19-11-2017
Vercors
PD

Le soleil n'est pas encore levé que la voiture se gare, solitaire, sur un parking qui surplombe Villard de Lans. Il fait plutôt frais, impression renforcé par une fine couche de neige sur les accotements. Les nuages sont bas et forment une épaisse brume qui nous masque le paysage et étouffe tout les bruits. Une tasse de thé, et nous nous équipons. Puis c'est le départ, dans le jour naissant. Par un sentier sous les arbres, nous rejoignons les pistes de la station. Là, le manteau neigeux se fait un peu plus épais. Nous nous enfonçons tandis que nous remontons le dédale que forment ces trouées dans les arbres.
Les mollets chauffent, c'est plus raide qu'attendu. Un rapide coup d’œil à la carte confirme les craintes on s'est trompé d'itinéraire. Un beau détour nous attends, qui nous rajoute tout de même pas loin de 200 mètres de dénivelé de plus. Nous voici au bord du lac, et nous cherchons un sentier qui descend sous les sapins. Les traces des promeneurs qui nous ont précédés nous guident, mais rapidement celles-ci se séparent entre les arbres. Nous suivons vaguement une direction dans la neige, matérialisé par les traces d'un animal. Mais nous voici passé au dessus du nuage, en même temps que nous sortons du bois dans un large lapiaz qui remonte jusqu'au pied de la voie.
Alors nous nous engageons, motivé par notre objectif qui se dévoile enfin à nos yeux. Mais rapidement, la motivation cède place à la fatigue. Le lapiaz est un véritable champs de mine. De nombreux trous, cachés par la neige, avalent fréquemment un mollet, parfois une jambe entière. Certains sont plus gros, alors nous procédons avec la plus grande prudence, sondant la neige devant nous et nous déplaçant autant que possible sur les rochers en dépassant. "The floor is lava!" Ce cheminement, bien que ludique, nous oblige à de larges détours.
Finalement, nous arrivons sur un replat, surplombé par la face Ouest du gerbier. On se dirige vers le pied du couloir de la double brèche, l'accès aux arêtes. La neige n'a aucune portance, et ce n'est plus une trace mais une tranchée que nous creusons. La neige nous arrive jusqu'à la taille et viens parfois même nous engloutir jusqu'aux épaules. Dans ces conditions, remonter la pente n'est pas une gageure. Puis nous voici enfermé dans ce couloir encaissé. On alterne des passages en neige profonde, et des passages ou seul quelques centimètres de neige masquent des rochers branlants. Là encore, il faut progresser prudemment pour ne pas être déséquilibré. Tout les 5 mètres, une pause et un questionnement qui reviens sans cesse: est-ce une bonne idée de continuer?
Clairement, les conditions sont loin d'êtres optimales. Nous sommes partis dans l'optique d'un ambiance hivernale, avec tout le matériel et les précautions nécessaires. Les arêtes semblent relativement sèches, à l'exception de la partie terminale bien blanche. Mais cette accès gavé d'une neige inconsistante, et nos erreurs lors de l'approche nous ont fait perdre énormément de temps. Un succès est encore possible, mais il ne faudrait pas rencontrer de difficultés trop importantes une fois là haut. Dilemme terrible tant les pour et les contre s'équilibrent parfaitement. Mais finalement, douter n'est-ce pas déjà avoir perdu? Alors, nous décidons de sonner la retraite et nous lançons dans la désescalade de la moitié de couloir déjà avalée.
Une fois revenu sur le plat, nous décidons de profiter de la fin de matinée qu'il nous reste pour opérer un large détour par le pré de l'Achard, en direction du pas de l’œil, avant de rejoindre la station. Ce qui nous promet une belle promenade dans la neige. D'abord nous longeons les arêtes, passons devant le pilier Martin dont j'avais imprimé le topo, "au cas où". Celui-ci parait sec et aurait pu faire un beau plan B, si ce n'est que notre unique corde nous obligerait à tout faire corde tendue et rendrait les rappels compliqués. Mauvais plan si ce pilier ne s'avérait pas si sec au final. Notre promenade au soleil est en tout cas un vrai plaisir. Nous dégustons le silence lors d'une longue pose ensoleillée sur un rocher. Il suffirait d'un duvet, d'un réchaud pour se faire le thé et d'un bon bouquin pour passer un après-midi exquis. On regrette souvent de n'avoir emporté les skis, tant certaines pentes promettent une skiabilité proche de la perfection.
Puis nous voici de retour sur les pistes, on croise des chasseurs, des randonneurs et des skieurs qui profitent de l'avant-saison. Mais sous les télésièges le cadre est nettement moins agréable, d'autant que nous voici de nouveau pris dans les nuages. Nous sommes donc de retour à la voiture, où la faim se fait sentir. Ce sera d'ailleurs le sujet qui occupera nos esprit lors des embouteillages Lyonnais: qu'est-il raisonnable de manger un samedi après-midi à 17 heures? Ce sera omelette savoyarde pour l'un, tartiflette pour l'autre.