26-05-2019
Alpes Grées S
1600
3612
F
8
2

Branle-bas.

Est-ce le bruit du torrent seulement qu'on entend ou l'atterrissage liquide des nuages ?
A travers le hublot, on ne fait pas la distinction. Mais c'est bien un léger grain qui arrose le pont ce matin.
L'appareillage se fait en catimini. Larguez les amarres ! On quitte le port de Lanslevillard. Destination : pointe de Ronce, si le vent nous est favorable.
Après quelques minutes de cabotage et un virage lof pour lof au-dessus du lac du Mont Cenis, nous mouillons dans une anse à 1920 m.
Changement de cargaison, l'équipage prend une nouvelle allure et forme un convoi "à la gauloise" sur les chenaux de la station, évitant les écueils, contournant les hauts-fonds descendus en boules, jusqu'au havre de la Côte Plane.
Au Plan Cardinal, on se regroupe et on fait le point. La visibilité est réduite, la surface est un peu pourrie, on sonde régulièrement, mais tout le monde marche bien alors on poursuit notre route jusqu'à engager le détroit de la Cailla. Changement d'ambiance, le vent se lève par bâbord et la température chute.
Démâtage pour deux esquifs qui regagnent un abri. Les autres prennent un ris et commence alors... la Grande Traversée.

On double le Signal du Mont Cenis, on franchit le récif de l'Arcelle Neuve puis virons au sud vers le glacier du Vieux, vent arrière et sans voir les abysses. Le tout dans une ambiance fantasmagorique, les hallucinations ne sont pas loin.
Dans la dernière encâblure, une embarcation met à la cape perturbée par des ennuis mécaniques.
Les quatre vaisseaux restants atteignent la pointe de Ronce à midi, dans un calme relatif mais avec des paquets de brume qui fouettent l'étrave et une visibilité réduite.
On ne jette même pas l'ancre, juste le temps de ravitailler et l'on fait demi-tour.
Dans le jour blanc, le trajet devient houleux : mal de mer, roulis, chavirage et courants contraires rendent la descente pénible.
On tire des bords, on navigue aux instruments. On prend même de grosses vagues de travers, accrochez-vous au bastingage ! heureusement les lames de fond sont évitées mais on assiste à quelques dessalages.
Enfin, on reconstitue le convoi, qui vogue en évitant les bancs de sable et sans avarie majeure jusqu'au vaisseau amiral.

Voilà une course dont on se souviendra, plus par les conditions que pour la vue. Le charme du hauturier et pas la plaisance. Il est bon d'en faire de temps à autres, sans plaisir majestueux mais sans danger objectif.
On se remémore quelques empannages bien négociés et l'on s'en satisfait.
Et puis, à trop regarder la météo ...