18-07-2020
Mont Blanc
4000
1100
4810
PD
24h
1

LES ORIGINES

Comme tous les Gaulois le savent, le 15 juillet fut un jour très spécial ; Nico fêtait ses 39 ans ! A ce moment-là en vacances dans le nord, je me suis alors demandé quel beau cadeau je pourrais lui faire. Comment combiner toutes les globules acquises à Bruges et à Lille, et le foncier issu des Carbonades Flamandes et autres Welsh, avec l'amour de Nico pour les grosses bavantes à pied, les crevasses et l'histoire de la montagne ? La réponse était évidente ; l'emmener faire le Mont Blanc, à pied, sans prendre de benne, et par la voie de ski !! Le bientôt 40tenaire a évidemment tout de suite adhéré. Un temps pressentis pour nous accompagner, Manu et Sarah ont finalement abandonné (sans doute un peu tendres si vous les connaissez bien... Je leur ai plutôt conseillé l'ascension du Sénépy...). Mon Nico avait bien quelques doutes, comme le passage de la jonction mi-juillet, la présence d'eau au refuge, ou la présence de glace sur l'arête N du Dôme. Je l'ai immédiatement rassuré, de manière très pédagogique, en lui répondant respectivement ; "t'inquiète", "t'inquiète", et "t'inquiète". Et parce que, pour citer un grand alpiniste, « en montagne, on ne part jamais trop tôt », nous décidons un départ vendredi matin à l'aube, vers 11h30, du hameau du Mont.

 

LA COURSE

Comme je sais que mon Nico aime s’échauffer avant l’effort, nous commençons par 1600m de montée en grosses sur sentier pour rejoindre la jonction ; il était déjà tout heureux ! A l'arrivée à la jonction, c’est le paroxysme ; aucune trace de passage ni d’alpiniste, un brouillard qui va et vient, un peu de neige sans consistance qui cache parfois les trous, et surtout un chaos monumental de glace, des fines arêtes reliant des gros blocs, des craquements incessants du glacier et quelques chutes de séracs à intervalles réguliers.

Comme je sais que mon Nico aime être poussé au-delà de ses limites, je fais peu de cas de ses timides protestations. Encordés à une bonne 20aine de mètres, nous nous élançons gaiement dans ce merdier, qui nous réserve quelques pas à la poutre digne des meilleurs gymnastes. Le plus dur est sans conteste de rejoindre, depuis le rocher, le replat venant du plan de l’aiguille. 800m plus loin (2h30 plus tard), nous mettons pied sur la moraine. A 19h enfin, nous arrivons au refuge.

Comme je sais que mon Nico aime boire, quelque soit le flacon, c’est tout heureux que je lui annonce la présence d’une énorme gamelle remplie d’eau du toit au refuge ! Tout se passe vraiment pour le mieux ! Bizarrement, ce n’est pas la foule au refuge ; nous ne sommes que 7, et surtout nous sommes la seule cordée en partance pour le sommet le lendemain !

Comme je sais que mon Nico ne craint pas le confort, j’ai prévu une soirée grand luxe ; il fait chaud et sec, il y a même des couettes, et ma quiche aux brocolis est parfaitement assaisonnée. Réveil 6h après notre arrivée, à 1h donc, enfin, réveil pour moi et lever pour Nico qui signait là une jolie nuit blanche, me laissant ainsi le loisir de pioncer, une bien belle solidarité de la part d’un ronfleur, dont certains présidents de clubs pourraient s’inspirer !

Comme je sais que mon Nico n’aime pas se presser, nous partons 1h après le réveil, donc à 2h. La nuit est claire, le regel semble excellent, il n’y a pas de vent ; les conditions sont vraiment excellentes.

Comme je sais que mon Nico adore les crevasses, nous entamons la traversée jusqu’à la base de l’arête nord du Dôme, avec certaines difficultés à garder la trace, peu formée ; nous avions d’ailleurs remarqué la veille qu’elle frôlait de véritables cathédrales, et traversait quelques belles crevasses tout à fait évitables, mais la nuit, impossible de savoir à quel endroit exactement, on se contente donc de zigzaguer en tendant la corde au maximum, et en se faisant léger.

Comme je sais que mon Nico peut vite s’ennuyer dans la facilité, je suis tout à fait heureux lorsqu’un premier ressaut en glace à 45°, pas vraiment habituel si on en croit le topo, apparait devant nous, entre une énorme crevasse barrant l’accès à l’arête, et le versant E de l’arête tombant à pic sur notre gauche. Je le suis encore plus lorsqu’on se rend compte que l’intégralité de l’arête est en glace, cachée sous 4cm de neige sans consistance.

Comme je sais que mon Nico aime changer les habitudes, c’est le prof qui pour une fois subit l’interdiction. L’interdiction de tomber bien sûr, n’ayant pris que 5 broches, nous montons donc à corde tendue sur ces 250m autour de 40° (de 3550m à 3800m), encordés à 25m, avec en permanence 1 broche entre nous, dans cette belle glace noire bien cassante. Les alpinistes riront… Mais pas mon Nico <3. Un relais sympathique sur piolet (3cm de lame environ) lui permet de me rendre les broches en cours de route, au moment où la montagne s’embrase, et je crois qu’on peut parler là d’un beau moment de complicité, voire d’intimité.

Comme je sais que mon Nico aime la dépense physique, nous attendons la Pointe Bravais pour faire enfin une pause, afin d’être sûrs que les mollets chauffent vraiment bien, que le lever de soleil (exceptionnel soit dit en passant) soit totalement fini, et que la fringale soit déjà bien prononcée.

Comme je sais que mon Nico aime la découverte, je l’emmène au-delà des 4000m en Europe pour la première fois, et en effet il découvre plein de choses, le mal de crâne, le mal-être, la nausée, enfin le MAM quoi, tout cela en arrivant au Dôme du Gouter battu par le vent, un vent qui semble vraiment vouloir arracher les cordées engagées sur l’arête des Bosses.

Comme je sais que mon Nico aime prouver sa valeur, et sa ténacité, nous continuons vers le sommet ; qui sait, il peut même découvrir le stade supérieur du MAM ! Arrivés au sommet, 24h après notre départ du Mont, peu de photos, beaucoup de vent, il semble plutôt vouloir redescendre rapidement ; quel dommage, après tant d’efforts consentis pour monter sur ce fameux Mont Blanc !

Comme je sais que mon Nico ne sait pas quoi faire de son salaire mirobolant, nous nous arrêtons au Gouter pour 2h ; une petite sieste, un bout de comté, mais surtout une bouteille d’eau à 7€. (Pour info ma thérapie est toujours en cours, je rentre actuellement dans la phase d’acceptation). Ce petit chalet pittoresque est cependant trop haut pour que le MAM s’estompe réellement. Nous continuons donc la descente vers Tête Rousse, revigorés mais pas tant.

Comme je sais que mon Nico aime les jeux de hasard, je trouve parfaitement opportun que l’on traverse le couloir du Gouter à 16h environ. C’est double victoire et un taux de 100% de vivants à l’arrivée en rive droite. La descente sur le névé de Tête Rousse est fort agréable en ramasse, puis le tas de caillasse jusqu’aux Rognes l’est un peu moins. Mais le bougre reprend du poil de la bête !

Comme je sais que mon Nico reprend toujours du rab à la cantoche, c’est avec plaisir que je lui fais prendre à droite vers le Décrochoir, au lieu d’aller en direction du Nid d’Aigle, dont nous avions loupé le dernier train ! Là, il peut profiter d’une splendide descente dans des éboulis raides au-dessus de barres rocheuses, de traversées de névés raides et expos, afin de rester dans cette belle ambiance qui met du baume au cœur.

Comme je sais que mon Nico, autant que les bavantes à pied, apprécie la gente féminine, je lui accorde finalement une légère entorse à l’éthique « human powered » et c’est Elisabeth et Solène qui viennent nous chercher aux Houches, à 21h, après 3600m de descente, pour le plus grand bonheur de mon compère, nous évitant ainsi une traversée de la campagne jusqu’au Mont ! UN GROS BIG UP A ELLES !!!!

 

LES ENSEIGNEMENTS

Quel beau bilan que ces 4000m de dénivelé, sur les traces historiques de Balmat et Paccard, avec un superbe sommet à la clé, une éthique quasiment irréprochable et une ambiance toujours au beau fixe dans la cordée !

Ah mon Nico, j’ai hâte que tu fêtes tes 40 ans, pour lesquels je préparerai une sortie vraiment particulière ; ouvrir une voie en Chartreuse, revisiter le Pilier Bonatti aux Drus en mode post-éboulement, ou encore gravir la sereine Face N de l’Annapurna, toujours pour rendre hommage aux pionniers.

Ce week-end ayant éveillé chez moi une sorte de vocation, j’en profite pour vous passer un message à tous ; Si vos proches fêtent leur anniversaire, je me ferai un plaisir de leur organiser un week-end de rêve, en concordance avec leurs goûts et leurs passions ! Faire plaisir me fait plaisir !

Enfin, je réitère le big up à Solène et Elisabeth, qui ont probablement sauvé, sinon la vie, le mental de Nico, et nos pieds à tous les 2. Les sablés et la citronnade à l’arrivée, que dire de plus ? Je m’occuperai personnellement de vous faire un week-end personnalisé les filles ! Ou peut-être juste un coup à boire…

 

POST-SCRIPTUMS IMPORTANTS

PS : Vous l’aurez compris, il y a de très légères exagérations dans ce CR. Cependant je tiens à souligner que, si les difficultés rencontrées feront sourire des alpinistes expérimentés, on ne peut pas considérer cette ascension du Mt Blanc comme une rando glaciaire. La jonction était vraiment à la limite du franchissable sur 2 ou 3 sections (aucune photo n’en rend compte comme il faut), et l’arête N du Dôme en glace couplée à l’altitude et au dénivelé du 2e jour en font une vraie course d’alpinisme sur cette 2e partie de juillet. Pensez-y, bande d’imprudents !

PS2 : Le décor est quand même monstrueux. L’arrivée à la jonction est mémorable, surtout en étant à la limite des nuages. Ce refuge des Grands Mulets est vraiment fou, pas au point de l’Aigle mais dans la même veine (blindé de skieurs, ce doit être différent). Le départ de nuit avec la vallée et les bagnoles à portée de main est très atypique. Et enfin la sortie de l’arête N du Dôme fait vraiment rêver, au lever du jour, c’est un décor de très haute montagne dont on a peu l’habitude en Oisans…

PS3 : Bravo mon Nico ! Ah je me moque mais t’as été sacrément courageux ! Promis, la prochaine… Ce sera à ski !