07-12-2013
Taillefer - Matheysine
D

La pointe de l’Armet est dans la région dite de la Matheysine (entre l’Oisans et le Vercors).

Départ à 3h30 de Lyon pour une course de 1200 m de dénivelé : 800 de goulotte et 400 d’arête. Ca envoie du steak quand même, mais cela ne nous  décourage  pas, on part (avouons-le) la fleur au fusil.

Cette course a été réalisée quelques jours plus tôt par deux grosses brutasses qui ont mis 4h pour monter au lieu des 8-10h indiqués sur camptocamp. La trace était (relativement) faite, grand beau temps annoncé pour samedi (et dimanche), donc banco malgré la longueur et une légère incertitude sur mon niveau d’alpinisme. Thomas était du coup désigné volontaire pour tout faire en tête, ce qui finalement lui allait aussi bien.

Départ à la frontale vers 5h45. Pas trop de difficultés pour se repérer grâce à cette fameuse trace. Plusieurs courses possibles à partir d’un même parking : 2 autres cordées partaient aussi pour la journée, faire « the north way » au Petit Armet.

Une fois dans la goulotte, force est de constater qu'elle n'est pas facilement protégeable. Et ouais, on en entend souvent parler du rocher type Oisans… et on confirme ! Chute interdite, surtout en corde tendue. On performe quand même : au total, pas plus de 3 relais ont dû être posés dans la goulotte. Gros brassage dans la neige molle au début, en contournant la première longueur trop sèche. Quelques passages de glace sympathiques ne dépassant pas 15 m (niveau 3+) s’ensuivent, alternant avec des passages de neige dans les 50°, ce qui donne une belle impression de forte pente.  Nous avons choisi de passer sur la droite de la goulotte dans le dernier tiers, contre le rocher. Ca augmente un poil la difficulté par rapport au côté gauche du couloir, bien enneigé. En revanche, cela donne deux superbes passages de mixte/fin placage de glace dans des dièdres couchés. Le temps est superbe, une certaine concentration s’impose dans la cordée vu le timing serré. Les effets de l’inversion de température sont rapidement visibles et la neige est inexistante dès que l’on sort de la goulotte.

L’ascension se déroule rapidement, on sort de la goulotte un peu avant 13h pour découvrir l’arête. Le début n'était pas piqué des hannetons : des mouvements de 5 avec grosses et sac à dos… Well done Thomas ;-) . La qualité parfois douteuse du rocher demande de bien choisir ses prises, sous peine de projeter des kilos de cailloux dans la goulotte des Matheysins, quelques centaines de mètres plus bas. Ensuite, la difficulté diminue et on prend un rythme régulier mais lent à cause de la fatigue. On est quand même soulagés de constater qu’on ne va pas continuer à se taper du 5 pendant 300m de plus ! L’arête est bien sèche et on arrive  au sommet vers 16h. Pas le temps de profiter ! Il nous restait 1h30-2h de soleil.

Là ça se complique : le soleil a tapé toute l’après-midi et les pentes ouest sont devenues humides et font botter les crampons. On est obligé de protéger plusieurs passages et la descente devient aussi technique si ce n’est plus que la montée. Perso, elle m’a paru plus engagée que la montée. Un petit passage pour remonter sur l’arête aurait même mérité une vraie longueur si l’envie d’en finir n’avait pas été plus forte : un petit pas à 80° entre rochers compacts et neige qui ne tient pas. Le soleil baisse, nos forces aussi, et le couloir de descente, bien que visible à quelques centaines de mètres de distance, n’est pas gagné. Il faut accepter l’idée que l’on passera la nuit en haut sous un beau ciel étoilé. On s'arrête sur la crête du petit Armet. C’est parti pour un atelier Igloo à la frontale. Il nous aura fallu 2 heures, mais c’est deux heures en moins à ne rien faire dans la nuit.

On a pu se poser dans l’igloo pour se rendre compte qu’on avait faim et froid (sans blague !). Mais c’était sans compter sur deux couvertures de survie… dont une était toute pourrie. On réussit à se réchauffer un peu, mais la condensation sous la couverture nous a refroidis. Un dilemme se pose : rester dans l'igloo à affronter le froid toute la nuit, ou bien descendre à la frontale malgré le doute sur les difficultés de l’arête et la fatigue. J’appelle un ami, le 112, pour lui décrire notre situation et lui faire part de nos interrogations. La solution retenue d’un commun accord est l’hélitreuillage le lendemain matin. Ca nous permettra au moins de ne pas se tarauder l’esprit pendant la nuit, et puis, bon, il faut une première fois à tout !

La nuit ne fut pas des plus confortables : un peu de blabla pour faire passer le temps, quelques périodes d’assoupissement et pas mal de séances de remue-ménage des bras pour se réchauffer. Au final, la nuit n’a pas été traumatisante car il suffisait d’attendre l'hélicoptère le lendemain matin. On finit la nuit sans eau, sans nourriture et avec des pieds en pas très bon état, même après se les être massés une bonne partie de la nuit.

L'hélico arrive à 8h le lendemain, nous dépose dans le petit village de départ où des habitants nous proposent de nous ramener à notre voiture après un petit déjeuner très apprécié chez eux. On repassera chez eux pour la prochaine course mais sans l’option hélicoptère.

Morales de l’histoire :

- La course était trop longue vu la longueur des jours. A privilégier en mars quand le soleil donne une heure de marge de plus.

- Les couvertures de survie c’est super important mais c’est pas non plus top sur le long terme ou alors faut m’expliquer comment les utiliser.

- J’appelle un ami, le 112, permet de rester serein et d’avoir un avis extérieur. Mais faut avoir du réseau...

- L’igloo, on a trouvé de la neige très froide, impossible à compacter. Il faut alors couper de grosses briques dans de la neige dure de préférence (pour nous de la croûte ventée) et commencer à refermer l’igloo dès la deuxième rangée. Mieux vaut faire les anneaux complets et percer l’entrée à la fin : ça aide à la stabilité de l’édifice pendant la construction. En cas de neige humide, le plus simple reste de faire un gros tas de neige et de creuser dedans. On n’a pas eu cette chance.

- Eviter de trop serrer les mousquetons à vis dans le froid : un des miens s'est grippé avec les deux piolets attachés dessus (c’est con hein ?).

- L’hélico c’est bien, en abuser ça craint.

- Prendre une deuxième paire de chaussette (ça nous a drôlement manqué) et pourquoi pas une bougie. Garder un T-shirt ou autre vêtement sec dans son sac.