16-03-2019
Belledonne
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1930
2050
AD
1

 

L'aventure se déroule sur mon premier.
Mes deuxièmes (É., F., P.) en sont les vrais protagonistes.
Mon troisième (S.) s'y comporte de façon navrante.
La lecture confortable du monologue intérieur du quatrième (J.), que non sans quelques réticences nous rapportons ici verbatim, suppose le maniement fluide  de discours à degrés multiples.

Après moult hésitations la sortie « goulottes » du week-end a fini par s'organiser. La météo a bien fait les choses car seul le samedi était finalement correct (voire carrément beau) et qu'un dimanche plutôt mitigé consacré aux les Foulées de Villeurbanne n'était finalement pas un si grand sacrifice.

É. avait parfaitement fixé le cadre : « Allez hop !! Sortez les tubas les garçons !! » Ce week-end on fait de la brasse !!! ». Et toute l'équipe de dévaler à raquettes le couloir de la Casse Rousse (oui, on l'a joué peinard, par le télécabine de la Croix de Chamrousse).

Sur le site nous ne sommes pas seuls. D'autres viennent dans le Bloc coincé et, plus loin, un stage FFME, auquel participe une Gauloise, part faire Timoté

Au pied de la goulotte, la situation était conforme : beaucoup, beaucoup de neige tombée la veille sous laquelle on trouvait beaucoup, beaucoup de caillou, presque pas de glace et les ubiquitaires mottes d'herbe typiques des goulottes belledonnaises. Sur le plan sonore ça donnera plutôt des « cling » et des « crouic » que des « tchoc ». Sur le plan économique, ça fera du boulot pour les affûteurs. Deux cordées : É.-J., P.-F.-S.

É. se lance (sans tuba mais avec détermination) dans un exercice mixte de récurage à fond de la face plâtrée et de progression sur supports variés (neige plus ou moins pourrie, rocher, mottes d'herbe et, anecdotiquement, glace). L'assurage, est essentiellement végétal : des pins offrent aimablement des troncs de toutes sections à nos sangles. Les fissures à friend complètent le décors.

À nos pieds, les skieurs et surfeurs de piste déboulent dans le couloir avec des fortunes et des styles divers. Quelques hurluberlus à ski de rando le remontent à contre-sens, parfois pleine piste, généralement pour accéder aux autres goulottes du secteur. Les deux mondes ne sont pas loin de la rencontre percutante mais seuls des horions seront finalement échangés.

Après une bien copieuse première longueur (50 m), relais (inconfortable) sur… deux pins.

En effet, après avoir sournoisement manœuvré en amont pour me retrouver sur la corde d’É., il ne restait plus qu’à écarter les 3 autres lascars de la sortie pour être pépère avec elle. Sous prétexte de re-traçage dans la fraîche, d’encrage de pied, de décrochage général, de nettoyage de rocher…, j’ai arrosé P. toute la 1ère longueur. Rien n’y a fait, le bougre est resté aussi bien cramponné à la goulotte que ses sphincters. Je me devais d'envisager une autre solution. Attendre le 1er relais et s’en prendre au matos. Peu glorieux comme méthode mais diablement efficace.

Et c'est là que tout bascule pour la deuxième cordée ! É. & J. repartent pour la suite. Mais lorsque P. s'apprête à les suivre, un S., un peu paniqué, annonce qu'il ne retrouve pas son deuxième piolet. F. et S. fouillent en vain la fraîche alentour. Apparemment, il a filé à l'anglaise. Retour bredouille d'une petite descente de 10 m sous le relais.

Enfin seul avec Elle. J’attaque à fond la seconde longueur. Au bout de 2 m, je lève le pied, au bout de 3 m, c’est l’arrêt au stand. « P’tain comment elle est passée là, bordel, c’est que de la roche, et en plus , elle se débrouille pour faire ça quand y a de la neige… pas futée ! » . J’arrive enfin au relais. Je me suis cru dans un épisode de Rancho en goulotte ( j’ai découvert la web série dans la bagnole). La vision. La nana, topless au soleil, enfin en brassière, disons en tee shirt. OK, je me projette un peu, elle avait simplement remonté les manches de sa veste et posait les Ray-Ban sur le nez pour m'assurer. Je la rejoins, elle m’attache direct au relais. Je me dis « Hou-là, ça part fort ». Mais là, gros râteau, elle repart immédiatement.
- On va essayer de ne pas trop traîner, Jérôme, pour éviter qu’ils poireautent trop.
- Mais non, t'inquiète, prenons le temps de faire connaissance É. Je t'assure, Ils sont heureux là-bas, entre potes, décontractés…, à trifouiller dans la neige.

Après un bref conciliabule, la deuxième cordée décide de battre en retraite. Les pins que nous avions trouvés si commodes à la montée deviennent, à la descente, en autant de pièges à corde. Embrouilles à tous les étages qu'il faut patiemment démêler. Tiens, à mi-longueur, un piolet bêtement planté dans la neige… La journée n'est pas complètement perdue. Casse-croûte au pied de la voie, dans une douceur solaire bien agréable pour ruminer sa frustration. Alentour la neige s’écoule tranquillement des arbres et des rochers.

La 3e longueur est plus tranquille. J'ai quand même crocheté une fois ou deux une dégaine pour passer un petit ressaut en faisant gaffe qu'elle ne me voit pas. La suite se termine en petite course d’arête. Corde tendue.
- Je te préviens J., je vais être un peu chiante avec ça. Je prends un rythme et tu restes corde tendue.
- Oui, oui, je lui réponds le nez dans ses talons. Dès que je fais mine de m'approcher un peu trop, elle me renvoie dans les cordes. Que des râteaux, je vous dis.

J'ai quand même gagné une vue superbe dans cette affaire. A 360° par ce beau samedi de réchauffement climatique. Tout y est, le Mont Blanc devant, la mer derrière, ces feignasses de skieur de piste en contre-bas, on devine l'Océan sur la gauche, l'Australie…

Regroupement général avec É. et J. après leur ascension victorieuse de l'éperon. Il est déjà tard. Les pisteurs fatigués font la fermeture en houspillant quelques « pisteux » attardés.

Après une hésitation, on boit tout de même un coup à la station en profitant des derniers rayons du soleil.

Retour un peu laborieux (tout de même égayé par les Cowboys fringants) et arrivée sur le parking de Bron vers 20 h (Ah, tout de même…).

S.-aux-doigts-de-caoutchouc doit une revanche sur l'Éperon de gauche à ses frustrés mais bien élevés (très, très raisonnable dose de moqueries en regard de la taille de la boulette) compagnons de cordée F. & P. Mais au vu des conditions, ça risque d'être pour l'an prochain…

Encore un grand merci pour tout à É. !