27-05-2023
Jura
TD
6
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J’aimerais vivre en théorie, parce qu’en théorie tout se passe bien.

Selon mes calculs, Luc passera en tête sur la première longueur. C’est du 5c, il se fera plaisir… et attaquer par cette cotation me paraît un peu ambitieux en ce qui me concerne. La suite, en 5b et 5a, nous permettra de grimper en réversible.
Voilà pour le programme établi la veille. En réalité, le matin même, nous découvrons que l’ouvreur a publié deux topos contradictoires. La deuxième longueur est cotée 5c dans l’un des topos. Pour lui, 5b ou 5c, ça ne fait peut-être pas une grande différence.
Cette suspicion de 5c me conduit à demander à Luc s’il veut bien continuer en tête. Ce qu’il fait aimablement.
L1 se passe bien mais cette L2 me trouble au plus haut point. Il y a peut-être une ou deux dégaines sur lesquelles je ne tire pas… quelle galère ! Mon mental est sérieusement entamé.
Sur L3, ça commence à aller mieux quand une prise, pourtant testée, se descelle et tombe. Ah oui, j’avais oublié de vous dire : la voie est récente et pas complètement purgée. Un « pierre ! » hurlé à pleins poumons est heureusement inutile, personne ne se trouve sur la trajectoire du dictionnaire.
Malgré la zénitude et le sourire de Luc, L4 ne me laisse pas un souvenir impérissable. Je me fais enfin plaisir sur L5. Ouf, c’est terminé. Le plateau herbeux est un endroit idyllique pour attendre la cordée suivante : Serge et Barbara.
Quant à la première cordée, constituée de Nicolas et de sa coloc’, elle a renoncé peu après L1. En tête, Léa a chuté et sa main reste douloureuse. Ils descendent en rappel et remontent par un sentier délicat.
Car nous avions commencé par enchaîner des rappels. Le dernier, en fil d’araignée, donne une vue imprenable sur les falaises environnantes, la vallée, les rames de TGV sur la voie de chemin de fer… Las, au bas de ce dernier rappel, une corde coincée donne du fil à retordre à Serge et Luc, les deux héros de la journée.
Bref, avec tout ça, nous avons atteint une amplitude de neuf heures, marches d’approche et de retour comprises.
A noter que le week-end se classait dans la catégorie mobilité douce : vive le train, le vélo et la marchande de fromage, barres énergétiques et boissons fraîches d’Ordonnaz :)

Pour un commentaire plus technique, passons la parole à Serge :

D'abord le bon.
L'aménagement de cette voie représente un énorme et incontestable travail de repérage, nettoyage et équipement. Merci Éric Chaxel et à ses compagnons.
Dans cette face bien redressée, la voie présente un cheminement intelligent le long de ses rares points de faiblesse. L'équipement est bien placé et l'accès par le haut participe aussi de l'ambiance verdonesque de l'aventure.

Ensuite le moins bon
Du point de vue difficultés/cotations, ces dernières sont particulièrement sévères. Des grimpeurs·euses justes dans le niveau max annoncé (5c) ne vont pas forcément passer un bon moment (malgré l'équipement). Le pas de bloc du départ, à froid, vaut bien un 5c (d'ailleurs la cotation a bizarrement évolué d'une édition à l'autre du topo). Le mur de la deuxième longueur vaut bien 6a. De plus l'importante friabilité résiduelle de l'ensemble (malgré le nettoyage) ne favorise pas une approche sereine de la difficulté. En effet, le terrain est encore « dans sa tendre jeunesse » et il reste des prises-candidates qui partent assez facilement sous la traction, avec des conséquences possiblement fâcheuses (une blessée légère chez nous dont la cordée à tout de même dû redescendre en rappel dès la première longueur). La voie est globalement raide et l'escalade y est plutôt athlétique.

Du point de vue esthétique, la voie a les défaut de ses qualités : la recherche des faiblesses oblige à plusieurs traversées, souvent peu intéressantes, qui cassent l'élan des longueurs, favorisent le tirage et gênent la communication.

Enfin le cadre, visuellement splendide (la ligne électrique est finalement peu visible) est assez gâché par le bruit continu de la circulation routière en contrebas dont le niveau sonore est suffisamment élevé pour gêner sérieusement la communication entre les membres des cordées.

Malgré la simplicité de l'accès depuis Lyon (en train et à pied, vélo inutile si l'on grimpe à la journée), il est difficile de recommander la voie dans son état actuel sinon pour des grimpeurs·euses disposant d'une bonne marge vis à vis de la difficulté affichée et ayant une bonne expérience du terrain scabreux.