22-07-2023
Ecrins
D
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La veille de la montée au Promontoire, on s'endort paisiblement sur le parking des brebis.
Le taxi devait venir nous chercher à 7h le lendemain, mais nous avons décidé d'annuler car la météo annonce des vents à 80 km/h le dimanche. Au lever du jour, on file au bureau des guides de la Grave pour tenter de glaner des informations et le dernier bulletin météo. La dame qui s'occupe du bureau, nous dit : "Ils annoncent des vents forts à 80 km/h en direction OUEST SUD OUEST le dimanche. Vous êtes amateurs?

"François : "Oui"
Odile :" Pour une première traversée de la meije, c'est bien de la faire dans des bonnes conditions je pense. Il y a un guide qui va arriver et qui a fait la traversée dans des conditions de vent soutenues. Il pourra vous dire son ressentit."

Le guide arrive et me dit que le vent ne l'avait pas trop géné mais que les prévisions pour dimanche annoncent plus de vent que pour lui. A priori, pas de voyant rouge, ce sera peutêtre très inconfort mais il faut aller voir.
Notre décicision est prise, on montera au promontoire dans tous les cas et on verra sur place. Dans le pire des cas, on aura fait une jolie randonnée et Claire aura pu découvrir le refuge du promontoire. Le tacos viendra nous prendre pour 10h30 à peu près.
Après un petit déjeuner à la Grave on file au pont des brebis se préparer en attendant le carosse. Il arrive vers 10h30. On charge les sacs et il nous emmène à la berarde. La discussion est sympatique, il nous raconte son passé de freerider en snowboard et nous dit qu'il est propriétaire d'un bar "Meltin - Art" aux deux alpes.

Arrivé à la bérarde, on charge les sacs sur notre dos et on se met en route. 10 minutes plus tard, Claire se rend compte qu'elle n'a plus ses clés de voiture. Je passe un coup de fil au tacos et il nous dit qu'il la mettra sous l'amortisseur avant. Sauvés ! On peut repartir sereinement.

La marche d'approche nous est familière pour l'avoir empruntée il y a un mois lors de notre ascension de la Ouest de la pointe des aigles. Une petite halte s'impose au refuge du chatelleret. Une crêpe à la myrtille et un jus de pomme bio pour claire et une crepe jambon tomme de savoie, crêpe à la myrtille et Ice tea pêche pour moi. 20 minutes plus tard, nous nous remettons en marche. Nous passons sous l'arrête ouest du pic nord des cavales, puis la pointe des aigles. Cela nous rappelle de beaux souvenirs.
Puis, nous évoluons sur une moraine avec en toile de fond, l'objectif du lendemain : le grand Pic de la meije et ses arrêtes.

Après avoir passé un petit névé, nous voilà en train de gravir l'échelle qui nous mène au refuge. Il est 17h30 lorsque l'on peut enfin se délester de notre sac. Une fois la paire de croks enfilée, claire et moi révisons le topo du lendemain. La soupe arrive rapidement et la gardienne nous indique qu'il y aura deux créneaux petit déj pour échelonner les cordées. Un petit déj 3h30 et un à 4h30. Ce sera la deuxieme option pour nous sachant que nous avons prévu de dormir à l'aigle. A priori les cordées ne semblent pas trop inquiètes pour le vent.
A notre table, les discussions vont bon train entre un binôme qui va tenter de décoller en vol biplace au niveau du refuge de l'aigle et 4 jeunes du vercors plutôt sympatiques.

Il est 4h05, le réveil sonne.

Je file dehors pour me faire une idée de la température. Il ne fait pas trop froid et Eole semble être toujours endormi. Au loin, on voit déjà les cordées qui bouchonnent déjà dans le pas du crapeau. Je vais ensuite m'attabler et rejoindre claire, le nez plongé dans mon bol de thé fumant. Nous sommes avec deux binômes qui partent également pour la traversée. Toutes les cordées s'équipent dans le refuge. Claire et moi partons juste derrière la première cordée. Mais au bout de 20m, la cordée part sur la droite et on en profite pour passer devant et aller chercher le pas du crapaud conformément au topo, c'est à dire bien sur la gauche. On leur dit que l'itinéraire passe ici avec une broche pour sécuriser le passage. Une fois ce petit bombé négocié, on reste sur le fil de l'arrête en ascendance gauche en alternant entre marche et grimpe facile dans des cannelures. Le rythme est bon et on arrive rapidement au campement des demoiselles. Le jour se lève lentement et les deux autres cordées sont déjà loin derrière nous.

S'en suit une petite grimpe dans une cheminée pour atteindre la traversée qui nous mène au couloir duhamel. La grimpe n'y est jamais difficile mais les protections ne sont pas faciles à mettre du coup on évolue en corde tendue de manière aéré. Après avoir avalé le duhamel, on fait une micro pause sur une petite dalle. Les deux cordées de jeunes du vercors partis 1h plus tôt sont à 50 mètres de nous.
Notre ascension se poursuit dans leur direction. Je leur demande si ils prennent la variante. De notre côté, on va chercher la dalle et on tire sur la droite par un systeme de vires. Quelques pitons nous permettent de nous protéger rapidement. Une petite grimpe facile sur le mur castelno et on continue à tirer sur la droite par une vire.

La suite de l'itinéraire passe par une rampe sur la gauche où on rattrape les deux cordées. La grimpe n'y est jamais difficile mais le gaz se fait sentir, l'ambiance est très grisante ici. C'est juste avant le dos d'âne que l'on passe devant nos amis de manière très courtoise. Un petit pas athlétique bien protégé et on enchaîne par la vire aux encoches. On se retrouve dans une cheminée puis au pied de la probable dalle des autrichiens. Je fais le choix de traversée quelques mètres à droite et tirer une jolie longueur de 25m en diagonale droite.
Cela nous amène juste 15 m sous le glacier carré. La suite se grimpe dans un couloir cheminée pour atteindre le glacier carré. Quelle sensation grisante d'atteindre cette masse de neige suspendue. C'est juste magnifique.

Une pause de 5 minutes est actée pour chausser les crampons, sortir le piolet et manger un petit peu. On enchaine ensuite sur ce glacier en top condis. La sortie à la breche se fait dans du rocher très moyen. Une fois les crabes retirés, on évolue corde tendue le long de l'arrête ouest du grand pic jusqu'à apercevoir le mythique cheval rouge. Claire semble souffrir un petit peu de l'altitude et m'en fait part. Le rythme est donc temporisé jusqu'au pied du canasson. Après deux petits pas de dalle sur ce morceau d'histoire me voilà à chevaucher la bête ! Incroyable ! J'enchaîne par le chapeau du capucin et claire me rejoint au relais. La suite déroule sans encombre jusqu'au sommet du grand Pic !
La vue est saisissante ici ! Cette enfilade d'arrête effilée taillées au couteau jusqu'au doigt de dieu tout au fond! C'est splendide, comme dans nos rêves. La madone est bien là pour nous accueillir ainsi qu'un duvet laissé à l'abandon. Il est 9h45, soit 4h45 après avoir quitté le refuge. Une pause contemplation de 15 minutes s'impose. Après en avoir pris plein les mirettes, on se relance dans la course.

Une petite desescalade et nous voilà au premier relais de rappel du grand pic. La rad line est de sortie bien enquitée dans son sac à duvet. Les rappels s'enchaînent très bien jusqu'à la breche. Grande ambiance ce grand pic.
On poursuit sur le fil du rasoir en crampons pour atteindre les câbles de la breche zigmondy. Une belle atmosphère dans cette goulotte, et c'est pointe avant dans les belles marches taillées que l'on évolue en s'aidant du câble métallique. Tantôt avec l'aide du piolet, tantôt à la main, cette partie est très ludique et change par rapport au reste de l'itinéraire. Je fais relais à la sortie de la zigmondy. La suite de l'itinéraire se fait sur le fil, on décide d'enlever nos crabes. On enchaine tel des funambules sur les dents de la meije. Moyennant deux petits rappels, nous voilà au pied du doigt
de dieu. Il se grimpe facilement sur le fil de l'arrête. Et nous voilà 5 heures plus tard sur le doigt de dieu ! Un coup d'oeil dans le rétro pour contempler ces belles arrêtes et le grand pic en toile de fond.

Après une bonne dizaine de minutes à profiter, nous voilà reparti en désescalade jusqu'au relais de rappel. La rad line est de nouveau de sortie, et après un rappel et une petite traversée dans du rocher moyen, nous voilà à enhainer les deux derniers qui nous posent sous la rimaye du doigt de dieu. Le refuge de l'aigle perché sur son petit ilôt rocheux nous fait de l'oeuil.
On déroule sur ce joli glacier bien bouché en top condis jusqu'au pied du refuge. Et hop, après 20m de D+, on se retrouve sur la terrasse du refuge. Il est 17h.

Nous sommes heureux à l'idée de pouvoir prendre un petit apéro pour fêter cette magnifique traversée de la meije. Mais le bulletin météo du lendemain ne le vois pas de cet oeuil et nous invite à prendre une omelette et une petite biere fissa avant de rechausser les crampons.
En effet, demain le bulletin annonce des précipitations toute la journée, on déguste donc notre omelette et on se remet en route.
La descente se passe sans encombre quoique un peu longuette après une traversée de la meije.
On alterne entre glacier, vires cablées arrête facile pour retrouver un agréable sentier de randonnée jusqu'au pont des brebis.
La frontale s'allume sur les 30 dernières minutes pour cloturer cette belle journée sur cette magnifique montagne chargée d'histoire!

On comprend mieux maintenant pourquoi certains gaulois y reviennent encore et encore, c'est juste grandiose !

Merci Claire !
Merci également à mon Rémi, expert de la Meije, qui m'avait donné de précieux conseils pour que cette trav se déroule au mieux.