrire son nom dans l'histoire de la montagne engagée, engranger des histoires à faire rêver aux bivouacs, aligner les superlatifs dans un CR trop long. Et puis il y a les autres courses ...

Nous quittons donc tardivement le refuge. Trop tardivement pour avoir le droit à la solitude : les premières bennes sont déjà là, il y a des cordées devant, des cordées derrière. Le regard se perd dans le lointain, cherchant à accrocher l'immensité des cimes, mais bute sur le cul de Jean-Pedro, qui galère à se hisser sur le granit. Les crissements des crampons sur la roche rythment la progression. Devant nous, une cordée occupe le terrain et fait tout son possible pour faire mentir La Fontaine : Rien ne sert de courir, il faut partir à point ... encore faut-il arriver.

Arrivé en haut de l'éperon des Cosmiques, ça se tend. Premier relais, premier bouchon : nos collègues ont décidé de se lancer dans une impressionnante manœuvre de rappel horizontaux, pour rejoindre un second relais qui permet, lui, de filer vers le bas. Je n'ose les déranger, bien que cette manœuvre nous fasse perdre à tous un temps précieux. Derrière moi, voici un guidos de Cham' qui déboule avec sa cliente. Celle-ci de s'interroger sur la raison de ce bouchon. Et lui de répondre, à voix haute "oh bah ça c'est les amateurs. Ils ne connaissent pas leurs manips, ils sont lents, ils galèrent. Bref, ils sont N.U.L.S". Le mec vient de nous offrir une masterclass de camaraderie montagnarde, 8/10 sur l'échelle de Tré-la-tête.

Il double tout le monde, faisant désescalader sa cliente en direction d'un troisième relais en contrebas. Pas fou, je profite de l'ouverture et le suit. Cette manœuvre nous permet de prendre de l'avance. Les guides filent devant nous, quand nos collègues tortues pas géniales filtrent le passage derrière nous : voilà qui nous offre une relative tranquillité. La suite déroule sans difficulté, progression en neige pour contourner les différents gendarmes, dont le fameux Monolithe, lance de granit orangé tellement esthétique qu'on pourrait lui prêter des propriétés mystiques. Nous arrivons au pied du crux de l'itinéraire, une franche fissure diagonale au milieu d'un désert vertical. Le rocher est lisse, mais quelques prises ont été taillées, qui viennent parfaitement épouser les pointes avant des crampons. Pour l'éthique, on repassera.

Raph passe le pas avec un beau jeu de biceps. Je tente de l'imiter, mais je préfère un esthétique croisé de pieds, enchaînés sur une magnifique zipette de la pointe. C'était pour vérifier que les mains tenaient bien. On déboule sur une belle plateforme au soleil, où on serait tenté de lancer la phase B du plan : le casse-dalle. Mais on est plus très loin de l'arrivée, alors on préfère avancer avant d'être repris par la foule. Ici, on file au nord et à l'ombre, dans une partie plus austère de la course. Plus vertigineuse également. Il faut remonter des goulottes, sans grande difficultés. A un moment, je m'égare et me lance dans une traversée tout sur les pieds, rien dans les mains. Impressionnant mais pas très dur, surtout si on utilise la technique secrète. Les pieds bien posés, les mains à plat devant soi, le cul bien haut, et hop on se laisse glisser, tel un lémurien qui aurait chaud aux fesses. 

Et puis on se hisse au soleil, à quelques mètres du téléphérique. C'est l'instant photobombing, nos frimousses se plaçant parfaitement entre le Mont Blanc et le visage radieux de Marie-Gertrud. Il nous faut enfin enjamber la barrière et nous rétablir sur la plateforme. Répondre aux nombreuses questions des touristes et signer quelques autographes. Fort de notre performance incroyable, on tente de draguer quelques minettes mais malheureusement, Marie-Gertrud n'a pas apprécié qu'on foute le boxon dans son TikTok. Reste encore à ranger nos affaires et nous diriger à travers les couloirs humides vers la cabine, qui nous redescend à Cham' où l'on goûtera aux températures infernales de la canicule. Ambiance 2022 assurée.

Et voilà, un nouveau passage par arête des Cosmiques. Une course facile et accessible, ce qui explique son succès. C'est toujours un plaisir de courir dans les étoiles, sur ce que je qualifierais volontiers de meilleur rapport beauté/plaisir du massif. A défaut de la faire hors saison, dormir au refuge et s'y élancer avant que les bennes ne dégueulent leur lot de concurrents est une option recommandable.