14-07-2019
Belledonne
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AD
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Olivier
1

 

Belledonne, c’est toujours pareil. On y va parce que ce n’est pas loin de la maison et on revient avec des étoiles dans les yeux. 

Cette fois, nous hésitons entre des courses dans les Écrins et la traversée des arêtes du Grand Pic, en Belledonne, donc. J’aime le coin, j’ai entendu dire du bien de la course et je préfère limiter le temps passé sur la route. Olivier — qui connaît la traversée — me laisse faire pencher la balance vers le massif iséro-savoyard. 

Départ à pied de Pré Marcel à Sainte-Agnès. Nous sommes chargés : une bonne sortie avec Olivier commence souvent par un bivouac. 

La marche d’approche est longue : il nous faut trois heures pour arriver un peu au-dessus du lac Blanc. Entre-temps, nous sommes passés devant le refuge Jean Collet à l’heure de la soupe. Le fumet me rend le moment agréable, Olivier a plutôt un instant de regret. 

Nous sommes au bas du ravin de la Lauzière de Roche Noire, vers 2200 m d’altitude. Nous étalons nos matelas gonflables entre un névé et un ruisseau. Dîner froid mais consistant. 

Au-dessus de nous, sur des barres rocheuses, une harde de chamois apparaît. Les cornes s'entrechoquent, claquent à nos oreilles. La lune se lève derrière le col de Freydane. Elle blanchit un décor déjà largement minéral. 

Bien au chaud et à l’abri de l’humidité (merci Antoine pour le sursac), nous dormons... plus ou moins. C’est veille de course, l’excitation prend le pas sur les bonnes raisons de se reposer. Satanés neurones. 

Le réveil a dû sonner à 4h45. Nous ne devions pas si mal dormir : nous émergeons à 4h57. Départ 5h40. 

D’un pas tranquille, il nous faut deux heures pour arriver au glacier de Freydane et chausser nos crampons. C’est donc reparti à 7h40 mais, sur le glacier et dans le couloir qui mène au col de la Balmette, les crampons d’Olivier lui donnent du fil à retordre. Il a emprunté le matériel tout neuf de sa femme et veut profiter d’un allègement de 300 g. J’aurais pensé comme lui mais me serais arrêté en voyant les lanières et l’absence de blocage semi-automatique. Réglage galère et re-galère, donc. 

La partie neige est assez courte mais la traversée est ainsi une vraie course mixte. Changement de longueur d’encordement. Nous attaquons l’arête vers 9h00. 

Elle réunit tout ce qu’on aime. Le rocher est très correct. Les bonnes prises sont nombreuses (mais des excroissances foireuses les jouxtent parfois). 

L’escalade est esthétique, juste assez technique pour chercher et trouver des solutions sans trop de peine en grosses. Elle est soutenue. Elle est aérienne.

Les ressauts se succèdent. Quelques désescalades sont délicates. 

Nous progressons corse tendue la plupart du temps. Olivier fait son (habituel et super) boulot de protection. Nous perdons une ou deux minutes avec un mousqueton que je ne peux plus dévisser. Dès que mon compagnon de cordée le tourne dans le bon sens, ça va mieux. Bug neuronal, dirait Sylvie. 

Après le Grand Pic, la ligne de rappels est plutôt confortable. Montagnes Magazine, à l’occasion d’un numéro spécial Belledonne, recommande la désescalade dans le couloir afin de se contenter d’une corde courte. Nous estimons que c’est une mauvaise idée... c’est un euphémisme.

Pic central franchi, direction la Croix de Belledonne.

Olivier a presque tout fait en tête. Sur la dernière partie, en 3b, il me suggère de le remplacer dans cette position. Comme l’excellent topo de Camptocamp l’explique, c’est encore un morceau de choix. Je réussis à gâcher quelque peu le plaisir en enfonçant trop un petit friends, qui restera sur place. Moment de solitude.

J’ai le privilège d’être le premier à déboucher à la Croix de Belledonne. C’est émouvant : je commence à connaître l’endroit et y arriver au bout d’une course pareille y ajoute une dimension. Je me souviendrai longtemps de la poignée de main qui suit. Il est environ 13h40.

Une cordée qui a fait la Rébuffat (6a en grosses et sur coinceurs, excusez du peu) arrive sur nos talons. 

Pause lovage-rangement-fruits secs. 

C’est parti pour une grande randonnée à la descente. Comme d’habitude, j’ai l’impression d’avancer à une vitesse correcte mais j’ai du mal à suivre. Sur neige (il en reste pas mal), si je veux accélérer en profitant de la glisse, je ne tiens plus debout. La pente est trop faible pour contrôler la descente debout avec le piolet, en ramasse. J’essaye de me servir de mon sac à dos comme d’une luge mais il ne glisse guère : la pente est trop faible et la surface trop irrégulière. A travailler.

Dans la descente depuis la Croix, nous empruntons une sente bien commode : il faut bien repérer le point 2670m avec le gros cairn. On quitte la voie normale de descente pour bifurquer et rejoindre le col de Freydane à flanc de montagne. On évite une descente puis une remontée sur le col.

Nous observons des bouquetins au col de Freydane.

Nous récupérons les affaires laissées sur notre lieu de bivouac. Olivier s’offre une sieste de quelques minutes. Je préfère prendre un peu d’avance. 

En contrebas du lac Blanc, nous avons un doute : ne sommes-nous pas en train de trop descendre ? L’application IGN (IPhiGéNie) nous rassure, nous sommes sur le bon chemin. Un moment plus tard, nous nous posons à nouveau la question. Il apparaît, cette fois, que nous avons manqué une bifurcation... sans doute juste après le précédent contrôle. Crétins des Alpes !

Au point où nous en sommes, il vaut mieux poursuivre jusqu’au fond du ravin des Excellences et remonter au refuge Jean Collet. Nous aurions dû y arriver en balcon. Bilan, 300 m de dénivelé positif en plus et une heure de perdue. 

Mon allure à la descente est relativement lente mais il me reste du jus pour la montée. J’arrive au refuge dix bonnes minutes avant Olivier. Je commande deux boissons fraîches, ce sera une consolation. 

Nous choisissons finalement l’option « vraie pause ». La discussion est sympa avec le mari de la gardienne. Il nous raconte qu’un guide haut-savoyard, qui ne connaissait pas le coin, est venu récemment faire la même course avec deux clients de la banlieue de Grenoble. Le guide a été agréablement surpris ! 

Nous arrivons au parking de Pré Marcel presque quatorze heures après notre départ du bivouac. 

Nous recommandons vivement la course.