26-01-2024
Beaufortain
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Comment nous nous sommes retrouvé·es à Légette du Mirantin est une longue histoire que je vais vous épargner, même si ce n'est pas sans conséquences pour la suite du récit. Mais bon, si grande est la patience de GAULois·es il ne faut peut être pas en abuser.

Bref, nous nous retrouvons aux Granges, vers 1365 m, terminus de la route déneigée. Il est déjà tard (départ à 10 h 15 !) en raison des bouchons et détours dus aux protestations des agriculteurs. Mais pas d'inquiétude : nous ne sommes pas les seuls à démarrer à cette heure tardive et, d'après nos informations (BERA et ce que nous pouvons voir sur place) la neige est très stable. D'ailleurs, malgré le très beau temps et l'absence de vent, celle-ci reste étonnamment dure. La veille un passage pluvieux a créé une couche de surface bien humide qui a gelé pendant la nuit et que le soleil rasant d'hiver ne parvient pas décailler. De ce point de vue, on se croirait à 8 h du matin !

Nous avions anticipé du portage sur cette face sud mais bien que les prés autour de nous soient complètement déneigés, il reste une fine couche de neige, épargnée par un soleil stérile, sur la piste qui nous permet d'avancer ski aux pieds sur la piste du Plan Villard. C'est un détour mais c'est bien confortable au lieu de tirer tout droit dans l'herbe vers les Chenalettes.

Au dessus, l'enneigement devient continu, la surface toujours aussi dure ce qui donne ici et là de petites zipettes dans la trace. Couteaux encore inutiles mais il faut être attentif·ve.

Après la « côte 2000 » (point 1998 sur la carte IGN et 1996 dans le topo Camp to Camp), suit une traversée, légèrement descendante, par une pente raide orientée nord-est, déjà à l'ombre et bien gelée et avec un beau potentiel de descente. Nous imitons, confirmant en cela notre propre idée, la doublette de skieurs qui nous précède en sortant les couteaux que nous ne quitterons plus jusqu'au sommet.

À ce stade, et vu l'heure tardive, notre projet n'était pas (plus) de monter au sommet. Il s'agissait d'avancer un peu dans la grande pente finale et de trouver un endroit suffisamment confortable pour passer en position de descente et prendre le chemin du retour.

Nous nous engageons dans la pente finale sans trouver trouver l'endroit idoine pour faire demi-tour. Celle-ci fait 30° dans le bas 35° dans le haut et est ce jour-là complètement verglacée. Heureusement, la trace est à peu près correcte, sauf dans le haut et nous nous retrouvons au sommet vers 14 h.

La vue est absolument magnifique, le Mont Blanc paraît à portée de main tant l'air est clair. La Pierra Menta est un peu écrasée alors qu'elle nous paraissait splendide et fière en cours de montée. Nous prenons le temps de pique-niquer pour profiter du paysage et attendre un hypothétique décaillage.

Mais il se fait tard, l'ombre gagne la face est de la Légette, il faut bien se résoudre à descendre dans les conditions telles qu'elles sont. On se lance, à la mesure de ses moyens : virages pour les meilleur·es, longs dérapages pour les autres, dans de grands bruits de racloir. L'une d'entre-nous dira « j'ai l'impression d'avoir un Dyson dans mon sac à dos ». Nous arrivons au pied de la face terminale assez soulagé·es qu'il n'y a pas eu de casse : avec l'état de la neige toute chute se serait poursuivie jusqu'en bas des 400 m de la face. Heureusement, il n'y avait pas de rochers apparents.

Nous poursuivons la descente en suivant nos traces de montée, dans une neige toujours aussi dure, souvent traffolée. Arrivés sur l'arête qui monte du Lac du Corbeau, au lieu de rester bien à droite dans nos traces de montée, certain·es descendent vers la gauche dans le vain espoir de trouver un trouver un passage évitant la remontée de la pente légèrement descendante évoquée plus haut. En cherchant son chemin, l'une d'entre nous dévisse sur la neige gelée et dévale la pente sur une centaine mètre de dénivelée. Malheureusement il y a quelques petites barres rocheuses sur le chemin et notre camarade est sérieusement blessée. Elle s'est immobilisée dans un dépôt d'avalanche assez raide, dans une position un peu précaire qui ne facilitera pas l'intervention des secours. L'un d'entre nous la rejoint rapidement à ski. En tentant de lui porter secours à pied, et dans une manœuvre complètement inconsidérée, un autre d'entre nous dévisse à son tour, et se retrouve, après une impressionnante glissade, légèrement atteint, aux cotés des deux autres (la blessée et celui qui lui a porté secours). L'alerte est donnée, les secours interviennent assez rapidement, notre camarade est emportée à l'hôpital d'Albertville.

Après le dernier passage de l'hélicoptère, les quatre autres reprennent leur descente à nouveau interrompue par la perte d'un ski. Le recyclage d'un des skis (que les secours n'ont pas emportés) de la blessée permettra de descendre dans de bonnes conditions retrouver le matériel perdu.

Le périple se termine sans nouveau problème en reprenant la piste forestière du Plan Villard. Nous arrivons finalement aux Granges, juste à la tombée de la nuit.

Nous revenons plus en détail dans la partie situation à risque sur l'accident lui-même.

Quelques informations sur la Légette du Mirantin. C'est un beau sommet et la pente terminale, esthétique, (400 m de dénivelée), qui constitue la difficulté majeure de la course, peut, selon les conditions, constituer une magnifique descente (moquette non traffolée) ou un passage anxiogène (carrelage).

S'engager dans cette pente est une décision qui embarque jusqu'au sommet. Tenter d'interrompre-là la montée n'est pas évident, même en bonnes conditions.

Bien prendre en compte les indications du topo en ce qui concerne les avalanches. Nous avons en effet remarqué que les micro-reliefs au dessus de 2000 m pouvaient être problématiques (ils étaient ourlés de petits et anciens dépôts d'avalanche). Se méfier également des pentes orientées nord-est et nord que l'on traverse après la côte 2000 et qui sont dominées depuis 100 à 200 m par une crête et des pentes très raides, bon terrain à plaques.

Dernière mise en garde à propos de la « petite pluie de la soirée ». Celle-ci peut déjouer tous vos pronostics quant à l'état de la neige le lendemain, spécialement au cœur de l'hiver où le soleil manque encore de punch. Notez que ce risque était signalé dans le BERA.