26-08-2024
Mont Blanc
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Jour 1 : Montée au spot de la dent du requin

Avec Francois, camarade et grand amateur de planche, nous montons avec les premières marées à la mer de glace. L’endroit est vraiment sublime au matin, malgré le retirement progressif de cette dernière. Nous prenons pied dessus. Il n’y a pas besoins de se mouiller la nuque. Nous croisons diverses cordées. Certain reste proche du bord, pour s’exercer au cramponnage. Nous, nous partons pour le grand large, en direction de notre spot : la dent du requin. Nous passons les barres de séracs sans trop de détournements. Il faut garder de l’énergie pour la partie finale sur les échelles et qui restent tout de même impressionnante. L’effort et l’altitude se font sentir, le souffle est court ; attention à ne pas boire la tasse.

Enfin nous y arrivons, à notre « vague », à la dent du géant. Elle est imposante et semble vouloir percer le ciel, concurrencée par les autres aiguilles du cortège Chamoniard. Là est notre objectif, sur l’une de ses aspérités : l’éperon Rénaudie. Voie ouverte en 1946 par le couple Rénaudie, ils ont dû faire preuve d’ingéniosité et de grand flair pour se frayer un passage dans cet ensemble austère.

Nous sommes très bien accueillis par la bande de copain qui garde le refuge pour son dernier week-end estivale avant fermeture. Après le déjeuner engloutis nous faisons les repérages. Tels des surveillants de baignade, nous analysons, scrutons, explorons tout en lisant, re-lisant, décryptant les différents topos. Nous nous en rapprochant pour essayer de mieux l’apprivoiser. La dent se laisse faire, nous commençons à être rassuré. Nous partons à la chasse aux témoignages. Qui l’a faite ? Comment a-t-elle été faites ? Au soir venu, après le repas, nous sommes conseillé par Guillaume un jeune guide de Chamonix. Il a fait l’éperon il y a trois semaines. Les évènements sont frais, il finit de nous rassurer.

Nous nous endormons après un coucher de soleil flamboyant, plein d’apaisement et avec une faim d’aventure. Le calme plat est revenu sur la mer de glace. La dent du requin est dans l’ombre. Mais les bêtes sommeils et il faudra les nourrir au réveil.

 

Jour 2 : Eperon Rénaudie

L’escalade

Réveil 4h. Départ 4H45. C’est le Jour et comme tous Jours les départs sont effrénés. Le petit dej’ est absorbé, les casques visés, les chaussures lassées, les lampes allumées. Nous partons sur les chapeaux de roues. Nous arrivons très vite au névé et aux premières difficultés : la roture. Pour ceux qui ne le savent pas la roture est la rimaye des névés. Sachant que la rimaye correspond à la roture pour les glaciers. Après moultes hésitations, nous décidons pour passer l’obstacle, de sauter dans le petit abîme. Là nous changeons d’univers. Nous tombons dans des lieux communs aux rochassiers. Enfin nous y sommes, haletant : au pied de la face.

L’ensemble fait 570 m de haut. Sa première moitié est composée d’une succession de gradins et d’épaulement faciles, qu’il faut arrivés à relier en louvoyant dans la face. Grâce aux conseils du jeune guide nous laissons piolet et crampons au croisement entre la voie et la ligne de rappel. Fort de nos repérages et des différents conseils, nous sommes rapides, efficaces et arrivons aux pieds des difficultés rocheuses, de la deuxième moitié.

Là il nous faut revêtir nos ballerines de gomme, sortir l’artillerie métallique et dérouiller les muscles. Cela tombe bien le soleil sortant nous réchauffe la couenne. L’escalade suit les lignes de faiblesse de l’éperon. C’est ingénieux, remarquables ! Nous naviguons de fissures obliques en fissures verticales. Nous lézardons sur de sublimes dalles blanches compactes. L’escalade y est pure. Le rocher excellent. La dent nous ouvre ses portes et nous sommes seul au monde. C’est enivrant !! Nous choisissons d’aller au plus facile, au plus vite, car le chemin est encore long. Un éboulement récent sur la fin nous oblige à passer dans une fine fissure en 5+ puis à traverser sur un bloc décollé. On a l’impression qu’il va tomber au premier de nos appuis. Le sommet s’accède par un petit pas de rétablissement assez impressionnant à ce stade de l’ascension.

Le sommet est « exigu et merveilleusement aérien » (topo C2C). Nous sommes propulsés dans un paysage à couper le souffle. Nous dominons les envers, paradis des rochassiers aux multiples lignes de faiblesse. La Verte nous fait signe de loin avec son cortège de compagnons : Drus, Moine, Nonne, Courtes, … Les Jorasses imposantes, impressionnantes, austères. Les Périades s’inclinent devant la dent du Géant majestueuse. Le Tacul domine avec son cortège de diablotins. Enfin l’aiguille du midi nous rappel à la civilisation.

Il va falloir redescendre à présent.

 

La descente

En 2018 l’ENSA a équipé une ligne de 21 rappels faisant environ 45 m chacun. La ligne est assez directe et fluide, tant que l’on ne coince pas les cordes ou ne zappons un relais. Mais quoi qu’il en soit 21 rappels ça semble interminable.

Une petite astuce pour gagner un peu de temps est de mettre le brin à tirer pour le rappel suivant dans l’anneau du relais pendant que le second descend. Pour cela il faut se rappeler de la couleur du bon brin pour pouvoir bien rappeler les cordes. Sans mauvais jeu de mot. Ainsi quand 45 m de descente vous fait vite perdre la mémoire, cela peut devenir la criée lors des jours de marché. Exemple :

« Le premier : c’est la bleue ?

Le second : NON !! ROSE !!

Le premier : ok pour la bleue

Le second : ROSE !!!

Le premier avec la corde bleue dans la main : d’accord pour la bleue

Le second à tous poumons et tripes : ROOOOSE !!!!!!!

Dans la tête du second : Oupss on m’a surement entendu de loin là… »

He ça n’a pas raté !!!

Après un dernier coincement de rappel, le remplissage de nos gourdes dans une résurgence miracle, la récupération de nos affaires, le toboggan sur le névé ; nous nous complimentons heureux de nous retrouver sur le plancher des chamois sain et sauf. Un hélico tournoi au-dessus du refuge, vient en notre direction et se place face à la dent scrutant la paroi. Il cherche une cordée. Il est temps de rentrer. Arrivé au refuge vers 18h nous retrouvons la petite bande de copain toute confuse. A l’écoute de cris et pensant voir une forme humain immobile pendant un long moment, ils se sont inquiété et ont appelé les secours. En nous voyant arriver se fut le grand soulagement pour tous. L’hélico reparti et nous fis un dernier signe, toutes sirènes hurlantes, rasant la terrasse du refuge avant de plonger sur la mer de glace. Nous, nous remercions son équipage une bière à la main. La scène était splendide.

Le soir nous avons mangé tous ensemble dans la joie et la légèreté. Nous étions heureux de notre aventure. Nous laissions la team fêter ensemble sa dernière soirée jusqu’à tard dans la nuit. Nous nous sommes endormi dans leurs cris de victoire aux parties de coinche.

Les bêtes étaient nourries. Elles dormaient paisiblement.

 

Jour 3 : ballade bucolique de retour

Retour à la civilisation, à la réalité. On a envies d’y retourner.

Pour finir nous prenons une superbe fondue avec supplément charcuterie à Chamonix.

Les bêtes ne seront jamais rassasiées.