21-05-2020
Vercors
TD
1

Je ne vous fait pas le topo : 2 mois de confinement, à tenir la forme avec un entrainement extrêmement strict à base de canapé, d'apero et de pizza. Un beau jour ensoleillé, et l'envie d'en démordre. Une envie de retourner en montagne, de tâter du beau rocher. Mais on se dit qu'on sera pas les seuls dans les starting blocs, et que la limite des 100km nous contraint quelque peu. je tombe alors sur le topo de cette voie, King Kong. Le décors est le suivant : dans le Vercors, entre les arêtes du Gerbier et le pic Cornafion que connaissent bien les Gaulois, une petite grande voie de 7 longueurs sur un rocher qui a l'air dément. Le niveau? 6b/6a+ obl. QUOI? 6B??? me répond Nico. Il n'a pas tord, ça pique pour une reprise. Mais le topo laisse entrevoir une voie aux multiples échappatoires, et à la longueur clé équipée pour passer en artif. Au moins, on devrait être au calme. Le laron n'est pas si dur à convaincre, nous voici donc parti. 9h, du monde au parking mais ce n'est pas encore la cohue. Le réveil matinal à piqué, on y étais plus habitué. la marche d'approche pique plus encore, ça aussi nos corps l'ont oublié. On croise en route deux sympathiques grimpeurs, qui partent dans la voie voisine. Ils connaissent bien notre voie, nous guide dans l'approche et nous vendent du rêve. "Vous verrez, la fissure est incroyable!". L'eau à la bouche, nous doigts frétillent d'en découdre. On se paye le luxe d'apercevoir un chamois et son petit. Nous voici arrivés, équipés, prêt à partir. Nico envoie la première longueur : un départ en 5a malcommode, et un petit pas un poil plus dur en sortie pour se réveiller. On est à l'ombre, et il fait pas bien chaud. Les doigts frissonnent. Je me lance dans la longueur suivante, un 6a en dalle. Il faut vite retrouver les sensations, parce qu'il n'y a pas grand chose pour tricher. J'ai l'impression d'y passer une éternité, mais fini par parvenir au relais. Nico suit proprement. Puis part dans la longueur suivante, un "5a avec quelques pas de 5c/6a". La voie contourne les murs verticaux et les zones trop dalleuses dans un cheminement intelligent. Mon camarade disparait à mes yeux, la corde se déroule. ce devait être une longueur de 35m, mais voici que le bout de corde m'arrive dans les mains. Je hurle "bout de corde", mais n'obtient aucune réponse. Quelques minutes, je fini pas démonter le relais et me lancer. je ne sais pas trop si on est corde tendue ou si Nico a pu s'installer à un relais, alors je fait gaffe. Pas de bol, le pas dur est juste après le relais. Il faut monter un pied très haut en adhérence pour jeter une main loin sur un bac salvateur. Je m'y reprends à plusieurs fois, retombe dans la corde. Je ne dois pas être corde tendue, sinon ça aurait couiné là haut. Malgré tout je suis tendu. Je fini par dépasser un relais manifestement loupé, et plus haut j'aperçois Nico. La longueur de 6c me fait face, effectivement c'est une belle dalle toute lisse. Notre contournement passe au dessus, mais il faut un pas de 6a+ physique pour l'attrapé. Je tombe sur un friend, puis un deuxième à côté d'un spit. "Bah mon cochon, tu voulait sortir la quincaillerie?" "non, j'avais plus de dégaines ...". Nico a réussi à construire un solide relais sur un spit renforcé d'un becquet et un friend. On a bien fait un peu de corde tendue. C'est ça de vouloir courir! Juste au dessus, une large vire confortable où on s'arrête au soleil prendre un petit casse-croute. Là, on peut soit réchapper par une sente, soit prendre la "sortie de secours", une longueur en 6a+ qui mène au sommet, soit continuer la voie par les 3 longueurs clés: 6b, 6b, 6a/a0. ça promet du lourd. On est quand même en mode petit bras, alors je m'apprête à proposer de ... "Bon bah tu me file le matos, je prends la première longueur!" "ha ... bah ... ok!" Et c'est parti pour le deuxième capitre de notre voyage. Vous allez voir que cette partie fait moins appelle à la finesse qu'aux biscottos du Gaulois affamé... Au dessus de nous, un mur raide, ponctué de nombreux trous que l'on devine assez fuyants. Il faut déjà prendre pied sur un gros bloc, histoire de trembler un peu pour ses vertèbres ... Dès le premier pas, Nico couine. Sèche. Tente. Grogne. Et atteint la dégaine suivante. Recouine, resèche, retente, regrogne, redégaine d'après. Et c'est ainsi, par petit sauts de puces, qu'il se hisse sur une dalle où il échappe à mon regard. Des jurons, je devine que ce n'est pas encore fini. Finalement, le signal me parvient, je me faufile dans ses traces. Premier pas, "ha oui!". Les trous sont pas si pire, mais systématiquement orientés dans la mauvaise direction. Bon, personne ne me vois? J'attrape la dégaine et me hisse à la suivante. J'artife jusqu'à apercevoir Nico et la dalle. J'essaye de faire bonne figure, mais c'est trop lisse. Je m'excuse, et empoigne la dégaine. Je fini par atteindre piteusement le relais. Impressionné, je demande à Nico comment il est passé. "Comme toi" me répond t-il. Bon, face à moi, la longueur mythique de la voie. Une magnifique large et profonde fissure horizontale qui surplombe une dalle lisse. Plus bas, plein gaz. Il s'agit de traverser jusqu'au relais suivant. Et déjà, les emmerdes : il faut déjà passer 3 dégaines en dalle ultra lisse pour pouvoir plonger le mains dans la fissure. J'agrippe la dégaine et me déploie de toute mon allonge pour parvenir à clipper le point suivant. Et ainsi de suite jusqu'à la fissure. Je n'ai plus un gramme d'énergie pour attaquer le mouv' clé, alors je continue à artifer, tantôt à bout de bras sur le dégaine, tantôt le pied dans une pédale. ça passe plutôt bien, même si je m'en veu de louper ainsi un mouvement si spécifique qui est le clou de la voie. J'arrive à une étroite plateforme de terre fuyante, où je m'accroupis pour faire venir Nico. Il a beau artifer tout comme moi, je doit reconnaitre qu'il fait ça plus joliment, et fait même le mouv' entre deux points. Plus qu'une longueur, il faut sortir de ce bombé en se hissant du relais dans la dalle supérieure par un pas d'artif (celui-ci est "officiel"). 3 pédales sur trois spits, puis une promenade emmène le grimpeur sur le plateau qui fait office de sommet. Nico s'est sort bien, je prends la suite et le rejoint là haut. Pfiou, c'est sorti. Sacrée séance de muscu, on en demandait pas tant! Petite pause bien méritée, on contemple nos voisins qui sortent de leur voie. Reste à rentrer au col vert par une magnifique traversée débonnaire, puis suivre les sentiers fréquentés par un monde fou, digne d'un métro en heure de pointe. Aujourd'hui, les courbature sont bien là mais je ne regrette pas cette petite ballade tonifiante! La voie est absolument magnifique, notamment cette fameuse fissure king kong, et mériterais d'être parcourue à nouveau dans des conditions plus optimales. A noter pour plus tard: la voie voisine " Côte Ouest", un poil plus accessible et qui semble tout aussi jolie.