04-03-2023
Alpes Grées S
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Après la mutinerie de l’an dernier, lors de laquelle Barbara et Aurélie avaient rerouté le Magic Bus de Guillaume vers le refuge de Plaisance, pour un week-end non moins sympathique, le capitaine tenait à remettre le cap cette année vers l’Albaron.

Si la météo défavorable du dernier week-end de février nous contraignit à rester loin des montagnes, le premier week-end de mars et ses journées plus longues accueillera notre projet. Réservation faite aux Evettes, nous pouvons prendre la longue route qui remonte la Maurienne jusqu’à ses dernières masures : l’Ecot, atteint à ski une fois la voiture laissée à Bonneval. La joyeuse compagnie que Nicolas, Guillaume, Clément, François et moi-même formons entame la montée vers le refuge, sous un soleil resplendissant. Une fois notre objectif atteint, Guillaume et Nicolas choisissent d’aller tâter d’autres pentes le temps de l’après-midi, alors que le reste du groupe préfère se concentrer sur une sieste, puis un exercice de sécurité glacier pour revoir et partager les pratiques.

La salle commune est pleine ce soir : les quarante-huit personnes qui dormiront dans ce refuge vieillissant, attablées, se délectent alors d’une tisane de courgettes, que le très sympathique gardien appellera soupe. La nuit se déroulera sans d’autre encombre qu’un réveil laissé à 5h30 du matin, par un Nicolas sans doute désireux de découvrir les traditions du club, dont la rédaction du CR. Eût égard à son intégration récente, je le déchargerai de cette tâche.

                Nous partirons parmi les premiers au petit matin, pour traverser le cirque des Evettes, en direction de sa face nord. Au premier replat glaciaire, la salle à manger, nous trouvons la tente de bivouac d’un couple passé par le refuge la veille, au pied de la face Nord de la petite Ciamarella, plaquée et donc déconseillée. Nous poursuivons et hésitons sur une option de notre itinéraire, à savoir le col de ladite Ciamarella. Conscients de l’ampleur de la course jusqu’au sommet de l’Albaron, nous préférons garder de la marge horaire. Bien que rattrapés durant ce contretemps par le reste des convives de la veille, nous gardons la tête et François comme Guillaume s’échinent à tracer, d’abord au-dessous puis au-dessus des séracs du glacier des Evettes. Les deux petits retours d’est de la semaine écoulée sont salvateurs : l’ambiance eût été différente sans ces trente centimètres de neige fraîche sur le béton que l’on sent poindre sous nos carres, lorsque ces derniers ont été soufflés à certains endroits par la Lombarde frontalière.

                Une fois à la selle, nous formons deux cordées pour sécuriser notre progression sur l’arête qui, si elle ne fut pas ardue, nous prit une bonne heure et demie à parcourir avant de rejoindre le sommet. A ce dernier, nous ne serons pas seuls à profiter du magnifique panorama qui s’offre alors à nous. Ce point de vue très oriental propose une vue sur la Grande Casse moins commune que de coutume, et sur des sommets frontaliers dont je suis moins coutumier. Plusieurs cordées s’entassent dans le rappel de 20m pour rejoindre le pied du bastion sommital, dont trois filles qui nous promettent des crêpes au chocolat en échange de l’usage de notre brin de corde. La galanterie sert de masque à la gourmandise et nous patienterons au pied, déconcertés par les pratiques diverses et variées, mais non moins surprenantes, qu’utilisent d’autres groupes pour mouliner leurs collègues, tête en bas pieds en l’air.

                Les skis chaussés, nous rejoignons le col du Grand Fond en évitant scrupuleusement de se faire attirer à droite vers une descente évidente mais qui nous entraînerait vers une barre de sérac et plusieurs hectomètres de chute. Le glacier supérieur du Vallonnet a conservé une belle épaisseur de poudre des jours précédents, et, si nous restons vigilants du fait du milieu glaciaire, notre descente est un plaisir léger et rebondissant sur les 600m de dénivelé négatif nous séparant du goulet terminal. En bonnes conditions, celui-ci ne nous oppose que quelques rares mini-barres sortant du manteau, rien que nous ne sachions négocier.

                Retour jusqu’aux pistes de la station, puis au village, où nous aurons l’occasion de débriefer et de nous réjouir de cette belle journée en montagne, en bonnes conditions et bonne compagnie, une chance de plus dans ce terrain de jeu splendide que la nature met sous nos spatules ou crampons.