06-02-2022
Ecrins
TD
1

Au lendemain d'une journée où il fallu jouer des coudes pour grimper sa ligne, nous décidons de ne pas nous faire avoir deux fois et d'arriver les premiers au parking. Départ du gite à Saint Christophe vers 6h45, arrivée au parking vers 7h10. Et trois gars en train de s'équiper. MAIS VOUS DORMEZ QUAND BORDEL ? Bon, ce n'est pas grave, on est les second, ça laisse un grand terrain de jeu. L'approche se fait à un rythme plus cool que la veille, même si chaque regard par dessus l'épaule provoque sa petite montée d'adrénaline, de peur de se faire rattraper.

Arrivé au bord du torrent, face aux cascades. La glace est toujours là, et la cordée qui nous précède file dans "les hémos à godo". Ça tombe bien, on ne vise pas cette ligne. À vrai dire, Olivier a su nous convaincre la veille que "la verge du démon" méritait qu'on vienne la caresser. Mais au dernier moment, on remets les gaz et on file vers le fond du vallon : direction "Les cloches de l'enfer", une autre sacrée belle ligne du coin, que nous avons également repéré la veille. En chemin, nous sommes rattrapé par une cordée. ça ne va pas recommencer ... Finalement, ils iront dans les Larmes du chaos. Parfait, nous voilà seul à l'attaque!

Equipés, prêts à partir, Aurélien se lance dans la première longueur. Une progression facile sur des ressauts bombés, jusqu'à un dernier coup de cul plus raide jusqu'au relais. La glace y est un peu cassante, pas incroyable. Et du relais, on peut mater la seconde longueur, et sentir la panique monter : un très beau cigare, au coeur d'un large rideau pendant sous un toit. ça en impose, par où passer ? 

Comme promis, Olivier s'y colle. Après une longue inspection de la glace et une forte inspiration, le voilà qui s'élance. D'abord par une traversée où il aura l'occasion de prendre une douche bien fraiche. Puis, il se dérobe à nos regards et entame la grimpe de l'autre côté du cigare. Le photographe en moi pleure, j'avais tout misé sur cette longueur ! On suit la progression d'Olivier aux glaçons que l'on voit s'écraser en contre bas. Un regard vers le haut, on le devine délayant dans le haut, sans un bruit. Puis, les chutes de glaces se calment, la corde déroule plus vite, et le voilà qui nous annonce un relais vaché. Bravo, y'a plus qu'à ...

Aurélien part le premier. Je le laisse prendre de l'avance, je ne tiens pas à me prendre ses crampons dans la face. Mais il enchaine cette belle longueur sans une chute. À mon tour. La petite traversée humide, et me voici découvrant l'autre face du cigare. Madre de dios, c'est raide, très raide! Heureusement, au départ c'est très sculpté, on arrive à progresser sans taper les piolets, juste en les coinçants dans des niches formées par les stalagmites. Chaque débrochage est l'occasion de serrer son piolet (et les fesses). Plus haut, on vient buter contre de véritables dents de glace qui pendent du rideau : il est temps de traverser ! Là, la glace est un peu plus compacte, il faut à nouveau taper des pieds et des piolets pour se frayer un chemin. J'ai eu beau me ménager et essayer de ne pas perdre trop de temps, je sens mes forces qui diminuent. N'ayant pas envie de voler dans la glace, je donne tout. Je joue du coffre, tout le vallon doit m'entendre brayer. Je fini par me rétablir sur le haut, totalement lessivé mais heureux d'avoir enchainé. Immense admiration à Olivier pour être passé le premier.

Au dessus, une petite longueur plus tranquille permet de poursuivre l'ascension. Après avoir soufflé quelques minutes, je m'y lance. Je récupère la ferraille, l'empile sur le porte matériel et entreprends de les ranger. D'un seul coup, je me sens plus léger. Mais plus con aussi, en regardant 3 précieuses broches filer vers le bas. Roh mais quel boulet ... le CR sera pour moi.

Le début est une belle rampe positive, où la progression est aisée. Mais plus haut, je viens buter contre une épaisse cloche. La glace y est lisse et très solide. Je tente de négocier une renfougne contre le rocher, mais le relief me repousse sans cesse dans le vide. C'est un ressaut court et pas bien difficile, mais je ne parviens pas à ancrer mes piolets. Mon énergie a été trop mobilisée par la longueur précédente, je tente un brochage panique pendu sur un bras. Mauvaise idée, une zipette arrive sans prévenir. Et me voici qui fait un tour de tobogan sur la rampe de glace, avant de m'arrêter allongé dans une petite niche lisse et arrondie, presque confortable. Tout vas bien, aucune blessure et j'ai gardé en main ma broche pour éviter de planter encore plus de matos au pied de la ligne. Par contre mes deux piolets sont suspendus là haut. Las, je passe mon tour et redescend au relais. Aurélien reste muet, alors c'est Olivier qui s'y colle, encore. Il remonte rapidement jusqu'à mes précieuses pioches, les clippe sur la corde avant de nous les renvoyer en téléphérique. Une belle livraison express sans encombre!

La suite déroule, d'abord se rétablir sur la cloche, puis s'échapper par une fine langue de glace entre les rochers, ambiance goulotte pendant 50cm. Une grimpe pas si simple, mais assez ludique quoi qu'inconfortable en mélangeant glace et dry. Arrivé en haut, Olivier nous dévoile un magnifique relais autour d'un arbuste, renforcé par un piolet coincé dans une fissure. De quoi dégouter un instructeur FFME, mais reconnaissons que l'ensemble apparait solide et sûr. 

Puis c'est la classique descente en rappels, très belle, avec un beau passage en fil d'araignée dans le crux. Une fois revenu au pied, on se mets à ratisser la pente de neige à la recherche de nos broches. Deux seront rapidement retrouvées, ça se gâte pour la troisième qui sera finalement abandonnée à son sort. Si vous passez par là, prenez un détecteur de métaux. Arrivé là, on décide que ça en est assez. Une courte journée de 3 longueurs, mais quelle cascade, quelle ligne !