26-07-2024
Ecrins
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   Lorsqu’Antoine me propose le Sirac, j’accepte avec un sentiment de culpabilité. J’avais convenu de faire ce sommet, certes par une autre voie, avec un camarade dont les ligaments ont pris leurs congés estivaux dès juin. Pour autant, nous voici lancés en direction du Valgaudemar, en option e-mobilité avec sa e208, soit une sortie [MD/e-mob:14kWh/100km-{12gCO2eq/kWh}]. Oui, la marmotte verte vient de terminer son master spé Optimisation des Systèmes Energétiques.

   Moyennant une courte pause charge à la Mure agrémentée d’une glace, nous arrivons en fin d’aprem sous le Gioberney, et une heure trente plus tard à Chabournéou. Le refuge est bien rempli, et les alpinistes ne sont pas légion. Les gens qui savent se faire discrets pour ceux qui se lèvent tôt non plus. Un bref repérage avant le coucher du soleil me permet de conforter les infos du topo quant au décroché du sentier à ne pas louper à la frontale. Celui-ci est bien cairné, un peu au-dessus de 2050m, à l’intersection entre le sentier et un étroit couloir de purge, jonché de rochers blancs.

   Nous empruntons celui-ci à 4h du matin, sous la lumière blafarde du dernier quartier de lune, et remontons les escarpements qui nous conduisent sur les névés, dont la blancheur nocturne contraste avec les sombres falaises qu’ils bordent. La continuité du manteau nous permet de gagner la rimaye par des pentes se redressant jusqu’à 40 degrés, en contournant un rognon glaciaire. Le regel est bon, et facilite notre progression. Un court passage rocheux précède un couloir à 45 degrés qui nous permet d’éviter l’attaque par la brèche en V et ses longueurs au rocher réputé douteux.

   A l’attaque, le soleil se joint à nous et enflamme les sommets des Ecrins que nous pouvons balayer d’un seul regard : ici, point de sommet majeur plus méridional dans le massif, hormis peut-être le Vieux Chaillol dont la silhouette n’est pas caractéristique vue du Nord. La progression en corde tendue est de rigueur vue la longueur présumée de la traversée. Le rocher ne révèle pas de surprise : on nous l’avait annoncé branlant et piégeur, on ne nous avait pas menti. Cependant, pour peu que l’on reste sur le fil, et qu’on ne charge pas trop les prises, il est agréable à grimper, pour qui est coutumier du caillou Oisans. La troisième dent nous réserve une longueur un peu plus retorse que le reste, mais Antoine s’en sort sans difficulté autre que la projection vers des altitudes plus modestes de l’équivalent d’un cuiseur-vapeur, modèle à deux étages.

   Une fois gagné le sommet occidental, nous nous autorisons une courte pause, voire pour certains une sieste, le temps d’être rejoints par une sympathique cordée de locaux avec qui nous partagerons le début de la descente. Un astucieux système de vires nous conduit à un gendarme jaune qu’il faut contourner par un étroit passage côté N, avant de poursuivre vers des relais de rappel équipés à neuf en 2022 pour prendre pied sur le glacier, encore bien en neige. De grands névés nous permettent regagner le sentier de traversée Vallonpierre-Chabournéou sans difficulté. La végétation est luxuriante, et, soumise au soleil de l’après-midi, dégage des senteurs caractéristiques de cette altitude. Nous buvons à même les torrents glacés et devisons gaiement avant de retourner au refuge, pour boucler la boucle de cette belle traversée. Nous aurons le plaisir d’y manger en extérieur, pour profiter un peu plus de notre réalisation du jour, remettant au lendemain le retour à Lyon, non sans un arrêt tourtons imposé par la législation locale.