27-06-2021
Mont Blanc
AD
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Ce weekend commence par une déconvenue : quelques errements dans la gestion de nos agendas respectifs nous amènent à revoir nos plans. Nous n'avons que deux jours à occuper, il nous faut donc trouver quelque chose de joli pour aller prendre l'air. Les conditions de neige en ce début d'été sont très encore très bonnes, alors je ressort de sous la pile des "course à faire absolument le weekend prochain" constituée il y a de ça des années une belle classique du massif du Mont Blanc. Le Chardonnet est un très joli sommet, qui s'aligne avec l'Aiguille d'Argentière pour marquer la frontière entre le glacier d'Argentière et le glacier du Tour. Il offre deux itinéraires de grande classe qui figurent au rang de classiques : l'arête Forbes et l'Eperon Migot. C'est ce dernier qui retiens notre attention.

Le refuge affiche complet, alors nous nous partons sur une option bivouac. Il est clair que nous ne serons pas seuls là haut ... Passé la petite triche des remontés mécaniques, l'accès au refuge se fait par un sentier en balcon joli et sans grandes difficultés. Des nuages bas obstruent la vue sur notre objectif du lendemain. Arrivé au refuge, on se mets en quête d'un emplacement où passer la nuit. L'affluence et la neige encore bien présente rendent l'entreprise plus longue que prévue. Nous finissons finalement par jeter notre dévolu sur une place forme couverte de mousse, que nous terminons d'aménager. Ce choix ne s'avérera pas optimal à la lueur d'un mal de cul nocturne qui nous assaillira tous les deux. Je vais me ravitailler en bière au refuge et demander quelques conseils au gardien. L'heure de réveil? 2h? Ha oui c'est tôt, j'imaginais partir un poil plus tard. Mais bon, on va pas commencer à improviser. Repas vite envoyé, réveils réglés, nous voilà à chercher le sommeil alors que le soleil nous éclaire encore sacrément. Tout juste profitons nous de la vue qui se dégage enfin avant de sombrer.

2h, nous voici réveillés. Aucun bruit autour de nous, je crains même avoir mal compris l'horaire dans le brouhaha. On déjeune, rangeons nos affaires et nous préparons à partir. Quelques frontales sur le glacier me rassurent quant à mon audition. La nuit est claire et la lune pleine. Mais celle-ci est juste au dessus de notre objectif, et parviens à nous éblouir d'un contre-jour nocturne. Plutôt que de couper droit dans le glacier, nous remontons celui-ci par sa rive droite. Le regel un peu médiocre s'améliore à mesure que l'on prends de l'altitude. J'ai quand même le temps d'avoir une jambe qui passe dans une crevasse, sans gravité si ce n'est la casse d'un bâton tout neuf qui n'apprécie guère la torsion que je lui fait subir dans ma chute. A l'attaque, une pause bienvenue nous permet un coup d'oeil dans le rétro : les accès à l'aiguille du tour s'illuminent telle une jolie guirlande, et pas si loin de nous l'accès à l'arête Forbes attire de nombreuses cordées. Mais sur notre itinéraire, une cordée devant nous et une autre derrière nous. On devrait être plutôt tranquille.

Le passage de la rimaye nécessite de grimper un petit mur de neige, sans grande difficulté. Il faut ensuite retraverser dans la neige jusqu'à l'attaque de la première goulotte. Celle ci est en partie déneigée et n'offre là encore pas de grandes difficultés, si ce n'est d'essayer de ne pas bombarder les suivants. Sorti de celle-ci, nous arrivons sur la première pente de neige. On se fait doubler par la cordée de queue, bien rapide, et nous même dépassons les premiers. L'ordre des groupes s'est inversé, et il restera ainsi : pas de reprise de l'échappée à prévoir dans cette étape de montagne.

La première section en neige s'avale facilement : de bonnes marches ont étés creusés, il suffit de mettre un pied devant l'autre. Prudence tout de même, on a déjà pris un peu de hauteur et nous surplombons de jolis séracs. Nous arrivons au second ressaut. Peut être qu'en suivant bêtement les traces, nous ne passons pas au plus facile, mais ça grimpe quand même. Nous sommes un peu surpris par la difficultés inattendue. Malgré tout, ce mixte est très joli. Le rocher est superbe et l'ensemble se protège assez bien. Il faut réfléchir au cheminement et plusieurs fois Rémi, qui est en tête, doit faire marche arrière pour essayer un autre passage, sous mes conseils de second flemmard qui a bien envie d'aller au plus simple. Il me faut avouer que la flemme n'est pas la seule à mettre en cause : le manque de forme et d'acclimatation me poussent dans les retranchements. Finalement, on décide d'arrêter de suivre nos prédécesseurs et de traverser par une vire expo pour rejoindre les pentes de neige.

Là, l'arête ne semble plus très loin. Alors on avance. A la faveur d'une pause, je reprends la tête. C'est un combat mental qui s'installe: oublier les mollets et les poumons qui crient "grâce!" et avancer coûte que coûte vers le haut. Mais à chaque fois que l'on relève la tête, on découvre un objectif toujours aussi loin. L'enfer des courses de neige... Là encore, les conditions sont excellentes. Quand la neige est plus molle on trouve d'agréables marches, et sur le haut, on passe sur une neige dure qui recouvre un peu de glace. Les marches disparaissent mais les piolets ancrent divinement bien. Nos prédécesseurs sortent par une pente à droite du sommet, nous préférons rester dans les traces à gauche. Arrivée sur l'arête à 8h45, un dernier ressaut rocheux offre un dernier pas d'escalade assez physique. Et à 9h, c'est le sommet.

Quel bonheur d'être là haut! L'éperon sous nos pieds semble tout écrasé par la perspective, mais nous savons de quoi il retourne. Sur l'arête Forbes, nous n'apercevons pas de cordés. Est on les premiers ou les derniers? On s'inquiète tout de même pour les collègues qui nous suivaient. Ils étaient juste derrière nous dans le second ressaut rocheux, mais aucune trace d'elle depuis 1h. On finira par les apercevoir s'engageant dans la pente quand on sera dans la descente. Là, le temps n'est pas incroyable. De gros nuages cachent la chaleur du soleil, et un vent assez forte souffle sur les cimes. C'est assez désagréable et aussi un peu inquiétant, alors on ne perds pas trop de temps et nous engageons la descente.

Celle-ci est assez fastidieuses. Il faut emprunter d'abord une arête en neige (en se méfiant de ces grosses corniches), puis s'engager dans des pentes de neige pas très raides mais assez expo. En suivant les traces, on fini par arriver en haut d'un couloir encaissé formé par de nombreux blocs empilés dans un équilibre plus ou moins précaire. Le premier relais nous apparait pas très sur, alors on préfère désescalader. Une fois dans le couloir, je découvre un festival de relais. Il y en a partout. Il y a à boire et à manger, certains paraissent surs, d'autres ne mériteraient même pas qu'on y suspende un saucisson. On trouve quand même notre bonheur pour enchainer 3 ou 4 rappels de 30m qui nous ramènent sur la terre ferme, au niveau du col Adams Reilly. Cette arrivée correspond à une éclaircie bienvenue, et le fait de basculer sous la crête nous abrite du vent. Plaisir de prendre une petite pause, avant de descendre le glacier.

Cette descente s'avère assez longue, avec plusieurs pentes bien raide à descendre et des rimayes très hautes à passer. L'arrivée au refuge, et la remontée sur la moraine pour reprendre nos affaires fini d'achever notre forme. Le sentier du retour se fait à un rythme sénatorial, largement suffisant pour ne pas louper la benne. Un dernier coup d'oeil nous permettra d'apprécier d'un regard fier notre itinéraire du jour.