18-10-2022
La Montagne Sainte-Victoire
D
Nafnaf, Noufnouf et Porcinet
1
Grouiiick ! Grouiiick ! Grouiiick !
 
Le sous-bois, d'ordinaire si tranquille, bruisse d'excitation : 3 petits cochons grattent le sol d'impatience. Ils courent en rond, reniflant les racines pendant que leurs queues frétillent d'excitation. Insensible à ce cirque, tout là haut la Sainte les ignore. Il y'a bien longtemps que sa tranquillité d'aquarelle est troublée par d'étranges créatures aux fesses roses. Va t-elle laisser la garrigue devenir porcherie ? 
 
Nafnaf avait rencardé Noufnouf sur un plan granit automnal. Mais le mauvais temps s'en était mêlé, et la bétaillère d'abord pleine s'était vidée. Seul était resté Porcinet, trop hyperactif pour rester à se baigner dans la fange. C'est ainsi que les lardons se retrouvent loin de leur ferme, à s'élancer à la quête de Victoire.
 
La première longueur annoncée en 4 est un champ de patine, qui force les muscles au réveil. D'abord équipée, il faut en sortir par une traversée vers une dalle et une fissure, où les premiers friends sont installés avec difficulté. C'est que le calcaire, ça ne se protège pas comme le granit. Il va falloir ruser aujourd'hui, et se muscler le jambon !
 
L2 est une fissure là encore très savonneuse, d'où on rejoint une L3 débonnaire qui amène les larrons au sommet de l'aiguille Bertine. L'endroit est confortable, la vue est belle, mais il convient de ne pas traîner :  ce n'est qu'un premier tiers parcouru, encore deux autres avant d'espérer s'enticher de Victoire.
 
De là, ils repartent corde tendue pour une très longue jonction dans des gradins débonnaires, entrecoupés de quelques ressauts grimpants. Lorsque la cochonnaille croise un sentier, ils se savent arrivés au pied du second tiers. Noufnouf prend le relais et s'élance dans une nouvelle fissure, qui lui donne du fil à retordre pendant que Porcinet est à l'assurage et que Nafnaf flaire des glands.
 
Ensuite, une longueur plus facile sous un très joli toit, qui offre une séquence d'un esthétisme remarquable (et ce n'est pas uniquement parce qu'une belle rosette pendouille dedans). Les porcs repassent corde tendue pour remonter une belle arête sans difficulté, les amenant au pied du dernier ressaut, qui constitue également le crux, à remonter sur deux longueurs jusqu'à la Sainte. 
 
Porcinet s'étant foulé le sabot, c'est Noufnouf qui est désigné volontaire pour se la coller. Au fond d'une renfougne malcommode, on l'entend Grouicker avec vigueur. La progression est lente mais inarrêtable, serpentant dans les entrailles de Victoire. Voilà le verrat devenu ténia. 
 
Le vent s'est levé, la maison de paille s'est envolée depuis bien longtemps, mais 3 gorets résistent sur le rocher. Il leur faut encore un peu de couenne pour se hisser sur un piton rouillé, et se glisser sur une plateforme confortable. De là, le chemin est facile jusqu'au sommet, l'allégresse donne bon goût à la viande des pourceaux.
 
Dans les lumières déclinantes de la fin de journée, la basse-cour atteint enfin son objectif. C'est qu'elle est bien rôtie la cochonnaille. Dorée à point, toute une journée à la saucer, à la rincer, Victoire va pouvoir n'en faire qu'une bouchée : la Sainte s'en lèche les babines. Mais ? Où sont-ils passés ? Ils ont dévalé la pente, préférant le plaisir d'être ensemble au bonheur d'être là haut.
 
Grouuf grouuf grouuuuuf.