03-09-2022
Ecrins
3459
D
12
Mad
1

En cherchant des compte-rendus Gaulois sur la course, je tombe sur cette histoire invraisemblable, où le renard devient un loup pour l'homme, et qui appelle nécessairement l'esprit de corps à la vendetta. C'est donc décidé, je pars aux Fétoules, armé de mes nouveaux nunchaku BD en fibre de carbone - à défaut de piolet, fin de saison oblige.

Nous montons vers le lac, mon esprit agité par des fantasmes sur la Bête. Le fameux "lac" (diminutif affectueux de "flaque") apparaît conforme à sa reputation de bivouac 3 étoiles : bucolique, confortable et avec l'eau courante s'il vous plaît. Mais le soleil n'est pas couché et Mad souhaite nous avancer plus haut pour raccourcir la journée du lendemain qui s'avère longue (nous ne savions pas encore à quel point). Je tergiverse, craignant de rater ma rencontre avec ma proie, mais finis par céder devant la voix de la raison.

Nous trouvons un spot sans eau mais néanmoins agréable autour de 2600m. L'aiguillette des Fétoules est bien visible juste au-dessus de nous mais le reste de l'arête se drape dans une brume de mauvaise augure. Nous nous couchons avec les premières étoiles pour nous réveiller à 6h dans des sacs de couchage trempés par la condensation. Tandis que je trie mes affaires à laisser au bivouac, deux ronds brillants apparaissent soudainement près de mon sac sous le faisceau de ma lampe... C'est lui !! Je lâche, étonné, un "mais qu'est-ce que tu fais là toi ?!" qui ne semble pas le perturber le moins du monde. Il se détourne lentement et s'éloigne sans hâte, d'un pas flegmatique empreint de condescendance. Je suis abasourdi : mais que fait-il si haut ? ! Nous a-t-il suivi toute la soirée sans que nous nous en rendions compte ? Je me sens soudain fragile et menacé dans ce lieu austère, où des dangers inconnus semblent se tapir derrière chaque bloc.

Je me ressaisis : finalement il n'est pas si tenace ce goupil. Certes il est venu flairer mon sac mais a filé aussi vite sans combattre. Je commençais à douter des récits antérieurs. Nous rions de cette rencontre. Mais au petit-déjeuner l'inquiétude refait surface : nous ne retrouvons pas nos couverts, pourtant persuadés de les avoir laissés la veille sur un rocher. Il faut se rendre à l'évidence : nous avons été les dindons du goupil. Nous passerons 20 bonnes minutes à chercher et repêcher nos biens dispersés entre les rochers dans les recoins les plus inaccessibles - ce sera d'ailleurs le seul moment où le décoinceur aura servi !

La panse pleine et le soleil bien levé, il est grand temps de se mettre en route. La journée qui nous attend, et qui s'avérera très longue, sera bien résumée par mon compagnon hagard dans la descente nocturne : "C'était un morceau un peu trop gros pour nous". Le topo est suffisamment détaillé jusqu'au pas de 5b, le reste demande juste un sens de l'itinéraire dont nous avons manqué à 2 reprises (une fois chacun par souci d'équité), perdant une petit demi-heure à chaque fois. A titre indicatif, donc, les temps mis par notre cordée un peu juste :
Du lac à l'attaque des dalles : 2h30
Pointe des Faunes : 3h30 (dont un peu moins d'1h dans le dièdre-cheminée)
Pointe Barbier : 2h
Antécime et sommet : 2h
Désescalade et rappel jusqu'à l'éboulis : 1h30
Retour au parking : une éternité

Côté matos : les câblés n'ont jamais quitté le baudrier, le #2 resté à la maison n'a pas été regretté, et nous nous sommes félicités d'avoir doublé les 0.5 et 0.75.

Epilogue : aux alentours de 23h, peu avant le pont qui nous sépare de la dernière côte menant au parking, deux ronds brillent à nouveau au bord du chemin. Cette fois-ci nous avons le temps de bien le voir. Est-ce le même ? Depuis quand nous suit-il ? Que nous veut-il ? Ricane-t-il en son for intérieur de nous voir ainsi exténués ? Ces questions demeurent sans réponse, et peut-être est-ce mieux ainsi...