23-06-2023
Ecrins
D
1

Après notre joli périple aux cavales l’année dernière, on repart en direction du Chatelleret avec une bonne crêpe locale du bourg de la Bérarde dans l’estomac. C’est avec la peau du ventre bien tendue que l’on attaque la douce montée dans la forêt au-dessus du petit village. Les sacs sont lourds aujourd’hui ou serait-ce l’effet galette ? :) La montée se passe tranquillement jusqu’à atteindre la terrasse du refuge. Ce bon vieux Charles nous accueille chaleureusement. Après avoir enfilé une paire de crocs, on le rejoint dans la salle commune.

Il nous conseille de passer par le couloir de neige à la montée et de suivre le sentier pour la marche d’approche. On ne lui demande pas le menu de ce soir car on le connaît déjà ! Diots, riz sauce tomate, comme tous les soirs, enfin sauf pour les végétariens ou c’est riz sauce tomate.

Je file à la sieste et Claire me rejoins peu de temps après. 1h plus tard, je pars faire une petite reconnaissance en crocs pour le début du sentier du lendemain. 19h, c’est l’heure de la soupe ! Nous sommes attablés avec un trio de randonneurs fort sympathiques. Ils sont en périples de refuge en refuge ; la Lavey, le Chatelleret et Temple écrins. Après la soupe, c’est les diots tant attendu suivi par un petite poire chocolat et un bon vieux génép offert gracieusement par le gardien.

Direction le dortoir pour recharger les batteries au maximum pour notre journée du lendemain.

3h, le réveil sonne. Claire : « J’ai rien dormi »

François : « J’espère que ça va le faire quand même ! »

Un bol de thé et je descends déjà me préparer. Claire me rejoint peu de temps après. 2 autres alpinistes qui partent pour le pilier Cheze à la tête sud du replat nous rejoignent également. Le baudrier accroché, guêtres et frontale vissée sur le casque et hop nous voilà parti. Il fait nuit noire dehors, la température de l’air est agréable. On redescend un petit peu pour emprunter le pont de bois. L’itinéraire commence par suivre le sentier qui remonte le vallon des étançons. Je fais des contrôles réguliers sur iphigénie pour ne pas louper l’embranchement où il nous faudra sortir du sentier pour rejoindre le couloir. On sort au deuxième lacet puis on attaque une montée raide sur terrain à bouquetins. Le couloir en neige est en vue dans la pénombre. Moyennant une petite désescalade de la moraine en terrain sableux, nous prenons pied sur la neige. On enfile nos crabes et hop c’est parti pour remonter cette ligne. Le jour se lève doucement.

La neige n’est pas béton armée et je me surprends à faire une petite trace par endroit. Des petites pauses ponctuent notre ascension. Nous arrivons sur le plateau où la magnifique arrête ouest menant à la pointe des aigles se découvre enfin. A droite, nous voyons le couloir des chamois qui est enneigé sur ces 2 derniers tiers. La vue est magnifique, la Meije trône devant nous. Un bref dépôt de bâtons derrière un rocher et nous poursuivons notre route piolet en main. On rejoint le pied de l’arrête et file 10 m à droite pour faire halte au niveau d’un gros cairn qui marque le début de l’itinéraire classique. Claire semble vraiment fatiguée mais elle veut quand même poursuivre.

Claire : « On reste en grosse ou on met les chaussons ? »

François : « Chaussons pour les deux premières longueurs au moins, après on verra »

Une fois les grosses mises dans le sac, j’attaque la première longueur. A froid, elle réveille un peu, c’est une grimpe raide à prises rondes et difficilement protégeable jusqu’au premier piton situé 8m plus haut. Je ne regrette en aucun cas d’avoir mis les chaussons. Une fois le premier piton clippé, ça va mieux, je rentre doucement dans la course. S’en suit une fissure un peu fuyante qui m’amène à un bon endroit pour poser un friends et encore quelques pas un peu déroutant sur prise peu franches et hop me voilà au relais. Claire me rejoint tranquillement et souligne aussi qu’ici les chaussons sont salvateurs.

La seconde longueur commence par une traversée facile sur bonne prise puis une traversée à flanc avec petits pieds mais qui se protège bien. Le rocher est excellent et je viens faire relais sur un bon béquet. S’en suit une troisième longueur plus facile en 3c sur une magnifique dalle raide noirâtre. Après 25 m de grimpe, j’arrive au relais. Claire me rejoint sans difficulté, mais est fatiguée de sa trop courte nuit et n’apprécie pas ces beaux moments de grimpes à leur juste valeurs. Nous évoluons ensuite en corde tendue sur un rocher irréprochable pour rejoindre le sommet du premier ressaut. Le second a l’air court et on décide donc de garder les chaussons pour nous économiser une manip sachant qu’on les aurait remis pour la première longueur du troisième.

Il n’y a pas un souffle de vent, la vue sur la Meije est saisissante et nous sommes seuls dans la voie. Magnifique. Le second ressaut se passe sans encombre tout à  corde tendue hormis un petit friends rouge tellement bien calé sur ce rocher d’exception qui a décidé de jouer les prolongations et de rester dans la voie. La grimpe n’est jamais difficile mais est un peu plus aérienne que le premier ressaut. Nous voilà arrivés au pied du troisième pitch. La longueur commence par une traversée aérienne sur une rampe à gauche et s’en suit, soit un dièdre légèrement déversant en 5a ou une traversée sur petite prise bien protégée. Mon choix s’oriente sans hésitation vers le dièdre. Moyennant quelques mouvements un poil athlétiques me voilà sorti de cette section.

Je cherche le relais mais ne le voyant pas, je décide de poursuivre et de tirer une grande longueur de 50m. S’en suit une magnifique dalle plutôt fine qui m’amène  sur 3 pitons où je peux faire relais tranquillement. La suite se fera corde tendue pour rejoindre l’arrête sommitale au soleil. Claire fera les 10 derniers mètres en tête pour fouler la cîme.

Il est 10h45, nous avons mis 4h dans la voie. On s’accorde une pause de 30 minutes sur cette jolie cime en mangeant tranquillement. La descente s’effectue par la face sud Est en empruntant une succession de vire au rocher moyen. S’en suit une traversée raide d’un névé pour rejoindre le col des chamois. Je taille des marches sans les crabes dans cette neige juste revenue comme il faut. Par sécurité, Claire les met et me rejoint au col. On fait rappel de 25 mètres. Puis deux de 50m via la radline. Cela nous amène en bas du couloir. En rappelant la corde, une petite pierre vient percuter le bras de Claire. Heureusement, la blessure est superficielle. On se réencorde court pour désescalader le névé fort raide jusqu’à notre dépôt de bâtons. La neige est revenue et les crampons ancrent parfaitement. Une fois les bâtons récupérés, on rejoint notre couloir matinal que l’on descend tranquillement. Arrivés en bas de la brêche, les crabes sont retirés et on passe en mode randonnée jusqu’au refuge. On claque la bise à Jeje et Elisa qui sont montés aujourd’hui et on descend doucement jusqu’au parking.

Cette pointe des Aigles fut une magnifique course sur un rocher d’exception, la descente en revanche mériterait de se faire par les rappels du trou du glas des cavales voir passer une nuit supplémentaire au Pavé pour ceux qui voudrait couper la journée.