19-04-2017
Mont Blanc
AD
Le frangin.

Certains me l'ont demandé puisqu'on peut en tirer quelques leçons, alors le voici : un petit compte-rendu de la tentative de "trilogie" ratée dans le Massif du Mont Blanc réalisée avec mon frangin du 19 au 23 avril.

L'idée initiale : enchaîner l'Aiguille d'Argentière, les Courtes et la Verte en 4 jours. L'objectif paraît tout à fait atteignable puisque la préparation de Lionel a été soutenue : ascension de la Montagnette (1972 m) dans le Vercors en février...

J0 (mercredi): on rejoint le refuge d'Argentière depuis les Grands Montets dans un froid polaire et sur une neige vitrifiée par endroit.

J1 (jeudi) : traversée de l'Aiguille d'Argentière 3895 m AD (couloir en Y -> Glacier du Milieu)

Départ glacial à 7h45. On se réchauffe petit à petit en passant au soleil et en faisant la trace dans une neige de plus en plus profonde. Les crampons sont enfilés, la rimaye et ses 2 petits ressauts de glace franchis, le temps pour un gendarme du secours en montagne de nous dépasser : "On se reverra sans doute, faire la trace va me ralentir...". On ne le reverra pas, malgré les 20 à 30 cm de poudre tassée...

Mais on a tout de même un rythme correct dans ce couloir de près de 500 m à 45 °. La fin se déroule sous une grosse corniche par la branche de gauche.

L'arrivée sur l'arête sommitale est magnifique. Reste une cinquantaine de mètres de dénivelés pour atteindre ce superbe sommet qui nous accueille tous les 2 pour la première fois aux alentours de 13h. Pas de vent, grand soleil, on profite.

Pour la descente, c'est d'abord poudre tassée sur un fond dur trafolé pas très agréable jusqu'à l'étroiture plus raide (40 °). Puis ça s'améliore et on peut profiter d'une bonne neige entourée de gigantesques parois granitiques : cet itinéraire du Glacier du Milieu a quelque chose de patagonien.

Retour au Refuge d'Argentière vers 15 h, bien content après cette première très belle course !

J2 (vendredi) : traversée du Col des Cristaux AD

La Face NE des Courtes nous a paru trop ambitieuse (800 m de couloir, soit 300 m de plus par rapport à la veille) pour cette journée où nous portons tout sur le dos puisque nous traversons sur le Refuge du Couvercle. On se rabat donc sur la traversée du Col des Cristaux, difficulté similaire mais "seulement" 500 m de couloir. Le gardien nous a renseigné : "Faudra peut-être tirer un rappel, mais ça passe bien". Je prend en photo cet itinéraire plus souvent emprunté en été après la Traversée des Courtes et qui permet de rejoindre le Bassin de Talèfre dans une face plein sud, en ce jour de redoux assez marqué...

Départ 6h05 du Refuge, on franchit la rimaye vers 8h30. Encore une fois, on doit faire la trace dans une neige par moment assez profonde, on n'atteint le Col des Cristaux que vers 11h, dans un vent glacial. Grand froid au Col, mais côté sud, le soleil est déjà bien présent, 20 à 40 cm de poudre tassée recouvrent une pente assez raide mais surtout très caillouteuse. On s'en doutait, ce n'est pas skiable. Le premier rappel est équipé, on a 2 brins de 60 m, on se dépêche.

Je commence à taper dans ma réserve de cordelette rouge (certains la connaissent, c'est celle qui fut bien utile dans un certain Col de la Barbarate) pour installer un 2ème rappel de 60 m. Puis c'est de la désescalade dans des pentes de neige qui nous amène dans un système complexe de vires et de barres rocheuses entrecoupées de langues de neige : l'été, des cairns indiquent le chemin, mais au printemps, ils sont sous la neige. Un 3ème rappel de 60 m nous mène sous un gros rocher (à ce stade, plus de cordelette rouge...).

Un 4ème rappel m'amène, en traversant un petit couloir, sur une arête mixte, au-dessus d'une barre qui semble très raide. Le frangin commence à me rejoindre quand une petite coulée sans danger traverse le couloir. On voit passer quelques purges dans d'autre pentes plus raides. Il s'arrête, on discute, il remonte sous son gros rocher.

Il est 14h, chacun de nous est à l'abri, on décide d'attendre le regel... On appelle le refuge pour prévenir qu'on aura "pas mal de retard". On assiste une bonne partie de l'après-midi à un secours dans un couloir voisin, plusieurs personnes sont hélitreuillées. Partout en face sud, des énormes purges dévalent les faces, sautent les barres et finissent sur le glacier. C'est à 18h30 que nous décidons de reprendre notre route, les purges en face sud ont cessé. Lionel me rejoint, j'essaye de traverser à flanc pour rejoindre un couloir plus facile mais la neige est encore médiocre.

On décide finalement de "tirer tout droit", Lionel sort sa réserve de cordelette. Après 2 rappels de 60 m dans une face parfois surplombante, on se retrouve sur le glacier de Talèfre. Le regel est déjà bien avancé, on contourne le Jardin de Talèfre, la nuit tombe, on descend vers 2500 m d'altitude sous le Refuge du Couvercle avant d'attaquer la remontée, conseillés par les gardiens.

C'est finalement peu avant 22h30 que nous rejoindrons le refuge du Couvercle. Deux litres de bière, une soupe bien chaude, un énorme plat de porc accompagné de crozets et un excellent dessert sont engloutis... Rassasiés et fatigués, nous rejoignons le dortoir au moment où le réveil sonne pour les prétendants à la Verte.

J3 (samedi) : récupération !

J4 (dimanche) : tentative à la Verte

Levée minuit pour une tentative à la Verte par le Couloir Whymper. 21 prétendants en cette belle nuit ensoleillée sans vent, dont 5 amis qui sont venus accompagner leur pote aveugle dans cette superbe course. Pour nous, elle s'arrêtera vers 2h du matin quand Lionel dira qu'il "ne le sent pas", à peu près au même endroit que quelques années auparavant.

Un retour express au refuge, un dodo jusqu'à 7h30 puis une redescente très sèche sur la Mer de Glace nous permettront d'atteindre vers 14h30 la Crèmerie du Glacier à Argentière et ses fameuses Croûtes, contents de ces magnifique journées passées tout Là-Haut...