26-05-2024
Mont Blanc
3856
Tifix
1

11h30, nous voilà sur le parking d’Argentière. La station est déserte, les remontées mécaniques se reposent, c’est calme. Avec les camarades Tifix et Oliv, nous nous répartissons le matériel. Une fois nos sacs ficelés, nous les vissons sur nos épaules. Le poids se fait sentir, le portage s’annonce physique.

Nous attaquons les lacets raides des pistes de ski menant au sommet de la station. Le rythme est lent, le poids nous ralentit. Après 700 mètres de dénivelé, nous pouvons enfin chausser dans une neige colorée par le sable du Sahara. Nous nous laissons glisser sur le glacier d’Argentière. Mes camarades sont déjà venus se balader par ici, c’est une première pour moi.

Le cadre est grandiose, nous évoluons entre de petites crevasses sous les faces Nord mythiques de la vallée de Chamonix. La Verte, la Grande Rocheuse, les Droites, les Courtes, un spectacle marquant. Nous atteignons le Refuge d’hiver sous un léger grésil.

Un grand nombre de peaux sèchent sur les balustrades. Cela n’annonce rien qui vaille. Après un bref échange avec un moustachu, nous comprenons que le refuge est full de chez full. C’est la déconvenue.

Pendant que les réchauds vrombissent pour faire fondre la neige, nous allons à la pêche aux infos. 6 pour le Coutu, 12 pour les Courtes, 4 pour le Barbey et ptet 2 pour les Cristaux. Avec Oliv, on négocie une petite sieste sur un matelas avec deux sympathiques chamoniards. 1h plus tard, ils nous réveillent, ils vont se coucher. Nous nous retrouvons dans le réfectoire, encore endormi.

Après avoir avaler notre repas du soir, nous statuons sur la stratégie du lendemain. Nous allons nous faire réveiller par les premiers dans tous les cas. L’objectif sera de les coller, pour éviter de se prendre du gros sluff dans la face qui pourrait être dangereux. Une fois les affaires rassemblées, chacun prépare son lit. Oliv colle deux bans mais déchante rapidement à cause d'un bruit grinçant très désagréable. Il grimpe sur la table. Je grimpe sur la deuxième. Quant à Tifix, il désosse les petits matelas de deux barquettes de secours et se cale par terre. Pour couronner le tout, la lumière du réfectoire fonctionne via un détecteur de mouvement. Nous passerons donc la nuit sous un phare. Ce moment de repos s'annonce top confort, on profite.

2h20 du mat, les chamoniards poussent la porte du dortoir. La nuit fut courte.

3h, nous chaussons les skis et le snowboard à l'entrée du refuge. Il fait nuit noire. Nous nous laissons glisser vers le glacier sur une neige béton armée. Après un dépôt de matériel de bivouac derrière un rocher, nous remontons le glacier à grandes enjambées. Le ciel est étoilé, les frontales des skieurs dansent devant nous. Arrivé au bas du cône nous mettons les couteaux et attaquons l'ascension.

Tifix et moi, passons rapidement en crampons. Au premier coup de crabes, c'est la déconvenue. Nous traversons la croute à chaque pas. L’ascension du cône n'est pas de tout repos. Arrivé à la rimaye, nous butons sur une crevasse bien ouverte. Ce mur de glace barre la face et rend la descente exposée. Nous passons l'obstacle rive droite sur une langue de neige. Le jour se lève doucement.

Les premiers rayons du soleil commencent à chauffer la face. Nous nous élevons dans les marches de nos prédécesseurs. Ils nous envoient du sluff par moment qui recouvre leurs traces. Le groupe des 3 autres gonz se positionnent derrière nous. Le top est lancé.

La course avec le soleil et le devoir de maintenir le rythme derrière nos acolytes pimente la montée. A mi - face, deux gaziers du groupe de tête mettent le clignotant à droite. Les chamoniards : " On en a marre de se prendre du sluff, le soleil chauffe déjà pas mal, on va descendre et aller se faire plaisir en face. Bon courage les gars ! "

Tifix : " ça roule, on va poursuivre, bonne descente ! "

Nous nous relayons pour refaire la trace recouverte par le sluff. Arrivé 100 mètres sous le haut de la face les deux derniers chamoniards décident de stopper les frais ici. L'un deux : " La neige devient plus changeante. Nous stoppons là. Assez de voyants orange pour aujourd'hui." Oliv décide d'en rester là aussi et commence à créer sa plateforme. Avec Tifix, on poursuit pour sortir au sommet de la face. Nous reprenons la trace mais rapidement, dans les cinquante derniers mètres, deux jeunes ovnis nous déposent et prennent le relais. Nous arrivons au sommet de la Nord Nord Est, il est 8h.

Il n'y a pas beaucoup de place là-haut, nous sommes sur le fil de l'arête. La neige est bien dure et les rochers pas loin. Tifix n'est pas chaud pour chausser ici et préfère désescalader les premiers mètres en crampons. Nous ne nous éternisons pas là et attaquons la désescalade. Suspendu sur la pointe avant de nos crabes, nous stoppons notre descente au bout de cinquante mètres. La neige y est mieux et moins dure, nous commençons à bâtir notre plateforme. Pendant ce temps là, nos deux chamoniards attaquent la pente prudemment en dérapage et nous caillassent de petits blocs de neige compacte. Nous nous protégeons derrières nos lattes vachées devant nous. C'est de courte durée, ils passent devant nous et on peut ensuite maniper tranquillement.

Une fois les skis et le snowboard aux pieds nous nous élançons dans ce toboggan impressionnant. Les premiers 50 mètres sont en neige moyenne puis elle devient revenue comme il faut ; les virages s'enchaînent dans cette grande face. 700 mètres plus bas, nous négocions prudemment le passage de la rimaye. Le cône est ensuite vite avalé et nous retrouvons Oliv sur le glacier.

Après avoir récupérer notre matériel déposé pendant la nuit, nous nous laissons glisser jusqu'à ce que l'or blanc ne recouvre plus la route. Comme toute bonne sortie de printemps, un portage final est de rigueur. Les lacets des pistes de la stations sont là pour rappeler à nos quadriceps de rien lâcher avant d'avoir toper le capot de la voiture.

Et juste avant de rejoindre notre carrosse, Oliv nous lâche une petite phrase avec un grand sourire : "Putain, c'est un sacré délire le ski alpi quand même !"

Ce fut une superbe ligne à la hauteur de sa réputation réalisée dans un style définitivement à l'ancienne ! :)

Merci les camarades !

Clap de fin