23-09-2018
Valais
1800
2000
3830
AD
Sylvain
1

Il est 4h, Lyon ne s'éveille pas encore, les travestis ne sont pas encore rasés, que les 4 garçons se retrouvent ce vendredi matin. Ils prennent la route de l'est, passent sous le Mont-Blanc et découvrent un grand ciel bleu qui réchauffe l'Italie. Lorsque le moteur se coupe, sur un parking de Breuil-Cervinia bien trop vide, déjà il les écrase de sa prestance. Qui est-il? Un de ces sommets qui habite tant de contes qu'il est un mythe à lui seul, faisant rêver générations de grimpeurs, d'alpinistes, de randonneurs ou de simples rêveurs de montagne. Sur ses flancs se sont écrites de grandes pages de l'histoire de la Montagne, et ses voies "normales" plus accessibles mais-quand-même-pas-donné-sinon-c'est-pas-drôle constituent un objectif pour nombre d'entres eux. Mais qui est-il, ce maître des lieux?

Le Cervin, bien sur!

Les 4 garçons d'équipent, mangent un morceau, soufflent un peu, et les voilà qui s'élancent pour une très longue approche. Il est 9h. Un téléphérique permettrait de gagner 500m sur l'addition, mais en cette saison il est fermé. Il faut donc avaler 800m d'une route roulante et agréable, que l'on rythme par un sentier qui en coupe les lacets. L'arrivée au refuge des Abruzze se fait sur les coups de 11h30. Une pause face à la bâtisse fermée. Chacun constate que cette montée s'est plutôt bien déroulé, la forme est bonne. Tant mieux, car ce n'était qu'une mise en bouche. Il faut à présent quitter ce chemin bien marqué et s'élancer dans des pentes plus raides et moins "randonnantes".

Il n'y a pas grand monde dans la montagne ce vendredi. quelques randonneurs et une ou deux cordées qui redescendent, bredouille, de là haut. Les 4 garçons peuvent avancer à leur rythme, qui s'avère relativement lent mais régulier. Ils ont la journée devant eux, il ne faudrait pas brûler toutes ses cartouches maintenant. Mais qui sont ils ces 4 garçons? Rémi, l'instigateur de ce périple. Sylvain, le compagnon de >7000 du premier. David, qui porte avec lui Alpinix la mascotte. Et Romain, le conteur de ces lignes. Les présentations sont faites, retournons à notre récit. Le sentier disparaît dans un pierrier, et amène à buter contre une première difficulté. Une brèche qui s'escalade facilement, mais oblige à mettre les mains et faire quelques pas. Au dessus, des kairn indiquent la route. Il faut monter, et souvent buter sur de petits ressauts qui obligent à poser les mains.

Un torrent, résultant de la fonte d'un glacier/névé situé plus haut, permet de faire de l'eau. Car plus haut, d'eau il n'y aura plus. L'idée de s'alourdir dès maintenant de plusieurs litres chacun n'enchante guère les 4 garçons, alors on prends à parti une cordée qui descend, l'air fatigué. Celle-ci baragouine quelque mots pour expliquer que de l'eau, on en trouve plus haut, sous un rocher blanc un peu à l'écart de la trace. Noté, ils ravitailleront plus haut. C'est long, ça monte et ça n'en fini plus. Puis vient enfin la traversée vers le col du Lion. Traversée sur une sente facile mais dans un terrain scabreux et très exposé au dessus de barres rocheuses.

Voici le col du Lion, le refuge n'est plus très loin. Mais un nuage vient prendre les 4 garçons, la visibilité chute tout comme la température. Au col, on s'encorde et on s'équipe. A partir de là, parait-il, ça grimpe. Mais en vrai, c'est une erreur: mieux aurait-il valu s'encorder plus haut: un micro ressaut qui ne se protège de toute façon pas, et de nouveau une sente scabreuse mais facile. La corde est plus une gène et un danger qu'une aide et une sécurité. Un lacet, un névé et les 4 garçons se rendent comptent que d'eau, ils n'ont pas trouvé. à l'écart de la trace, une dalle humide en de nombreux endroit. On installe quelques bouteilles sous les goûtes dans l'espoir de les voir se remplir. Peine perdue, au bout de 10 minutes et face à la radinerie de leur récolte, les 4 garçons repartent vers le refuge. Puis voici les fameuses cordes du Cervin. A partir de là, c'est facile mais ça grime pour de vrai. Et surtout, c'est très physique. David se lance en tête dans le ressaut le plus dur, une corde à la verticale sur 7/8m sur un mur bien lisse. Puis, enfin, le refuge Carrel, à cheval sur l'arête.

Celui-ci est quasi-vide: un homme peu bavard à l'air absent, et une cordée Française constituée d'une jeune guide fort sympathique. Il est 16h30, les 4 garçons sont exténués, et pour cause: ils viennent de gravir 1800m depuis le bas. Le refuge n'est pas gardé, et les différentes cordées précédentes l'ont laissé dans un état lamentable: pleins de déchets au sol, couvertures non pliées ... Il faut faire de l'eau, Rémi s'y colle en tirant un rappel au dessus de la face nord pour aller chercher de la neige. Les 3 autres garçons participent à l'entreprise en se glissant sous une couverture pour un sieste. Ce n'est pas la bonté qui les étouffe! 19h, la sieste s'interromps, il faudrait peut être faire à manger? On fait bouillir l'eau, chacun sort ses victuailles. Pour ma part, c'est difficile, chacun coup de fourchette mobilise toutes les forces. Et d'un coup, je me lève et sort dehors. je repeins la face coté Italien du contenu de mon estomac. Décidément, pas la forme, ça compromet mes chances pour demain si je n'arrive pas à reprendre de l'énergie ce soir. Par ailleurs, un constat s'impose: nous sommes pris par les nuages et une petite couche de neige tombe pendant le repas. On décide donc d'un réveil à 5h pour un départ à 6h: inutile de partir trop tôt dans ces conditions.

Toute la nuit, un vent terrible souffle, le refuge grince et craque, c'est la tempête dehors. Un œil s’entrouvre, il est 5h30, comment se fait-ce? Tour de dortoir, chacun est réveillé et pourtant aucun ne bouge. étrange. Sylvain fini par se lever pour aller aux nouvelles. Et elles ne sont pas bonnes: dehors, un vent terrible souffle, la petite couche de neige et son verglas sont toujours là. Quand aux deux cordées très expérimentées avec qui les 4 garçons ont partagé la nuit, elles attendent que le jour se lèvent pour partir: "ça va bastonner sévère dans la voie". Personne ne dit rien, et pourtant tous restent au lit: la messe est dite.

Finalement, à 8h, il faut bien penser à faire quelque chose. Je me lève le premier, et sort sur la terrasse. Je suis bien mieux ce matin, le ciel est dégagé. je regrette un peu notre décision, car ça souffle pas si fort. Je fait le tour de la terrasse pour contempler le coté suisse. Et là, un vent terrible me rappelle à la raison: en fait, pas de regrets, ce n'était que le refuge qui me protégeait. Effectivement, sur l'arête ça doit bien bastonner! Ont fait bouillir de l'eau, chacun se lève. David est frigorifié et aujourd'hui, c'est Rémi qui n'est pas du tout en forme, malade et incapable de manger. Décidément, ces 4 garçons sont de sacrés éclopés.

Histoire de ne pas être monté pour rien, les 4 garçons font le ménage dans le refuge en pensant à leur bien aimé secrétaire Thierry, qui serait fier d'eux! Puis ils s'élancent dans la descente, il est aux alentours de 9h30. Et déjà, cette retraite pends des airs de récit Himalayen. L'arrête est verglacé et une vraie soufflerie rends pénible la communication et les manipulations. En contrebas, la face nord et les glaciers Suisse rappellent qu'il vaudrait mieux ne pas zipper. Les 4 garçons dans le vent privilégient des rappels peu efficaces mais plus sécurisant à une désescalade exposée. Heureusement, le coté Italien est (un peu) abrité du vent et ensoleillé. Déjà ils croisent les premières cordées qui montent du bas, avec l'idée d'atteindre le sommet dans la journée. Souvent ces cordées sont des hommes seuls, des fois même en basket ( !!! ).
Ils repassent le col du Lion, puis une pause sur un éperon ensoleillé leur permets de souffler. Le terrain est exposé mais la descente ne présente plus de difficulté majeure. Il faut juste avaler, pas après pas, en trouvant un rythme suffisamment doux pour épargner les genoux. La perte d'altitude fait regagner à chacun du poil de la bête. Les cordées croisée en sens inverse sont de plus en plus nombreuses. Le refuge sera plein, c'est sur. Il faut donc vraiment éviter l'endroit les weekend, même hors saison.

A 16h, voici le parking. Longue journée encore. Ne même pas partir du refuge, ce pourrait être un but très humiliant, si l'accès au dit refuge n'était pas déjà une course AD en soit. Les 4 garçons ne sont donc pas si mécontent de ces deux jours passés à tutoyer le Cervin, et ne rêvent que d'une chose, c'est de revenir pour ajouter une étape au périple. Une nouvelle stratégie sera nécessaire, partir tôt de Lyon pour enchaîner avec les 1'8 de montée était une erreur. Une option avec une nuit à Breuil voir au refuge des Abruzzes semble une meilleur alternative pour éviter cette épidémie de mal des montagnes.

Le Cervin aura rappelé aux 4 garçons que quand on est pas un surhomme, il faut parfois savoir prendre son temps. Et les 4 garçons de lui répondre que si surhomme ils ne sont pas, rêveurs à voix haute ils demeurent et remercient le maître des lieux d'être ce qu'il est, un sacré morceau de montagne!