22-08-2021
Ecrins
PD
Michel, Mélo' et Tanguy
2

Pour ce weekend prévu comme une réunion d'anciens (jeunes) combattants, j'emmène à l'assaut des cîmes 3 amis de mon précédent club d'escalade Parisien. 3 bons grimpeurs mais novices en montagne, je leur prépare un programme bucolique qui paraitra banal à un Gaulois mais fait rêver ces parigots (et savoyards, si si!) en manque d'oxygène.

Départ en ce samedi matin pour le refuge du Pavé, direction le Pic nord des cavales par son arête sud. Un très beau sommet que j'ai expérimenté plusieurs fois déjà, sur un cailloux magnifique et tout en restant une course assez courte, facile et peu engagée. ça me parait parfait comme programme. La montée au pavé est en soi une jolie rando dans de très beau paysages. On opte pour la variante d'accès des câbles, ce qui nous permet d'arriver tôt au refuge malgré une petite pause "école de coinceurs" à l'ombre, et un sandwich/myrtilles au bord de l'eau.

Là haut, la gardienne douche mes espoirs : "vous allez au Cavales? Va y voir du monde, vous êtes le 3e groupe à y aller!" Ouch! Je passe ma soirée à réfléchir. 3 débutants à gérer, dont 2 qui seront sur une cordée autonome, ça promet déjà une longue journée, mais si en plus on doit s'insérer dans l'embouteillage de 2 autres groupes, là aussi composé de jeunes novices et autres anciens sur le retour "mais à notre rythme!", ça va pas le faire. D'autant que la météo est assez incertaine dans l'après midi. Je décide donc de changer d'objectif et de sortir un plan B de ma poche : la pointe Emma qui surplombe le refuge. Plus courte et plus facile, elle n'avait pas ma préférence mais au moins, c'est un sommet que je n'ai pas fait, j'aurais là le plaisir de la découverte.

J'ai le topo de la voie normale (l'arête Sud), mais dans un vieux Labande qui traine au refuge je vois qu'il est possible de faire une traversée en redescendant par l'arête Nord. L'idée me trotte dans la tête, alors avant d'aller dormir je vais m'enquérir de quelques infos auprès de la gardienne. "Oui, ça se fait bien, il faut juste prévoir un rappel de 30m". Ok, je n'en saurais pas plus, on verra ce que ça raconte demain. Un autre groupe de débutants se dirige vers notre pointe Emma (oui, il y a foule ce weekend au Pavé). Mes oreilles baladeuses m'apprennent qu'ils se lèvent à 6h. Pas de soucis, ce sera 5h30 pour nous et bon courage pour nous doubler. Hinhinhin.

A l'heure dite, levé après avoir été réveillé toutes les demi-heures par les claquements d'une porte en ferraille. Le charme du Pavé ... J'avale mon petit déj et, l'oeil sur la montre, m'inquiète du rythme de la préparation de mes camarades. Il s'agirait de ne pas voir s'évaporer notre petite demi-heure d'avance. L'accès à vue jusqu'à l'attaque se fait bien, malgré une progression pénible dans un pierrier pas toujours très stable. On s'équipe, et déjà j'aperçoit nos poursuivants qui approchent. J'ouvre la marche, et indique à ma seconde cordée où je pense judicieux qu'elle pose des protections. Manque de bol, la voie débute par une rampe oblique un peu daleuse, sans difficulté mais où la protection n'est pas toujours évidente. Je comprends que derrière moi, la perspective de ne pas avoir un spit tout les mètre cinquante émoustille. Malgré tout, on prends pied sur l'arête assez rapidement. Cette première portion n'est pas très intéressante mais permet d'expérimenter la progression en terrain (très) facile mais (un peu) expo. La suite est plus sympa : de superbes écailles de granit "Oisans AOC", avec une belle vue sur le vallon du Chateleret et la Meije, qui a la tête dans les nuages ce matin. Le progression permet là d'expérimenter la protection sur becquets tout en profitant de jolis pas de grimpe/marche alpine. On arrive au pied de la seule difficulté de la voie : une petite longueur en III, un peu plus fine bien que très prisu pour les mains. Sur les quelques mètres qui dure la difficulté, on trouve pas mal d'équipement. On tire ici une petite longueur, avant de poursuivre jusqu'au sommet par un terrain facile fait de lourds blocs de roche brisée.

La vue est très belle, offrant un beau panorama sur les différentes vallées qui nous entourent, et pour moi le plaisir de se remémorer de nombreuses et heureuses ascensions en compagnie de Gaulois joyeux. Plaisir également pour mes 3 comparses d'atteindre ce sommet. Notre progression ne répond pas aux exigences du label "Grande Course Gauloise, c'est pas au CAF que tu claquerais un chrono comme ça mon gamin!TM ", mais est malgré tout plus efficace que je ne l'imaginais initialement. Alors je mets à exécution la phase B de mon plan machiavélique : improviser la descente par l'arête Nord.

On emprunte un petit bout d'arête jusqu'à tomber sur un relais chainé. Bizarre de tomber là sur du matos de cette trempe sur un itinéraire qui me paraissait peu fréquenté, peut être la sortie d'une des voies modernes qui remonte la face ? Chaque cordée disposant d'un seul brin de 50m, on se retrouve à 4 au relais pour papoter, raboter nos brins et tirer notre rappel. 30m plus bas (et un relais pas tip-top-confort), on repart dans une traversée sur une petite vire, qui nous amène rapidement sur un éperon au bout de l'arête. Celui-ci surplombe la brèche des Chamois, côté Etançons. Cumulé à un vent très fort, c'est un rappel montagne très impressionnant qui nous attends. La corde file à l'horizontale, je descend le premier, pas très sur de moi, avant de sécuriser la corde sur un vieux relais oublié là, de l'autre côté de la brèche. Le temps que mes 3 compagnons me rejoignent, me voici transformé en mister freeze. Entre le vent et les nuages, je préfère ne pas perdre de temps, et plutôt que de ré-encorder tout le monde un nouveau rappel nous ramène sur le pierrier. On oublie le plan C (l'ascension de pointe des Chamois) et le plan D (A/R au sommet des Cornes de Chamois, un esthétique gendarme sur la crête qui sépare la pointe Emma et la pointe des Chamois). Redescente au refuge en même temps que l'autre groupe (qui s'est contenté de l'A/R par la VN) et petite pause à la faveur d'une éclaircie, avant une longue descente qui nous amène à la voiture en fin d'après midi.

Au bilan, une belle petite promenade que cette pointe Emma. La VN par l'arête sud est très courte mais assez complète. La version en traversée permet d'aborder un vrai panel de compétence de montagnard, notamment plus de recherche d'itinéraire dans un cadre plus sauvage. C'est une course que je recommande pour de futures initiations, ou pour une cordée en manque d'expérience ou de confiance. A noter qu'existe une version longue de cette arête Sud, un gros cran au dessus (D, IV-), qui a l'air bien gazeuse mais vraiment superbe. Un futur projet dans le coin pour la prochaine fois où le Pic nord des cavales affichera complet.

Voilà, ça fera un shoot de Genep' mon cher Buzz !