11-07-2022
Vanoise
1200
1600
2800
ED
7h30
1

Depuis mon arrivée au GAUL en 2017, mon Nico stagnait à 39 ans. En cet été 2022, il passait enfin le cap des 40 ans. Une grande occasion ! Que je me devais de fêter en l'emmenant en montagne, suivant la tradition. Après avoir poliment décliné ma proposition de bivouac romantique dans le couloir du Goûter, le presque quarantenaire accepte, après quelques négociations, de se confronter à la terrible aiguille de la Vanoise.

 

Comme je sais que mon Nico apprécie le gaz et les escalades aériennes, le choix de l'itinéraire coule de source ; ce sera la traversée des arêtes, une course abordable que je qualifierais même de balade pour cet expérimenté montagnard.

 

7h15, départ du parking des Fontanettes à travers la quiétude des alpages de Vanoise. Personne si ce n'est deux patous décérébrés (heureusement isolé du reste du monde par une clôture), et quelques marmottes que nous surprenons en détours de virages. Le ciel est d'un bleu limpide, la température agréable, tout va pour le mieux, pourtant mon Nico semble tracassé. "C'est le pas de III en milieu d'arête qui t'inquiète mon Nico ?". Non, c'est l'unique bande de PQ dans le sac de mon compère qui sera finalement consommée avant même la moitié de l'approche, comme on placerait son dernier friend 10m avant le crux de la longueur... De mauvais souvenirs semblent se rappeler à lui...

 

9h30, attaque de l'arête par son extrémité Est. Mon Nico semble en confiance et me suit sans faire d'histoires. "C'est marrant, le rocher semble piégeux mais la fréquentation doit tout nettoyer, ya pas un caillou qui bouge !", me dit-il juste avant que je ne m'engage dans une cheminée optionelle sur la droite. Après quelques jurons lointains et autres jérémiades à propos de soi disant blocs prêts à tomber et de guide du jour incompétent, je rejoins la vire qui contournait la difficulté par la gauche et vois mon Nico sortir de la cheminée et m'enjoindre cordialement de respecter l'itinéraire classique au maximum, ce que je m'efforce de faire jusqu'au sommet W.

 

Fait notable décrit ici comme dans mon bloc-note : Arrivée au sommet W par une section en versant N facile mais improtégeable. Remarque innocente à mon Nico d'éviter la glissade étant donné l'exposition de la section. Grand étonnement lorsque ce dernier, que je sais être professeur d'éducation en physique, et donc homme de sciences, me répond : "Oh, moi tu sais je vais pas très vite. Alors si je tombe, ce sera lentement !". Quelques nuits blanches à mon actif depuis, ainsi qu'un abonnement pris à ScienceDirect, pour tenter de m'expliquer ce phénomène.

 

11h30, arrivée au sommet E en toute décontraction : mon Nico est à l'aise, et toujours en baskets. J'avance de quelques dizaines de mètres, pour enfin poser les mains sur ce sublime rateau de chèvre, section facile mais Ô combien esthétique qui me ramènera toujours à cette belle aiguille de la Vanoise. Un coup d'oeil dans les 400m de gaz en face N me permet d'éclairer mon second, un brin interrogatif sur le caractère aérien de la suite ; "ben... C'est pas tant gazeux par rapport à si c'était plus gazeux !". Succès total : le temps de remettre la phrase à l'endroit, il a déjà torché le rateau de chèvre, et baigne à présent dans un sentiment incroyable d'invulnérabilité. Quelques dizaines de mètres plus loin vient la fameuse poutre sur laquelle même certains des plus téméraires finissent à califourchon, et je suis obligé de raisonner mon Nico qui voulait absolument faire un Yaniro pour la vidéo. Je réussis de peu à le convaincre qu'un passage debout de manière tout à fait désinvolte sera suffisant.

 

12h30, arrivée au sommet W après un nouvel élan de mon Nico, déchaîné ce jour là ; alors qu'en passant je lui montre la sortie de la voie Desmaison parcourue la veille, il devient comme fou et se met à hurler qu'il va la redescendre puis la remonter en baskets, pour bien montrer à Antoine ("l'imposteur", dans ses termes) que c'est lui qui mérite la présidence. Mon soulagement est vif quand il entend raison et vu sa forme, je n'ai même pas besoin de lui suggérer de s'imaginer à skis pour attaquer la descente, ponctuée de quelques passages de désescalade. Il s'en sort d'ailleurs très bien et toujours en baskets ; cette traversée héroïque de sa part, fera, je l'espère, taire certaines mauvaises langues au club, comme celle d'un certain Jean-Cristal Senoff*, peu confiant sur les capacités de mon binôme.

 

13h15, désencordement et rangement de la ferraille. Je pense le plus dur passé, mais lors de notre redescente vers le col du Moriond dans des pentes herbeuses, mon Nico gémit et m'apostrophe ; c'est la catastrophe, son système digestif s'emballe et il est à court de papier. Même si l'on n'est pas censé mélanger le torchant et les serviettes, celles en papier au fond de mon sac feront l'affaire. A la condition évidente qu'une fois maculées, il ne les laisse pas comme un gros porc au milieu des étendues florales de Vanoise, transformant ainsi notre paradis nature en chiottes publiques de gare routière. J'ai cependant de gros doutes que le contrat ait au final été respecté, et la question hante mon esprit alors que nous pique-niquons à l'écart du sentier. Après une vague tentative de mon Nico pour nous orienter vers le télésiège, à laquelle je répond que ma cartouche du camp est déjà cramée, nous attaquons la descente de la piste sous les pylônes. Craignant ensuite une nouvelle lubie de mon camarade en furie, je le rattrape alors qu'il accélère soudainement derrière un arbre et aperçois dépité, mon Nico, qui avait pourtant gardé sa dignité et son caleçon propre durant toute la course, perdre les deux d'un coup, tout ça à cause de l'eau du camping, qui aura fait souffrir plus d'un GAULois durant ce camp...

 

14h45, arrivée aux Fontanettes dans la foule en délire et les fans insistant(e)s. Mon Nico zappe la conférence de presse et file prendre une douche avant d'aller regarder sereinement la fin du Tour de France. Et voilà, Romain, comment de coliniste, on devient alpiniste.

 

*Le nom a été modifié pour éviter les problèmes.