12-07-2024
Devoluy
1200
D
1

La saison 2024, c'est la saison des week-ends annulés pour cause de météo catastrophique. Aucune surprise ici, alors que nous avions bloqué notre vendredi, les Alpes sont balayées par une tempête force 12, accompagnée de ses 12 mois de précipitations cumulées et de ses chutes de grêlons calibre 12. Absolument aucune exagération ici, tout ceux qui ont vécu l'année 2024 en montagne pourront témoigner. 

Après ça, il nous reste le samedi, qui s'annonce pour le coup assez correct. Ce serait dommage de ne pas en profiter, alors on cherche en dernière minute un itinéraire sympa à parcourir. C'est Rémi qui déniche la pépite : Vendanges tardives, à l'Obiou. 10 longueurs équipées, 5+/6a+ max, sur un sommet que je je n'ai jamais foulé mais qui m'a toujours impressionné quand on le voit depuis la route Napoléon. Allez, vendu !
 
La logistique est un peu complexe : premier train de la journée vers Grenoble, où Rémi me récupère, direction le Dévoluy. L'accès au parking emprunte une route forestière non goudronnée mais en très bon état. On se répartit la quincaillerie et on s'élance dans une brume épaisse. Il est déjà 9h45, on peut pas dire qu'on soit en avance. On progresse à vue, ou plutôt on suit bêtement le sentier vu que cette vue, les nuages nous l'occultent ! On ne croise pas grand monde, il ne fait pas très chaud et le sol est détrempé. Le sentier traverse des pentes un peu raides, avant de se rétablir dans des alpages assez féériques. Les nuages se déchirent en deux, dévoilant notre objectif. L'Obiou est un gros roc raide, trônant au milieu d'un immense pierrier. L'ambiance est minérale, aucune trace de végétation et juste des strates de béton empilées les unes sur les autres : on croirait voir réalisé le rêve des architectes qui ont conçu le quartier de la Part Dieu.
 
Quand le sentier se raidit, on le quitte pour rejoindre un évident couloir. Un épais névé subsiste au fond de celui-ci, on l'évite par une traversée en rive gauche, avant de prendre pied dans des gradins rive droite. On est pas encore au pied de la voie, il nous faut remonter cet éperon peu raide dans un terrain à chamois exposé, fait de terrasses et de ressauts. Cette portion nécessite une certaine prudence, il faut tester chaque appui et avoir du flair pour dénicher les passages les moins grimpants. Mais avec ces précautions, nous avons parcouru un itinéraire au rocher relativement bon. La chute est cependant interdite. Il existe à priori des pitons et quelques spits disséminés pour s'assurer mais nous ne les avons pas vu.
 
On s'élève ainsi sur une centaine de mètres, jusqu'à rejoindre un replat, avant que l'arête ne se poursuive dans un nouveau ressaut. ça fait déjà quelque temps qu'on s'inquiète de ne pas voir le départ de la voie, de l'autre côté du couloir. Rémi finit par trouver notre issue, une vieille plaquette écrasée et habillée d'une cordelette, au pied d'une fissure/dièdre au niveau d'un rétrécissement du couloir. Autour de nous, la face est impressionnante. Très raide, un rocher qui donne l'impression d'être délité, mais offrant peu de sculptures et aucune ligne de faiblesse évidente. Du bas, impossible de deviner où passe la voie, il va falloir faire la chasse aux spits !
 
Après nous être équipés (et avoir enfilé une petite veste, c'est qu'il fait frais à l'ombre), Rémi ouvre le bal et part dans la première longueur, qui est aussi le crux de la voie. Un 6a+, le réveil est difficile. Le rocher est vraiment déroutant, on a l'impression d'un amoncellement de pavés. C'est un peu flippant car on a peur de faire partir chaque prise, mais étonnamment tout est béton. Passé cette découverte, on apprécie la qualité du rocher, la beauté de l'escalade et le cadre grandiose : dès L1 on est catapulté en pleine face avec déjà un certain gaz sous les pieds. Peu de bacs, des plats à foison, c'est une grimpe qui nécessite un certain sens de l'équilibre. Ne manque plus que des Italiens chantant pour se croire dans les Dolomites.
 
Sous nos pieds, une cordée progresse bruyamment sur l'éperon d'accès. Au début, nous n'y prêtons pas garde, espérant seulement qu'ils ne nous suivent pas dans la voie. Nous les voyons dépasser le pied de la voie, mais notre soulagement est de courte durée tant les deux gars s'avèrent être de parfaits pignoufs. Le plus jeune n'a pas de baudrier, le plus vieux lui en bricole un en sangles. Les voilà qui tirent une longueur, mais le leader s'aperçoit qu'il a oublié les friends dans le sac. L'assureur panique, le voilà qui sèche son leader, faisant sauter l'unique point. S'ensuit une engueulade pleine de mots doux, l'ambiance à l'air au top. Et nous, au dessus, qui nous interrogeons sur la pertinence de leur appeler l'hélico d'office. On tente de les ignorer et de nous concentrer sur notre voie.
 
Dans L3 on trouve une courte portion où le rocher est nettement moins bon. On arrive bien à s'en sortir (à condition de s'interdire de tirer sur ces beaux bacs), mais ça arrive au moment où on se sentait enfin en confiance. Ces 3 premières longueurs sont soutenues dans le 6a, peu de repos, mais la grimpe est fluide et logique, et ne cache pas vraiment de pièges. Ensuite 2 longueurs de 5+, que j'enchaine d'une seule traite au prix d'un certain tirage en fin de longueur. Ce choix permet d'échanger deux courtes longueurs en une longue et belle envolée, les bras sont heureux d'atteindre la vire, qui marque le premier "ouf" de la voie, et la fin de la première partie soutenue et verticale.
 
La suite est moins raide, une longueur dans une jolie et très large fissure-dièdre, en sortie de laquelle on trouve de superbes knobs, très francs. Puis deux longueurs faciles mais très jolies, que l'on a enchainé pour une nouvelle très belle envolée de 60 mètres (et donc un peu de corde tendue à la fin). Attention on arrive sur une vire pleine de cailloux, mais en allant chercher le relais bien dans l'axe la corde n'envoie pas grand chose en contrebas. Et encore deux longueurs, dont la dernière au départ déroutante (des plats fuyants) et au joli pas de chat pour se rétablir au-dessus d'un large décroché. La suite déroule sur un rocher superbe, qui donnerait presque l'impression d'être de la lave. C'est ainsi que la voie se termine, débouchant sur l'immense vire sous le bastion terminal.
 
La vue sur les Ecrins, le Taillefer et le Dévoluy est superbe, on s'installe là quelques minutes pour croquer un morceau. Il est 18h, nos bras sont bien entamés, on décline donc l'invitation de la voie Marie-Thérèse de nous emmener au sommet (4 longueurs en 6a+ max). On préfère filer vers le bas par la voie des Chatières pour éviter de rentrer à la nuit, avec quand même quelques regrets de ne pas finir totalement l'ascension. Une très ludique désescalade dans les chatières nous permet de rattraper la voie normale et son sentier exposé, où nous retrouvons enfin les rayons du soleil. Il n'y a plus grand monde dans le vallon, la lumière rasante sublime le paysage. C'est à un rythme tranquille que nous rejoignons la voiture, très heureux de notre journée.
 
La voie est vraiment extra, offrant une ambiance grandiose et une superbe grimpe sur un rocher tout à fait recommandable. Depuis son ouverture, la voie a dû être bien purgée car les CR datant d'avant 2020 sont souvent plus dubitatifs, notamment un CR Gaulois rédigé par Jean Luc, Anne et Daniel. Il convient d'être vigilant à quelques points : les vires ne purgent pas à l'unique condition de grimper bien droit, si on trace une diagonale la corde déclenche l'artillerie. Par ailleurs l'accès est une course en soi, qui nécessite un pied sûr et un minimum de sens de l'itinéraire. Il ne faut donc pas se contenter de l'info "voie équipée", l'ensemble du parcours est un vrai itinéraire montagne. Et pour finir, l'ensemble est long, si on veut arriver jusqu'au sommet il faut partir tôt du parking.
 
La journée se termine par un arrêt bière et bouffe à La Mure des plus improbables, car nous avons la surprise de tomber sur les festivités du 14 juillet et une bruyante fête foraine. Tournée générale de churros !