07-08-2021
Vanoise
D
8h
0

Le récit qui suit est un saisissant contrepoint au compte-rendu nonchalant des Héranney pour la même voie qu’ils ont grimpé quelques jours avant nous (https://www.legaul.fr/leclub/comptesrendus/recherchecr/3219-camp-voie-berard-rigotti-traversee-aiguille-de-07-07-2022-3219). Même voie + des décennies d’(in)expérience = deux journées fort différentes...

 

Petit tour de table le soir de mon arrivée. Au traditionnel appel lancé par le président “qui n’a pas encore de compagnon de cordée ?” je lève la main en même temps que Xavier. Celui-ci me propose immédiatement la Bertrand-Desmaison, une voie que j’avais repérée lors de mes rapides recherches mais que j’avais trouvée peut-être un peu trop ambitieuse pour moi. L’enthousiasme de Xavier, ma confiance en son jugement et sans nul doute un peu de présomption de ma part me font néanmoins approuver la proposition, trop rapidement comme on le verra. Au cours de la soirée les doutes m’assaillent : moi qui n’ai pas tant grimpé ces dernières semaines, comment réagirais-je face à la continuité et l’engagement ? Je dors mal et au petit matin je vais voir Xavier pour lui demander, tout penaud, de revoir notre journée à la baisse. Il accueille mes hésitations avec bienveillance et nous jetons notre dévolu sur la Bérard-Rigotti, toujours en face N de l’aiguille de la Vanoise, dont j’avais imprimé le topo.

 

Imprimé certes, mais pas forcément bien lu… C2C dit “c'est la voie la plus à gauche de la face, ne pas hésiter à aller jusqu'au commencement de la moraine du glacier de la Grande Casse”. Alors nous tirons à gauche, encore et encore, presque jusqu’au départ de la traversée de l’aiguille. Pour l’attaque, C2C nous parle encore de “vire ascendante couverte de cailloux”. Nous en voyons une, avec au pied un névé qui semble strié d’une trace bien marquée. En nous approchant nous constatant que la soit disant trace n’est qu’une mince et raide coulée de pierre sur la neige. Cela nous fait-il hésiter ? Que nenni. La remonter s’avère délicat ? Nous nous y attelons. Le pied de la voie est inconfortable et exposé ? Nous nous y installons. La vire ascendante va mourrir au pied d’un dièdre dont il n’est fait aucune mention dans le topo ? Xavier se prépare et se lance malgré tout. Il sort ses chaussons dans la première longueur, censée être si facile qu’elle n’a même pas de cotation ? Enfin nous tiquons... Je regarde à nouveau le topo : ah tiens, ça parle de plaquette et de cairn au départ ! Nous n’avons rien vu de tout ça. Il faut se rendre à l’évidence : ou nous décidons de persévérer, quitte à ouvrir une nouvelle voie dans cette grande face (“Abdoun-Gokelaere “ça claque, non ?), ou nous acceptons d’avoir perdu presque 2h dans notre égarement. Ayant laissé les clous au camp, nous remettons l’ouverture à plus tard.

 

En redescendant du névé il ne nous faudra que 5 minutes pour trouver le vrai départ, qui a effectivement beaucoup plus une vraie gueule de vrai départ. Notre petite mésaventure chronophage nous incitera à avancer très prudemment tout au long de la voie, nous faisant allègrement exploser l’horaire. L’éloignement des points n’aide pas et pour nos regards néophytes l’itinéraire n’a rien d’”évident” (dixit Patrice). Bien qu’au final, une seule erreur aura été commise (qui vaudra à Xavier une belle frayeur et un pas de désescalade pour le moins complexe loin au-dessus de sa dernière protection), nous mettrons plus de 6h à sortir sur l’arête. C’est alors à mon tour de me tromper sur cette formation pourtant furieusement rectiligne. Nous ne boudons pas pour autant le plaisir de son rocher parfait et de l’un de ses plus beaux passages, le rateau de chèvre, menant aux 3 rappels qui nous déposent sur les gradins herbeux au-dessus du chemin. Nous arrivons au camp pile-poil à l’heure du dîner, sur les coups de 21h30.