11-07-2018
Ecrins
AD
11h
Yann Berry
1

Apres un mois de juin bien rempli en course rocheuses, mais pas que, et une formation FFME terrain d'aventure nous ayant permis à Antoine (l’ancien !) et moi de revoir les stratégies et les techniques de progression encordé, il est temps de mettre le tout en application sur une grande course.

Je propose à Yann de faire la traversée de l’Olan, c’est de plus l’occasion de claquer la bise aux Gaulois stationnant dans le Valgo. Cela fait un moment que cette course est dans mes pensées, quitte à avoir l’air en tête, autant le chanter à haute voix.

Départ le samedi matin assez tôt de la chapelle en Valgo, direction le col de Turbat pour redescendre sur le refuge de fond de Turbat. Le franchissement du col est aisé versant Valgo, mais bien vilain versant Valjouffrey. 4h 30, 1700m de d+, et une belle gamelle dans une moraine plus tard, nous voici rendu au refuge, très bien reçus par la gardienne. A peine le temps de souffler et de panser les plaies que nous nous faisons embaucher pour aller entretenir le chemin menant au lac des Pissoux, à charrier de la caillasse pour faire des beaux cairns, les bagnards ! Nous en profite pour reconnaitre, judicieusement, l’itinéraire du lendemain.

Le refuge est un vrai havre de paix, nous serons 7 avec les gardiens ce soir-là, et les seuls sur l’arête N de l’Olan le lendemain, le luxe.

Réveil 3h, petit déjeuné gargantuesque, du strap à la cheville serrée « comme un russe » et un magnifique hématome sur la cuisse.

Montée au lac des Pissoux, pif, cramponnage dans le couloir, paf, doute sur l’itinéraire pour rejoindre la brèche carrée, plouf, on perd une bonne demie heure dans du terrain pourri à respecter les indications des gardiens à la lettre, il y avait malheureusement plus simple, rien ne vaut les observations sur le terrain, même si les conseils sont bons à prendre. Rejoindre DES QUE POSSIBLE la vire aux névés menant à la brèche carrée. La suite est logique, est on est plus sur du terrain à chamois que sur de l’escalade. Les passages s’enchaînent logiquement : brèche carrée, diaclase, contournement du névé, couloir moutonnée, vire exposée... On sort (enfin) la corde pour atteindre la brèche supérieure via une petite dalle grise en III+. Nous somme enfin sur l’arête N proprement dite et l’ambiance est grandiose, pleine de contraste, entre l’austérité et la raideur envoutante de la face NW, et le champ de neige étincelant, dentelé de crevasses, du glacier des Sellettes . . .

La suite de l’itinéraire se dresse devant nous entre ombre et lumière, l’ensemble est assez impressionnant. On aperçoit dores et déjà la brèche Escarra et l’arête E, aucune cordée en vue. Nous poursuivons la progression corde tendu proche du fil avec quelques beaux passages grimpant dans du rocher très correcte, voir excellent sur la fin.

Nous foulons le sommet, seuls au monde, vers 9h30, la visibilité est bonne, quelques vapeurs provenant de la face sud viennent se déchirer sur l’arête. L’insaisissable semble au bout de nos doigts. L’ensemble des grands sommets des Ecrins sont la devant nous, on se sent un peu observés ! Une gorgée d’eau plus tard, nous voici pendu sur le rappel de descente du sommet principal. De la brèche séparant le sommet principal et son antécime nous nous ré-encordons pour dés-escalader intégralement, versant N mais également versant S l’arête E. Le rythme reste régulier et à 11h nous sommes à la brèche Escarra. Nous poursuivons la désescalade encordée en s’assurant en mouvement.

Dans une ambiance brumeuse, en amont de la salle à manger, nous apercevons rive gauche une corde pendue entourant un énorme bloc. On décide de se décaler vers la corde pour la retirer afin d’éviter de précipiter des cordées vers une erreur d’itinéraire. Je récupère 35m de corde, dont l’extrémité semble fraichement coupée… une réchappe qui ne mène nulle part. Apres avoir repris la désescalade du couloir, rebelote, toujours rive gauche, une corde qui flotte dans la brume. Je suis déjà trop bas pour aller récupérer le matos abandonné, Yann se lance. Après avoir remonté quelques mètres, j’assure Yann correctement depuis un bon becquet. Tout proche de la corde, il observe une tache de sang format A3… On commence à s’inquiéter sérieusement, que s’est-il passés dans le secteur, est ce que cela date d’aujourd’hui, le sang est-il frais ? Nous sommes seulement à quelques mètres de la « salle à manger » qui nous permet de prendre pied sur la vire Escarra. Nous essayons d’appeler, en vain, le PGHM pour avoir des infos sur les secours récents dans le secteur. Rien à faire de plus, on poursuit la descente par la vire, jusqu’aux dalles moutonnées. Trois rappels nous déposent sur le glacier. Fin de la course, la pression tombe . . . on a croisé personne de la journée… seulement un bouquetin à la brèche Escarra.

Arrivée au refuge de l’Olan à 15h après 11h de course, on fait le point avec la gardienne : un secours à bien eu lieu ce samedi, une victime avec une plaie sérieuse au crane, dense en saignement mais sans séquelles graves. Il une tentative de secours avec une caravane terrestre, et finalement une évacuation par hélicoptère grâce à une éclaircie miraculeuse de quelques minutes. Comble du hasard, nous avions observé l’hélicoptère du PG se poser à la Chapelle ce samedi en arrivant au camp. Une cordée de gaulois à même participé au déclanchement des secours.

On se sent pousser des ailes à la descente malgré la fatigue, qu’on en finisse !

Retour au camp donc, chips, douche, hydratation, retour sur Lyon … quelle tristesse.

En préparant la course, nous avons vu qu’elle était sur la liste du probatoire pour le guide en France, on s’est dit, « une PD+ dans la liste du proba’, c’est bizzard ! » Ok maintenant on comprend… c’est quand même une longue course, aux difficultés techniques modérées certes, mais impliquant  de dés-escalader « a vue » l’arête E. La difficulté, et le plaisir, est d’aller vite et bien, c’est-à-dire en sécurité, le tout dans un environnement sévère mais somptueux.