07-04-2013
Vercors
F

Le réveil de Manu savait (il n'a pas sonné). « Objets inanimés, avez
vous donc une âme ? ». Peut être pas une âme, mon pote, mais un sacré
« pif » en tout cas.

Manu savait, mais il ne savait pas qu'il savait (il a laissé ses pioches
dans le coffre de sa voiture à cause du changement un peu précipité du
plan bagnole). Ce que nous avons tous pris pour un oubli était plus
qu'un pressentiment : une préscience.

Les autres (Babet, Guillaume, Serge) savaient-ils quelque chose ?

Ça aurait dû les alerter, cette préparation laborieuse, cette manière
de tourner en rond sans trouver le « bon » spot (deux ou trois goulottes
pas trop dures, pas trop espacées, pas trop longues mais pas trop
courtes non plus, pas trop loin, pas trop tout, quoi). Direction
finale : les goulottes du Gerbier dans le Vercors.

Bon c'est parti. Tout va bien, on arrive dans les temps à Villard de
Lans, à l'aise pour l'ouverture des remontées mécaniques (ouais, on
trouvé un truc bien accessible à 1 heure de ski depuis le haut du
télécabine, on est super-malins c'est le dernier jour d'ouverture de la
station).

Comme le topo nous l'a indiqué, pas de tarif piéton au télécabine
avec nos skis, obligés de prendre un forfait deux heures et on gagne une
nouvelle carte skipass, évidemment incompatible avec celle de toute
autre station.

Du bas, ça a l'air bien bouché, mais on a un moral d'acier. La
météo disait « couvert le matin, belles éclaircies l'après midi ». Le
BRA était plutôt clément : risque 2. Ça va se lever, non ? Et puis
« qui trop écoute la météo, passe sa vie au bistrot » n'est-ce pas ?

Arrivés en haut, c'est plus que couvert, on y voit pas à trois
mètres. On sort la carte, le topo, le moral toujours d'acier, en route.
Bon, Serge, c'était quand même par le bon jour pour apprendre à skier
en chaussures de montagne : gamelles, train de sénateur. Déjà que
d'habitude...
On trouve à tâtons le téléski indiqué par le topo : manque de chance on
est en bas, pas en haut. Chouette, le forfait deux heures pour corriger
cette petite erreur !

En haut du téléski on tombe sur un pisteur. Pas super optimiste, le mec,
sur notre projet et surtout sur nos chances de trouver les goulottes.
Enfin, il nous donne quelques indications et nous souhaite bonne chance.
Il en faut...

Nous voilà partis, direction plein est, dans le brouillard le plus
total. Il faut suivre la courbe de niveau sur un terrain complètement
bosselé. Assez rapidement on se retrouve trop haut, on redescend,
on tourne et se retourne, on attend un peu Serge. Le temps passe, on
monte, on descend.

Au bout d'un moment, on ressort la boussole : on est cap à l'ouest,
complètement à l'opposé de la bonne direction. On regarde la boussole
d'un air hargneux : elle est complètement détraquée cette breloque !
Et puis là, ça se lève un peu, juste un peu, juste ce qu'il faut pour
voir un instant la direction du soleil. On finit même par voir le
Gerbier. On est bien repartis dans le mauvais sens !

Là Manu dit quelque chose comme « cette éclaircie a pas un air franc ».
Sacré faux-jeton que cette éclaircie, oui. Rapidement le brouillard nous
enveloppe à nouveau. Il se déchire encore. On voit le Gerbier, les
goulottes. Les conditions sont splendides. Le brouillard retombe.
Il nous fait des clins d'oeil l'air de dire, ce salaud, « Vous avez vu ?
C'est chouette, non ? Hé bien ce sera pour la prochaine fois mes p'tits
loups ! ».

Nous, on se démonte pas. On trouve un dalle, on casse la croûte, on se
raconte des souvenirs et se parle de projets. En fait on a bien compris
qu'on n'irait pas aujourd'hui, que même si on arrivait au pied il y
a trop de chances de se faire cueillir à la sortie des voies ou au
retour par ce foutu brouillard.

On prend notre temps pour rentrer. On remonte le plus haut possible pour
faire au moins un peu de ski. On rejoint le sommet des remontées, notre
point de départ plusieurs heures plut tôt. Un dernier coup d'oeil sur le
Gerbier à peine visible dans la brume mais juste ce qu'il nous aurait
fallu ce matin pour pouvoire y aller.

L'équipe se sépare : sur et hors piste. Pour Serge ce sera, sagement,
le Chevreuil, puis le Cerf et enfin le Marmotton. C'est charmant
n'est-ce pas ? Il ne manquait que Roudoudou et la Petite Souris.

Enfin il n'est pas de sortie gauloise digne de ce nom qui ne se termine
sans aller boire un coup. Ces derniers temps on n'a pas été gâtés. Ce
doit être la crise, l'exode rural et le réchauffement climatique : le
dimanche, dans nos villages alpins, on ne trouve plus d'ouverts que
des bars PMU. La cohabitation avec le turfiste n'est pas toujours
facile. Surtout qu'on est un peu obtus chez les Gaulois voire légèrement
monomaniaque. Pas moyen de s'enthousiasmer sur le trot à Vincennes et
l'obstacle à Auteuil.

Mais nous, les Trois Mousquetaires du Gerbier, on ne va pas faire encore
tomber dans ce genre de plan loose. Pour aujourd'hui, on a assez donné.
Alors on a trouvé le plus chouette bistrot de la côte 2000 : la Crèche.
Tout un programme, non ?.

Quand on entre, nous tombons nez à nez avec la patronne qui sursaute et
étouffe un cri, style « Au secours ! V'là des clients ! ». Nos bonnes
têtes la rassurent. On s'installe, seuls dans la salle. Babeth tente une
commande un peu sophistiquée. La brave dame s'affole à nouveau, on la
rassérène avec des trucs simples, des boissons à pas plus de deux mots
dans la dénomination. Elle nous sert et repart tranquillement dans sa
cuisine tisaner son rosé et soliloquer à son aise. La saison a dû être
rude...

Le reste, le retour, les bonnes résolutions de recommencer (le pire
c'est qu'on le fera probablement), tout ça vous connaissez...

* voir cotation des buts sur
http://www.webmontagne.fr/but/Mes%20Buts....html