08-08-2020
Ecrins
2200
1720
3881
TD
16h
1

 

Mardi 4 août :

discussion avec Jérôme pour trouver un objectif commun, la météo annonce grand beau temps chaud pour le week-end, on a tous les 2 posé le vendredi. On se décide finalement pour aller grimper au Refuge Dalmazzi (avec notamment en tête l'Aiguille de Savoie).

Jeudi 6 août 11h :

annonce de la fermeture du Val Ferret pour cause de risque d'effondrement de glacier, le refuge Dalmazzi est inaccessible, nous devons revoir nos plans ! Après de longues discussions, je propose finalement à Jérôme un de mes vieux projets : l'Arête Devies-Gervasutti au Pic Gaspard (TD), dans le grand Oisans Sauvage.

Vendredi 7 août :

montée au Bivouac du Vallon Claire en 4 petites heures depuis le parking de Villar d'Arêne. Les sacs sont lourds, on a prévu de la nourriture pour un 2ème bivouac éventuel à la redescente (ce qui s'avèrera une bonne idée...). Je connais déjà ce Vallon Claire pour y avoir été il y a quelques années avec Gus, Gat et David. C'est une première pour Jérôme. Nous pensions êtres seuls mais nous voyons bientôt redescendre une cordée de la traversée Meije-Pavé-Gaspard (qui nous annonce de très bonnes conditions dans la descente) puis une autre cordée avec pour objectif la même course que nous ! La vue sur la Grande Ruine est superbe, nous profitons de la relative fraîcheur et d'une nuit sous les étoiles ! 

Samedi 8 août :

à notre levée à 5h, l'autre cordée est déjà dans la voie, ils ont dû se lever 2 heures avant nous. Au moins, on ne se gênera pas ! Départ 5h45 après un petit déjeuner efficace. L'approche est courte (45 minutes) mais l'attaque est tout sauf évidente à trouver, le socle est une grande face sans passage vraiment caractéristique.

Nous prenons manifestement trop à gauche. Après plusieurs passages ben grimpants, nous rejoignons la voie par une traversée expo d'une centaine de mètres : cette erreur d'itinéraire nous aura fait perdre une petite heure. Nous finissons par retrouver le passage dans les rochers noirs en IV+ mais pour la suite, nous avons beaucoup de mal à faire correspondre ce que nous grimpons avec le topo...

Finalement, vers 13h, nous nous retrouvons au pied d'un ressaut extrêmement raide, nous ne savons plus trop où nous en sommes quand Jérôme lance "je me demande si nous sommes sur le bon fil". Quand au bout de 6 heures de grimpe, tu n'es pas sûr d'être sur la bonne arête, c'est pas bon !!!

Nous nous posons pour analyser la situation. Une vague vire 50 mètres plus bas semble permettre de traverser sur la droite : nous décidons donc de redescendre un peu et de traverser en espérant trouver la large cheminée étranglée en son milieu. Et 10 minutes plus tard, c'est le soulagement, Jérôme attaque la cheminée. Nous sommes bien dans la voie, dans le premier des "Ressauts Centraux". La cheminée est bien athlétique (IV ???) et exige quelques belles oppositions !

Nous nous retrouvons rapidement au pied du 2ème ressaut, qui constitue le crux de la voie avec ses 2 longueurs en V+, que nous avons prévu de passer en chaussons. Jérôme s'élance dans la première longueur : 30 mètres très raides avec 2 surplombs en rocher moyen, heureusement bien équipés ! Il s'en sort très bien mais quand vient mon tour, il ne parvient pas avaler la corde qui s'est coincée dans une fissure ! Encore 15 grosses minutes de perdues et une redescente de quelques mètres pour Jérôme pour décoincer la corde...

La 2ème longueur en V+ est pour moi, je ne fais pas le fier au pied de cette fissure raide et athlétique, d'autant que le topo ne précise pas s'il y a des pitons ! Mais finalement, ça se protège bien et je suis bien content de trouver un piton dans le passage clef.

Le 3ème ressaut en IV est encore bien grimpant avant une longue arête presque horizontale qui nous permet d'atteindre le sommet vers 17h45. Nous avons donc passé 11h dans la voie pour un horaire annoncé de 8 à 10h, c'est pas si mal vu les erreurs d'itinéraires.

Nous retournons au sommet du couloir de descente et commençons les rappels. Nous avons pris une corde multi label de 50 m et une cordelette back up line de 50m. Le terrain n'est pas trop raide mais tout se passe plutôt bien jusqu'à l'avant dernier rappel.

Je saute un relais à 20 m puis en arrivant en bout de corde, je trouve une cordelette autour d'un gros becquet excentré sur le droite. Ce sera notre dernier relais de rappel, je rajoute un maillon rapide. Quelques mètres plus bas se trouve un bon relais sur pitons.

Jérôme commence à descendre et j'entends rapidement "Cailloux !!!". Des dizaines de cailloux, dont certains d'un fort beau gabarit tombe dans l'axe du couloir. Ils passent à quelques mètres de moi et arrosent copieusement le relais sur pitons, qui s'avère être un véritable coupe gorge. Ouf ! La cordelette de 50 m a bien souffert de la chute de pierre et nécessitera quelques noeuds pour être encore utilisable.

Le dernier rappel permet de franchir une zone très raide et de rejoindre le glacier Claire que l'on descend d'abord longuement en marche arrière, vu le bon 45°... puis on enchaîne sur de belles pentes de neige entrecoupées de zones plus caillouteuses. Je commence à être bien fatigué, d'autant que nous avons manqué d'eau une partie de la journée. Jérôme, lui, cavale tranquillement, et je commence à m'inquiéter qu'il ne veuille se lever tôt le lendemain matin pour aller faire une grande voie dans la vallée ! Pour moi, le programme est clair : ce sera grasse mat' et resto !

C'est finalement vers 21h45 que nous retrouvons enfin notre bivouac. L'avantage avec Jérôme, c'est qu'il a encore suffisamment d'énergie pour aller chercher de l'eau et préparer le repas, qui sera très rapide pour moi, l'appel du duvet étant le plus fort... pour une nuit bien inconfortable, mon matelas ayant décidé de rendre l'âme !!!

Dimanche 9 août 9h :

"Bon là il faut commencer à se bouger sinon on ne trouvera plus de resto ouvert !". Malgré l'inconfort de la nuit, je ne me suis pas réveillé ! Petit déj. rapide et nous décollons vers 10h pour redescendre le Vallon Claire, bien paumatoire même de jour ! Nous perdons pas mal de temps et décidons finalement d'aller manger au Refuge de Chamoissière. Bière, omelette et salade, on profite du cadre très bucolique ! Là, a priori, il ne peut plus rien nous arriver !

C'est reparti pour la descente, Jérôme prend de l'avance... Quant à moi, au niveau des premiers virages en épingle, je commence à avoir des sensations bizarres : yeux qui brûlent, gorge qui démange, difficultés à respirer... J'éternue tous les 5 mètres... Quand j'arrive finalement au parking 20 minutes plus tard, mes paupières ont tellement gonflé que je n'y vois presque plus.

Nous partons en trombe vers la Grave, j'appelle le SAMU qui m'envoie vers une médecin de garde (qui s'avèrera être une ancienne GAULoise !).

Diagnostic : choc anaphylactique ! Elle me fait rapidement une piqûre d'adrénaline et je suis transféré en ambulance aux urgences de Briançon pour surveillance... De son côté, Jérôme récupère toutes mes affaires et rentre sur Lyon. Après quelques soins et beaucoup d'attente, ce sera finalement dans un taxi que je rejoindrai mon appartement vers 2h30 du matin !